(Printemps, été, automne 1527)
Hamilton se rend à Marbourg – Il y rencontre Lambert d’Avignon – L’université de Marbourg – La science et la foi – Hamilton étudie les Écritures – Pourquoi il n’alla pas à Wittemberg – Maladie de Luther – La peste à Wittemberg – Hamilton soutient des thèses à Marbourg – Les thèses d’Hamilton – L’attaque et la défense – Nouvelles thèses d’Hamilton – Elles contiennent la moelle de la théologie – Hamilton retourne en Écosse
Quand Hamilton arriva sur le continent, il portait déjà dans son cœur le germe de la réformation de l’Écosse ; son union avec les docteurs de l’Allemagne devait montrer l’identité de ce grand mouvement spirituel, qui partout abattait les mêmes abus et faisait surgir de nouveau les mêmes vérités. De quel côté se dirigera maintenant le jeune héros chrétien de l’Écosse ? Aller à Wittemberg entendre Luther, Mélanchthon et les autres réformateurs était toute son ambition ; mais certaines circonstances l’engagèrent à se diriger d’abord sur Marbourg. Cette ville était sur sa route, et un imprimeur distingué, Hans Luft, y publiait alors les œuvres de Tyndale. En effet, le 8 mai 1527, au moment où Patrick arrivait sur le continent, paraissait à Marbourg la Parabole de l’injuste Mammon, et sept mois plus tard, le 11 décembre, Luft publiait La véritable obéissance du chrétien. Mais Hamilton se flattait de trouver à Marbourg plus que ces écrits, — Tyndale lui-même. Les ouvrages évangéliques anglais devaient alors s’imprimer en Allemagne et, autant que possible, sous les yeux de l’auteur. Le jeune Écossais avait donc l’espérance de rencontrer à Marbourg le traducteur du Nouveau Testament, le réformateur de l’Angleterre, et même Fryth, qui devait être avec lui. Une raison plus positive encore influait sur Hamilton. Il savait que Lambert d’Avignon, celui de tous les réformateurs dont les vues se rapprochaient le plus de celles qui dominèrent plus tard en Écosse, avait été appelé par le landgrave à Marbourg. Philippe de Hesse lui-même était le plus décidé, le plus hardi de tous les princes protestants ; que de motifs pour s’arrêter dans cette ville ! Une circonstance extraordinaire décida le jeune Écossais. Le landgrave, défenseur de la piété et des lettresu, allait fonder dans cette ville la première université évangélique, « pour la restauration des sciences libéralesv. » L’inauguration devait avoir lieu le 30 mai. Hamilton et ses amis avaient le temps d’arriver. Ils se dirigèrent vers la Hesse et atteignirent les bords de la Lahn.
u – « Unicus et pietatis et literarum vindex. » (Registres de l’université de Marbourg, anno domini 1527.)
v – « Ad instaurandas liberales disciplinas. » (Ibid.)
Là petite ville était à leur arrivée dans un mouvement inaccoutumé. Sans se laisser distraire par cette agitation, Hamilton se hâta de chercher le Français dont on lui avait parlé et d’autres savants qui devaient être aussi à Marbourg. Il trouva le vif, le pieux, le résolu Lambert, ennemi, comme le landgrave, des demi-mesures, et décidé à faire en sorte que la Réformation ne s’arrêtât pas à moitié chemin. Le jeune abbé du Nord et l’ancien moine du Midi se rencontrèrent, s’entendirent et bientôt vécurent ensemble dans une grande familiaritéw. Lambert lui disait que les choses cachées avaient été révélées par Jésus-Christ ; que ce qui distingue notre religion de toutes les autres, c’est que Dieu nous a parlé ; que l’Écriture suffit pour nous rendre parfaits. Il ne philosophait pas beaucoup, persuadé qu’à force de philosopher, on s’éloigne de la vérité. Il rejetait avec une égale énergie la superstition qui invente un merveilleux mythologique, et l’incrédulité qui nie une action divine et surnaturelle. « Tout ce qui a été déformé doit être réformé, disait Lambert, et toute réforme qui procède autrement que par la Parole de Dieu est néantx. Toutes les inventions de la raison humaine ne sont, en fait de religion, que badinage et fatras. »
w – Conference and familiarity. (Fox, Acts, IV, p. 558.)
x – Paradoxa Lamberti, dans Scultetus Annales Evangél.
