Les écrivains syriens et palestiniens du iiie siècle forment trois groupes : un premier groupe qu’on rencontre autour de Césarée et de Jérusalem et qui s’est trouvé en rapport plus ou moins intime avec Origène ; un deuxième groupe qui appartient à Antioche ; et enfin un troisième groupe d’auteurs anonymes dont on ne sait pas exactement où ils ont écrit. Le présent paragraphe s’occupera des deux premiers.
Jules Africain dut naître vers 170 au plus tard, peut-être en Libye, et en 195 fit campagne avec les troupes de Septime Sévère en Osrhoène où il se lia avec le roi d’Édesse, Abgar IX. Après de multiples voyages, il s’établit à Emmaüs Nicopolis, à six heures de Jérusalem, et y mourut entre 240-250. On ignore s’il était né chrétien : il est certain seulement qu’il resta toujours laïque et que le christianisme s’allia chez lui à la plus grossière superstition. C’était un esprit curieux qui s’intéressait à tout et prenait de toutes mains, sans y trop regarder.
Le plus important de ses ouvrages est sa Chronographie en cinq livres. Aucun de ces livres ne s’est conservé entier ; mais, comme l’ouvrage a été beaucoup utilisé par Eusèbe, saint Jérôme et les chroniqueurs plus récents, on en connaît assez bien le contenu. Partant de cette idée que dans la Bible se trouve l’exacte chronologie du monde, Jules Africain inscrit, en face des dates et des faits donnés par l’Écriture, les événements synchroniques de l’histoire des divers peuples connus. C’était là la seconde partie de l’ouvrage, les canons, qui étaient précédés naturellement d’une première partie théorique où dates et chiffres sacrés et profanes étaient discutés. La Chronographie s’arrêtait à la troisième année d’Elagabal, 5723e du monde, 221e de notre ère.
Un second ouvrage de Jules Africain est intitulé Broderies (Κεστοί), livre de mélanges, où sont abordés toute espèce de sujets (guerre, médecine, agriculture, magie, etc.), quelques-uns fort inattendus sous une plume chrétienne. On en possède d’assez longs extraits. L’écrit est postérieur à la Chronographie.
Mentionnons enfin deux lettres. Dans l’une, entièrement conservée, à Origène, l’auteur contestait la canonicité de l’histoire de Suzanne dans Daniel. Dans l’autre, adressée à un certain Aristide et dont on connaît le fond, il résolvait le problème que présente la double généalogie de Joseph dans saint Matthieu et saint Luc.
Un autre correspondant d’Origène et son ami a été cet ancien disciple de Clément, l’évêque Alexandre, qui accueillit chez lui Clément fugitif et conféra le sacerdoce à Origène. Il était probablement né en Asie Mineure vers 160-170 et fut d’abord évêque en Cappadoce ou en Cilicie. Venu en pèlerinage à Jérusalem en 211, il y fut retenu de force par les chrétiens de cette ville et installé coadjuteur du vieil évêque Narcisse, à qui il succéda vers 216. Alexandre a écrit des lettres, mentionnées par Eusèbe et saint Jérôme.
Le même saint Jérôme (Vir. ill., 60) parle d’une correspondance entre Origène et l’évêque de Bostra, Bérylle, qu’Origène avait ramené à l’orthodoxie. Bérylle vivait sous Caracalla (211-217). Sa rétractation se place sous Gordien (238-244). Outre des lettres, il avait composé une Philocalie ou recueil d’extraits d’ouvrages étrangers.
Quant au prêtre Pamphile, le dernier des auteurs palestiniens du iiie siècle dont nous ayons à parler, il n’a point connu personnellement Origène, mais il a été un de ses plus fervents admirateurs. Né à Beyrouth, en Phénicie, de parents riches, il étudia la théologie à Alexandrie sous Pierius, puis se fixa à Césarée de Palestine. Il y reçut le sacerdoce, ouvrit école de science sacrée et travailla surtout à enrichir la magnifique bibliothèque qu’Origène y avait fondée. La persécution de Maximin en fit un martyr en 309. Eusèbe, son collaborateur et son ami, qui avait écrit sa vie, l’a dépeint comme un prêtre parfait, orné de toutes les vertus.
En dehors de lettres que nous n’avons plus, Pamphile avait composé, étant déjà en prison, une Apologie pour Origène en cinq livres, auxquels Eusèbe en ajouta un sixième. Tous les reproches faits à Origène y étaient discutés. Le premier livre seul s’est conservé par une traduction latine de Rufin. Une autre des occupations de Pamphile était de revoir lui-même, pour en corriger les fautes, les nombreuses copies de la Bible qu’il faisait exécuter sur le texte établi par Origène. Mais il n’a pas fait, comme on l’a cru quelquefois, de nouvelle recension du texte.
Les écrivains d’Antioche de la même époque ne méritent, au point de vue littéraire, qu’une courte mention. C’est Geminus, prêtre sous Alexandre Sévère (222-235), dont saint Jérôme (Vir. ill., 64) dit qu’il avait composé quelques écrits. C’est l’évêque d’Antioche, Paul de Samosate (260-268), jugé par trois conciles et finalement déposé, après que le prêtre Malchion l’eut convaincu d’erreur. Paul semble avoir écrit des discours à Sabinus dont il reste cinq citations. C’est le martyr Lucien, mis à mort en 312, le maître d’Arius et suspecté lui-même pour sa doctrine, l’inspirateur de la première école exégétique d’Antioche. Il fit du texte biblique une recension qu’on trouve en usage au ive siècle en Syrie, en Asie Mineure, à Constantinople et dans la Thrace. Saint Jérôme (Vir. ill., 77) lui attribue en outre des professions de foi (de fide libelli) et des lettres.