Ce titre comprend une restauration nationale d’Israël dans son ancien héritage et une restauration spirituelle, et bien que nous les admettions toutes deux, nous ne saurions nous dissimuler que la première, suffisamment attestée, croyons-nous, l’est moins complètement que la seconde.
Nous mettons en fait tout d’abord qu’une future prise de possession par Israël de son pays et de sa capitale, n’emporterait pas nécessairement une désertion en masse de tous les lieux où la nation juive est actuellement dispersée. Les analogies des premiers retours qui s’effectuèrent au terme des soixante-dix ans de la captivité de Babylone et dont les proportions modestes cachèrent aux contemporains la haute importance historique, nous autorisent à réduire au besoin notre attente au retour d’une faible élite, qui seule dans cette race de banquiers et de journalistes, aura conservé au cœur la sainte ambition d’Israëlf. Que dis-je ? cette rentrée d’Israël dans sa ville s’accomplit sous nos yeux, et il ne reste plus à espérer que la chute de « l’Homme malade », pour que le terme indiqué par Jésus, Luc 21.24, soit réputé atteint.
f – Comme le docteur Pétavel, l’ami des Juifs, demandait naïvement à des Israélites de haut bord s’ils ne songeaient pas à aller retrouver bientôt le pays des pères, il lui fut répondu : Monsieur, nous nous plaisons beaucoup a Paris, et nous ne nous soucions pas d’aller habiter chez les Turcs.
Ce dénouement d’un drame ancien de quatre mille ans, dont tous les éléments existent et sont, pour ainsi dire, rassemblés sous nos yeux, ne serait certes pas plus improbable que le fait de la conservation de cette race durant tant de siècles, au milieu de l’hostilité et du mépris universels, et que la vitalité extrême qu’elle montre à cette heure au sein même des nations les plus riches et les mieux douées. Le peuple juif, témoin et victime de tant de miracles passés et dont la présence seule est le fait le plus inexplicable de l’histoire moderne, reste le gage vivant le plus irrécusable de l’accomplissement futur des destinées du royaume de Dieu.
La fin même de non-recevoir opposée par le Maître la veille de son ascension à l’interpellation indiscrète des disciples, concernant « les temps et les moments » dont le Père s’était réservé la disposition à lui seul (Actes 1.6), renfermait une sanction donnée à l’objet légitime de leur attente : le rétablissement futur du royaume d’Israël.
C’est également sans doute une restauration nationale, mais fondée sur la justice, et présidée par les apôtres, que Jésus leur annonce à eux-mêmes : Matthieu 19.28 ; Luc 22.30.
La restauration nationale d’Israël à Jérusalem même, préludant au triage qui va s’opérer dans son sein entre la partie infidèle des sectateurs de la Bête, livrés à l’extermination, et la partie sainte et sauvée (Apocalypse 11.13) : telle était la matière essentielle du « petit livre », tour à tour doux et amer (Apocalypse 10.10), présenté par l’Ange au prophète de l’Apocalypseg.
g – Sur les opinions de la critique moderne concernant les chap. 11 et 12, que M. de Pressensé partage en partie, en y voyant un fragment d’apocalypse juive, voir Siècle apostolique, pages 329 et sq.
C’est à l’apparition subite et éclatante du Christ glorifié que la prophétie de l’A. T. déjà rattachait le second acte de la restauration d’Israël : son repentir et sa conversion (Zacharie 12.10-14) ; en sorte que la victoire matérielle de Christ sur la chrétienté apostate sera accompagnée d’une victoire plus éclatante encore remportée sur l’âme si longtemps endurcie de l’ancien peuple de Dieu.
C’est sans doute à cet oracle prophétique que Jésus fit allusion en prenant congé de son peuple rebelle en ces mots : « Votre demeure vous est laissée », mais en lui assignant ce lointain rendez-vous où Israël reverra et bénira enfin son Messie (Luc 13.33 ; comp. Matthieu 23.38-39)h.
h – Le rapport de cette parole à la scène des Rameaux, qui est possible dans le texte de Luc, est exclu dans celui de Matthieu (comp. Matthieu 21.1-17). Voir Godet, Commentaire sur l’Evangile de saint Luc.
La conversion générale d’Israël nous est également annoncée par Paul au terme de l’économie des Gentils, sans que d’ailleurs l’époque et les causes particulières en soient spécifiées, Romains ch. 11. Il est entendu que la mention de la conversion d’une nation comporte toujours des exceptions individuelles, et que la liberté humaine ne sera pas plus violentée dans cette crise salutaire que dans les précédentes. Nous nous la représentons comme un mouvement national, dont l’ancienne histoire d’Israël nous avait donné plus d’un exemple (Josué 24.10 ; 1 Samuel 7.2). Et comme toute la partie positivement réfractaire de la nation aura été enveloppée dans la ruine de l’Antéchrist, il ne restera plus de l’Israël selon la chair que ce peuple « de franche volonté » salué d’avance par le psalmiste : Psaumes 110.3.
Israël converti en masse sera aussitôt rendu à sa mission normale, dès l’origine répudiée, d’apôtre des Gentilsi ; et comme l’endurcissement dont il avait été frappé avait été le salut des Gentils, en affranchissant à tout jamais l’Eglise nouvelle des langes du judaïsme, sa réhabilitation dans le royaume de Dieu sera le signal d’une résurrection spirituelle, celle-ci complète et universelle (Romains 11.15). Israël ramené à son Messie mettra désormais au service de la bonne cause les dons exceptionnels qu’il avait reçus, tant de la nature que de la grâce, et tirera ainsi des longues injustices et des cruautés réitérées qu’il avait subies de la part des Gentils, une dernière et sainte vengeance. Le « fils aîné de l’Eternel » (Exode 4.22), tout ensemble rejeté et conservé « dans le désert des peuples » (Ézéchiel 20.35), et à travers les siècles de l’histoire « sans roi et sans prince, sans sacrifice et sans statue, sans éphod et sans téraphims » (Osée 3.4), redeviendra le premier des peuples.
i – C’est Paul qui avait rempli au premier siècle auprès des Gentils le rôle de suppléant de son peuple infidèle et rejeté.
Si, comme nous croyons l’avoir établi, l’évangélisation du monde doit être achevée avant le jour de la parousie, la mission du peuple juif une fois converti ne saurait plus être un rôle missionnaire, mais seulement réformateur ; et c’est bien ainsi que Paul nous le représente (Romains 11.15).