L’agitation qui régnait alors parmi la population de Marbourg provenait de l’inauguration prochaine de l’université fondée par le landgrave. Le 30 mai, le chancelier présida à cette cérémonie. Jamais école savante n’avait été fondée sur des bases semblables ; on peut même croire que l’union qui doit exister entre la science et la foi y fut méconnue. Rien dans les écrits d’Hamilton n’indique qu’il partageât à cet égard les vues de Lambert. A côté d’une grande simplicité évangélique quant à la foi, l’Écossais avait plutôt, quant à la manière de l’exprimer, une nuance métaphysique, spéculative, qui est assez dans l’esprit écossais. Voici les principes qui devaient caractériser l’université nouvelle : « Les saintes Écritures, » dit un document de Marbourg qui nous a été conservé, « doivent être purement, dévotement interprétées, et quiconque ne le fait pas ne peut enseigner dans l’école. Il faut retrancher de la science du droit, tout ce qui s’y trouve de non chrétien ou d’impiey. Ce ne sont pas de simples savants qui doivent être placés dans les facultés de droit, de médecine et des sciences et lettres, mais des hommes qui à la science joindront la connaissance des saintes Écritures et la piété. »
y – Cautelæ impiæ. (Baum, Lambert d’Avignon, p. 152.)
Ainsi l’opposition entre la science et la foi occupait déjà alors les esprits et le landgrave tranchait la question en bannissant la science et les savants dès qu’ils n’étaient pas d’accord avec l’Écriture, comme en d’autres temps on a voulu rejeter la théologie et les théologiens, dès qu’ils n’étaient pas d’accord avec le savoir humain. Nul ne doit enseigner dans les écoles théologiques, que conformément aux Écritures de Dieu, autorité souveraine dans l’Église. Méconnaître ce principe c’est entreprendre de ravager le troupeau de Dieu. Toutefois le fanatisme de l’école ne saurait justifier le fanatisme de l’Église. C’est une chose grave que de bannir la science à cause des dangers auxquels elle expose. Exclure le feu du foyer, de crainte de l’incendie, ne serait pas raisonnable ; mieux vaut prendre les précautions que le bon sens indique pour prévenir le mal. Le vrai moyen pour que la science et la foi marchent ensemble sans péril, c’est l’intervention du principe moral. L’existence des prétendus esprits-forts provient d’une défaillance morale ; et c’est peut-être aussi de là que proviennent parfois certains excès d’un orthodoxisme exagéré. Une précipitation présomptueuse et passionnée, qui affirme et nie à tout venant, est une faute grave. Que de fois, une loi, un fait proclamé par la science en une certaine année comme propre à convaincre l’Écriture d’erreur, ont-ils dû, un peu plus tard, être abandonnés par elle comme erronés ! Mais que les hommes pieux se gardent aussi d’une paresse, d’une poltronnerie, qui les porteraient à repousser la science, dans la crainte qu’elle ne reste maîtresse du champ de bataille. Ils se priveraient ainsi des armes les plus aptes à défendre leurs trésors, des occasions les plus propres à les répandre. Lambert n’alla pas si loin, mais il était convaincu que si un souffle divin, venant d’en haut, n’animait pas l’enseignement académique, l’université ne serait plus qu’un mécanisme mort, et qu’au lieu de répandre une culture saine et éclairée, la science ne ferait qu’obscurcir et pervertir les esprits. C’est là certes une pensée très raisonnable, très pratique, et il faut regretter qu’elle n’ait pas toujours présidé à l’enseignement public.
