Hélas ! Seigneur, au moment d’ouvrir les lèvres, pour te prier, une crainte me saisit : je t’ai prié si souvent de me changer, et si souvent je suis resté de même, que je crains à cette heure, en te demandant de nouvelles forces, de n’en pas plus profiter que par le passé. Je crains de tourner tes grâces en dissolution et de mériter ta colère, précisément par la prière qui devrait m’attirer ta bénédiction ! Si, une fois sur cent, j’avais profité des secours que tu m’as envoyés, une fois sur cent, suivi ta volonté ! Mais non ; il semble que je prenne plaisir à constater et aggraver par mes prières les fautes nouvelles que je vais commettre ; tu veux que je sois, exaucé, et moi je ne le veux pas ! Après l’avoir demandé, je m’y suis opposé ! Mieux vaudrait n’avoir jamais prié ! Seigneur, je n’ose pas continuer ; je ne sais que te dire que je ne t’aie déjà dit et redit. Mais voici tu le veux, et mon cœur m’y pousse ; tu le veux, je te prierai, au risque de te répéter pour la millième fois la même parole et de t’exposer des besoins que tu connais mieux que moi, Seigneur ; que ton Esprit me saisisse au milieu de cette prière, qu’il reste en moi quand j’aurai cessé de te parler, qu’il me suive partout, qu’il règne dans mon cœur ; qu’il soit mon maître, me dirige et ne me quitte plus ; que je le retrouve à l’approche des tentations ; qu’il me découvre les ruses du malin ; qu’il me soutienne dans la lutte, et surtout, Seigneur, donne-moi cet Esprit de paix, de douceur, d’activité dans la foi et dans l’amour ; que je sois plongé dans cette atmosphère de sainteté, et que je ne puisse faire un pas, lever la tête sans m’en sentir couvert et inondé.