Les discours d’inauguration étant terminés, le receur, Montanus, professeur de droit civil, ouvrit le rôle de l’université, pour y coucher les noms de ses membres. Des professeurs, des pasteurs, des fonctionnaires de l’État, des nobles, des étrangers, des étudiants, en tout cent dix personnes, donnèrent leurs noms. Le premier qui s’inscrivit fut le recteur, le second fut Lambert ; puis vint Adam Crato, le professeur Ehrard Schnepf, l’un des premiers Allemands convertis par Luther ; Enricius Cordus, qui avait accompagné Luther à Worms ; Hermann von dem Busche, professeur de poésie et d’éloquence. Peu après on vit s’approcher trois jeunes hommes, d’une apparence étrangère. Le premier d’entre eux inscrivit ainsi son nom : Patricius Hamilton, a Litgovien, Scotus, magister Parisiensisz ; ses deux amis s’inscrivirent après lui.
z – P. Hamilton, du comté de Linlithgow (où se trouvait Kincavil), Écossais, maître-ès-arts de Paris. Les trois noms se voient encore dans les registres, sous les numéros 37, 38, 39.
Dès lors, le Français et l’Écossais étudièrent souvent ensemble, et avec une ardeur toujours nouvelle, les saintes Écrituresa. La grande intelligence de la Parole de Dieu que possédait Hamilton, étonnait Lambert ; la fraîcheur de ses pensées et de son imagination le charmait, la droiture de son caractère lui inspirait une grande estime, ses remarques profondes sur l’Évangile l’édifiaient. Un peu plus tard le Français, s’adressant au landgrave Philippe, lui dit : « Ce jeune homme, de l’illustre famille des Hamilton, qui est uni de près, par les liens du sang, au roi et au royaume d’Écosseb, à peine âgé de vingt-trois ans, qui apporte à l’étude des Écritures un jugement très solide et possède un grand fonds de science, est venu de l’extrémité du monde, de l’Écosse, dans votre académie, pour être plus abondamment affermi dans la vérité de Dieu. A peine en ai-je rencontré un second, qui s’exprimât avec autant de spiritualité et de vérité, sur la Parole du Seigneur. » Tel est le témoignage rendu en Allemagne, par un Français, au jeune réformateur de l’Écosse.
a – « Sæpe enim mecum, de eisdem Scripturis, Hamilton contulit. » (Fr. Lambert, dédicace de son Comment, sur l’Apocal. Dans l’appendice de l’Histoire de Knox, N° 3, p. 503.)
b – « Ex illustrissime Hamiltonum familia, quæ ex summis regni Scotiæ et regi sanguine proximius juncta est. » (Ibid.)
Hamilton restera-t-il à Marbourg ? Ne verra-t-il pas Luther, Mélanchthon et les autres docteurs de la Réformation ? On a cru généralement qu’il alla à Wittemberg ; mais rien ne l’indique, ni dans les registres de cette université, ni dans les lettres de Luther ou de Mélanchthon, et cette tradition nous semble dénuée de fondement. Cependant puisque Hamilton avait eu l’intention de visiter Luther quand il quitta l’Écosse, par quel motif ne réalisa-t-il pas ce dessein ? Le voici. Au commencement de juillet, au moment où le jeune Écossais pouvait se rendre à Wittemberg, le bruit se répandit que Luther était tombé subitement malade. Le 7 juillet il avait perdu l’usage de ses sens, son corps était immobile, son cœur battait à peine, sa femme et ses amis éplorés entouraient le lit où il était étendu comme mort. Il revint pourtant à lui, et croyant qu’il allait rendre l’espritc, il se mit entièrement dans la main de Dieu, et le priait avec une grande ferveur. En même temps, on disait en Allemagne que la peste était à Wittemberg. Luther ayant repris un peu de force, écrivit à Spalatin : « Que le Seigneur ait pitié de moi et n’abandonne pas son pécheurd ! » Bientôt il eut de nouvelles attaques. « Ah ! disait-il à ses amis, on s’imagine, parce que la joie éclaire d’ordinaire mon visage, que je marche sur des roses… mais Dieu sait combien la vie est rude pour moi ! »
c – « Prorsus arbitrarer me extinctum iri. « (Luther, Epp., IV, p. 187.)
d – « Ut non deserat peccatorem suum. » (Ibid.)
Un jour, Jonas étant venu souper avec lui, Luther se sentant mal pendant le repas, se leva tout à coup, et ayant fait quelques pas, tomba en défaillance. « De l’eau, de l’eau ! criait-il, ou je meurs. » S’étant couché, il leva les yeux et dit : « O mon bien-aimé Seigneur, tu es le maître de la vie et de la mort ; fais comme il te plaît. Seulement rappelle toi que c’est toi qui m’as fait entreprendre cette œuvre et que c’est pour ta vérité, pour ta Parole, que j’ai combattu. »
Le jour suivant, à six heures du soir, Jonas étant de nouveau près du lit de son ami, l’entendit invoquer le Seigneur tantôt en allemand, tantôt en latin ; la pensée qu’il n’avait pas assez fait, pas assez souffert pour son Sauveur l’angoissait. « Ah, disait-il, je n’ai pas été jugé digne de verser mon sang pour l’amour du Christ, comme l’ont fait plusieurs de mes frères. » — Bientôt une pensée le consola : « Saint Jean l’évangéliste aussi, dit-il, n’a pas eu cet honneur, — lui qui pourtant a écrit contre le papisme un livre (l’Apocalypse), bien plus rude que je ne pourrais jamais en écriree. » Après cela il fit approcher son petit Jean et regardant la mère de l’enfant, il dit : « Vous n’avez rien ; mais Dieu vous nourrira. »
e – « Viel ein œrger Buch wieder das Papsthum. » (Rapport de Jonas.)
La peste, avons-nous dit, était à Wittemberg. Deux personnes moururent dans la maison de Mélanchthon ; un de ses fils fut atteint et l’un des fils de Jonas perdit la vie. Hans Luft, l’imprimeur de Marbourg, qui se trouvait pour affaires à Wittemberg, tomba malade et son esprit s’égaraf. On l’apprit à Marbourg, où se trouvait Hamilton.
f – « Hans Luft jam nono die ægrotat. » (Luther, Epp., IV, p. 189.)
La terreur devint générale à Wittemberg. Tous ceux qui le pouvaient, et les étudiants surtout, quittaient la ville ; l’université fut transportée à Iéna. Luther invita l’électeur à s’y rendre avec sa famille ; mais, ajouta-t-il, dans de telles calamités, il faut que les pasteurs restent à leur poste. Il resta donc, et Mélanchthon, qui faisait en Saxe une visite d’Églises, reçut l’ordre d’aller à Iéna pour y reprendre ses cours. Pendant ce temps Luther retrouvant un peu de forces, visitait les malades et consolait les mourants. En quelques jours il y eut dix-huit morts autour de lui, et même quelques-uns expirèrent presque dans ses brasg. Il accueillait chez lui des pauvres, des veuves, des orphelins, même des pestiférés ; sa maison devint un hôpitalh. Sa femme et son fils furent atteints. « Que de combats, s’écria-t-il, que de terreurs ! N’importe, si la maladie consume le corps, la Parole de Dieu sauve les âmes. » Il retomba lui-même malade et se croyant près de la mort, il écrivit à Mélanchthon : « Priez pour moi, misérable et abject vermisseau. Je n’ai qu’une gloire, c’est d’avoir enseigné purement la Parole de Dieui. Celui qui a commencé l’œuvre l’achèvera. Je ne cherche que lui. Je n’ai soif que de sa grâce. »
g – « Fere expiravit inter brachia mea heri. » (Ibid., p. 191.)
h – « In domomea cœpit esse hospital. » (Ibid., p. 217.)
i – « Verbum Dei pure tradidi. » (Ibid., p. 215.)
Tels furent sans doute les événements qui retinrent Hamilton à Marbourg ; apprenant que la peste avait fait transporter les cours au moins en partie à Iéna, il renonça à Wittemberg ; et c’est ainsi que s’explique fort naturellement l’absence de documents originaux sur son prétendu séjour dans l’université saxonne. Un très pénible sacrifice lui était ainsi imposé. Lambert résolut de profiter de ce mécompte. Ayant une haute idée de la foi, du jugement et des talents d’Hamilton, il lui demanda de composer et de défendre publiquement des thèses sur la doctrine évangélique. Chacun appuya cette requête, car une solennité académique, dans laquelle un théologien étranger appartenant à la famille du roi d’Écosse tiendrait la principale place, ne pouvait manquer de jeter un certain éclat sur la nouvelle université. Hamilton y consentitj. Son sujet fut bientôt trouvé. La religion d’un homme n’était saine à ses yeux que si elle avait sa source dans la Parole de Dieu et dans les expériences intimes de l’âme qui reçoit cette Parole et est par elle conduite dans la vérité. Il crut nécessaire de présenter la doctrine sous ce point de vue pratique, plutôt que de se perdre dans les théorèmes spéculatifs d’un scolasticisme obscur.
j – « Me hoc illi consulente. » (Lamberti dedicatio Exegeseos in Apocalypsim.
Au jour fixé, Hamilton se rendit dans la grande salle de l’université, où étaient réunis des professeurs, des étudiants et un grand nombre d’autres auditeurs. Il déclara qu’il allait établir un certain nombre de vérités sur la Loi et l’Évangile et qu’il les défendrait contre tous. Ces thèses, toutes d’application, avaient pourtant quelque chose de cet esprit dialectique qui a distingué plus tard les écoles philosophiques de l’Écosse, et étaient rédigées dans un style pur et lapidaire, qui assigne une place notable à ce théologien de vingt-trois ans, parmi les docteurs du seizième siècle.
« Il y a une différence et même une opposition entre la loi et l’Évangile, dit Hamilton, la loi nous montre notre péché, l’Évangile nous en montre le remède. — La loi nous montre notre condamnation ; l’Évangile nous montre notre rédemption. — La loi est la parole de la colère, l’Évangile est la parole de la grâce. — La loi est la parole du désespoir ; l’Évangile est celle de la consolation. — La loi est la parole du trouble ; l’Évangile est celle de la paixk. — La loi dit : Paye ta dette ; l’Évangile dit : Christ l’a payée. — La loi dit : Tu es un pécheur désespéré, meurs sous la condamnation ; l’Évangile dit : Tes péchés te sont pardonnés ; réjouis-toi donc car tu es sauvé. — La loi dit : Fais amende pour tes péchés ; l’Évangile dit : Christ a fait amende pour toi. — La loi dit : Le Père céleste est irrité contre toi : l’Évangile dit : Christ l’a apaisé par son sang. — La loi dit : Où est ta justice ? où est ta bonté ? où sont les satisfactions que tu peux offrir au Seigneur ? L’Évangile dit : Christ est ta justice, Christ est ta bonté, Christ est ta satisfaction. — La loi dit : Tu es à moi, tu es à l’enfer, tu es au diable ; L’Évangile dit : Christ t’a délivré d’eux tousl. »
k – « The law is the word of unroest ; the gospel is the Word of peace. » (Patrick’s Places, Fox, Acts, IV, p. 566.)
l – « The law saith : Thou art bound and obliged to me, to the devil and to hell. » (Patrick’s Places. Fox, Acts, IV, p. 566. Knox, Hist. of Ref., I, p. 25.)
L’attaque commença et la défense du jeune maître-ès-arts fut aussi remarquable que son exposition. Même s’il employait le syllogisme, il secouait la poussière de l’école et mettait quelque chose de net et de frappant à la place. Un opposant soutenant que l’homme est justifié par la loi, Hamilton répondit par ce syllogisme :
« Ce qui est la cause de la condamnation ne peut être la cause de la justification.
La loi est la cause de la condamnation.
Donc, elle n’est pas la cause de la justification. »
Sa phrase nette, concise, saillante, ce qui était rare en Allemagne, si ce n’est chez Luther, son christianisme pratique, limpide, consciencieux, frappaient les esprits qui l’entendaient. Certainement, dit Lambert, Hamilton a mis en avant des axiomes très chrétiens et les a défendus avec beaucoup de sciencem.
m – « Axiomata doctissime asseruit. » (Lambert, Dédic. Exeges, Apocal.)
Hamilton soutint encore d’autres disputes publiques. La foi en Christ et la justification par elle étant le principe qui distingue le protestantisme des autres systèmes chrétiens, il crut devoir établir la nature, l’importance et l’influence de cette doctrine. Il croyait que la foi naît dans le cœur de l’homme, quand celui-ci entendant ou lisant la Parole de Dieu, le Saint-Esprit rend témoignage dans son cœur à la vérité capitale qui s’y trouve et lui montre avec évidence que Jésus est réellement un tout-puissant Sauveur. La foi était pour le jeune Écossais une œuvre divine qu’il distinguait soigneusement d’une foi simplement humaine. Il établit et défendit à ce sujet les propositions suivantes : « Celui qui ne croit pas la Parole de Dieu ne croit pas Dieu lui-même. — La foi est la racine de tout bien ; l’incrédulité est la racine de tout mal. — La foi fait de Dieu et de l’homme des amis ; l’incrédulité en fait des ennemis. — La foi nous montre en Dieu un père plein de douceur ; l’incrédulité nous montre en lui un juge terrible. — La foi fait que l’homme tient ferme sur le roc ; l’incrédulité fait que toujours il vacille et chancelle. — Vouloir être sauvé par les œuvres, c’est se faire soi-même sauveur à la place de Jésus-Christ. — Prétendrais-tu te faire l’égal de Dieu ? Voudrais-tu ne pas recevoir la moindre chose de lui sans lui en payer la valeur ? »
Fryth, qui assistait sans doute à la discussion, fut si frappé de ces thèses, qu’il les traduisit en anglais, et c’est ainsi qu’elles sont venues jusqu’à nous. « Les vérités qu’Hamilton a exposées sont telles, disait-il, que celui qui les connaît a la moelle de toute la théologien. » « Ces thèses sont courtes, disaient d’autres de ses auditeurs, mais la matière y est si abondante, qu’il y a de quoi remplir de gros volumeso. Oui, Christ est l’auteur de la Rédemption, et la foi est l’œil qui le voit et le reçoit. Il n’y a que ces deux choses : Christ immolé et l’œil qui le contemple. L’œil, il est vrai, n’est pas seul dans l’homme ; nous avons en outre des mains pour travailler, des pieds pour marcher, des oreilles pour entendre, et d’autres membres encore propres à notre service. Mais aucun de tous ces membres n’a la capacité de voir, c’est l’œil seul qui voitp. »
n – « Which known, you have the pith of all divinity. » (Fryth, To the Reader. Fox, Acts, IV, p. 563.)
o – « Yet in effect it comprehendeth matter able to fill large volumes. » (Notes on Patrick’s Places. Fox, ibid., p. 572.)
p – « None of them all that can see but only the eye. (Notes on Patrick’s Places. Fox, Acts IV, p. 573.
Cependant au milieu de tous ces travaux, Hamilton pensait à l’Écosse. Ce n’était pas aux bénéfices dont il était revêtu, à Saint-André, aux lacs brumeux, aux vallées pittoresques ; ce n’était pas même à sa famille, à ses amis, qu’il pensait le plus ; ce qui l’occupait nuit et jour, c’était l’ignorance, la superstition dans laquelle se trouvaient ses compatriotes. Ce qui l’appelait avec force, c’était le besoin de rendre gloire à Dieu, de faire du bien aux siens. Toutefois y retourner, n’était-ce pas une folie ? N’avait-il pas vu l’animosité du clergé d’Écosse ? Ne connaissait-il pas la puissance du primat Beaton ? Ne s’était-il pas même hâté, six ou sept mois auparavant, de quitter sa patrie ? Pourquoi donc ces pensées de retour ? Elles avaient leur raison. Hamilton avait été fortifié dans son esprit pendant le temps qu’il avait passé à Marbourg ; sa foi et son courage s’étaient accrus ; vivant avec des chrétiens décidés, prêts à donner leur vie pour l’Évangile, il avait été trempé comme l’acier et en était devenu plus fort. Sans, doute de suprêmes périls l’attendaient en Écosse ; ses deux amis, John Hamilton et Wynram, ne comprenaient pas son impatience et étaient décidés à attendre. Mais ni leur exemple, ni les instances de Lambert ne pouvaient éteindre l’ardeur du jeune héros. Il éprouvait de la tristesse à se séparer de Lambert et à renoncer définitivement à voir Luther et Mélanchthon ; mais il avait entendu l’appel de Dieu ; l’essentiel pour lui était d’y répondre. Vers la fin de l’automne 1527, il monta sur un navire avec son fidèle serviteur, et cingla vers les rives de la Calédonie.