La trinité

III. L’Esprit-saint, manifestation de l’unité du Père et du Fils

A) TÉMOIGNAGE DE JEAN

18. Le Père et le Fils sont un par une naissance selon la nature.

Nous avons donc voulu répondre à la sottise de ces furieux, en vue de prouver la pauvreté de leurs mensonges, et pour que les simples ne tombent pas dans le piège de leurs arguments creux et absurdes. Au reste, la foi en l’Evangile se passerait bien de notre apologie : le Seigneur a prié pour nous et demandé à Dieu notre unité. Mais la sienne, il en jouit et demeure en elle. Et ce n’est pas en raison du mystère de l’économie divine que le Père et le Fils sont un, mais c’est par suite d’une naissance selon la nature, puisqu’en donnant l’existence à son Fils, le Père ne déchoit en rien. Ils sont donc un : ce qui n’est pas arraché de la main du Fils, n’est pas arraché de la main du Père, qui connaît le Fils, connaît le Père, qui voit le Fils, voit le Père, les paroles du Fils sont les paroles du Père qui demeure en lui[23], l’œuvre du Fils est l’œuvre du Père, bref le Fils est dans le Père et le Père est en lui[24].

[23] Cf. Jean 10.28, et 14.7-10.

[24] Cf. Jean 14.10-11. Cf. Livre II, 4.

Nous n’avons pas ici production d’une créature, mais naissance ; la volonté n’est pas en cause, mais la puissance ; on ne parle pas d’« unanimité », mais de « nature ». En effet, créer et naître est fort différent ; vouloir n’est pas pouvoir, pas plus qu’être uni de cœur n’est demeurer.

19. Le Fils affirme l’unité de sa nature avec celle du Père, en faisant intervenir l’Esprit-Saint.

Nous ne nions donc pas qu’il y ait harmonie entre le Père et le Fils ; les hérétiques mentent, à leur habitude, lorsqu’ils prétendent que nous parlons de désaccord entre ces deux personnes, sous prétexte que nous n’acceptons pas comme principe d’unité le seul accord de sentiment. Qu’ils entendent plutôt quelle est cette harmonie que nous ne leur refusons point. Le Père et le Fils sont un, par nature, en honneur, en puissance. La nature étant la même, il ne saurait y avoir divergence de volonté. Qu’ils entendent encore le Fils affirmer l’unité de sa nature avec celle du Père : « Lorsque viendra le Paraclet que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède de mon Père, c’est lui qui me rendra témoignage » (Jean 15.26). Le Paraclet viendra, le Fils l’enverra d’auprès du Père, et ce Paraclet, c’est l’Esprit de vérité qui procède du Père.

Que toute l’école hérétique dégaine le dard de sa ruse ! Qu’elle s’ingénie à découvrir des contes à raconter aux ignorants ! Qu’elle nous apprenne ce que cela veut dire : Le Fils envoie l’Esprit d’auprès du Père !

Il envoie, et par là, fait preuve de sa puissance. Mais il envoie d’auprès du Père, et cela, comment le comprendrons-nous ? Le Père aurait-il reçu cet Esprit, celui-ci aurait-il jailli du Père ou le Père l’aurait-il engendré ? Que l’Esprit doive être envoyé d’auprès du Père, a forcément l’une de ces significations.

Or celui qui doit être envoyé d’auprès du Père, c’est l’Esprit de vérité qui procède du Père. L’Esprit n’a donc pas été reçu par le Père, puisqu’on nous révèle qu’il en procède. Il ne nous reste plus qu’à préciser notre pensée sur ce point : s’agit-il de la sortie hors du Père d’une personne existante, ou de la procession d’une personne engendrée[25] ?

[25] Hilaire ne semble pas donner de réponse élaborée à l’alternative proposée au sujet du Saint-Esprit. Dans le Livre XII, chap. 55, il avance : « Je ne dirai pas que l’Esprit soit engendré ».

20. L’Esprit-Saint reçoit du Père et reçoit du Fils…

Pour le moment, je ne prends point en considération la liberté qui pousse certains à se demander si l’Esprit Paraclet vient du Père ou s’il vient du Fils[26]. Le Seigneur en effet, ne nous a pas laissés dans le doute. A la suite des mots précédemment cités, il déclare : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter actuellement. Lorsque viendra cet Esprit de vérité, il vous guidera vers toute la vérité. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu et vous annoncera les réalités à venir. C’est lui qui me rendra gloire, car il recevra de mon bien pour vous le communiquer. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit : Il recevra de mon bien pour vous le communiquer » (Jean 16.12-15).

[26] La théologie de l’Esprit-Saint au temps d’Hilaire n’est pas encore pleinement clarifiée.

L’Esprit, envoyé par le Fils, reçoit donc également du Fils, et il procède du Père. Et je te le demande : Serait-ce la même chose : recevoir du Fils et procéder du Père ? Si l’on voit une différence entre recevoir du Fils et procéder du Père, du moins on n’hésitera pas à croire que recevoir du Fils et recevoir du Père sont une seule et même chose. Le Seigneur lui-même le précise : « Il recevra de mon bien pour vous le communiquer. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit : Il recevra de mon bien pour vous le communiquer ».

Le Fils nous en donne ici l’assurance : c’est de lui que l’Esprit reçoit tout ce qu’il reçoit : puissance, perfection, doctrine. Et plus haut, il nous avait laissé entendre que tout cela, il l’avait reçu de son Père. Aussi nous dit-il que tout ce qu’a le Père est à lui, et c’est pourquoi il affirme que l’Esprit recevra de son bien. Il nous enseigne en outre, que ce qui est reçu de son Père est reçu pourtant de lui, car tout ce qu’a son Père est son bien.

C’est donc que le Père et le Fils sont un par nature.

Aucune divergence dans cette unité : ce qui est donné par le Père n’est pas différent de ce qui est reçu du Fils, et doit être considéré comme donné par le Fils. Allons-nous entendre parler ici encore d’une « unité de volonté » ? Tout ce qu’a le Père est au Fils, et tout ce qu’a le Fils est au Père. Et c’est le Fils lui-même qui nous en donne l’assurance : « Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi » (Jean 17.10).

Ce n’est point ici le lieu de montrer la raison de cette affirmation : « Il recevra de mon bien ». Ce texte se réfère à un temps futur, et l’on nous indique qu’en ce temps-là, l’Esprit devra recevoir. Pour le moment, le Christ souligne que si l’Esprit recevra de lui, c’est parce que tout ce qu’a le Père est à lui.

Si tu t’en sens capable, mets en pièces l’unité de cette nature ! Introduis je ne sais quelle dissemblance nécessaire, selon laquelle le Fils ne serait pas dans l’unité de la nature divine. Car l’Esprit de vérité procède du Père, soit ! Mais il est envoyé du Père par le Fils. Tout ce qu’a le Père, est au Fils : c’est pourquoi l’Esprit qui doit être envoyé, recevra tout du Fils, parce que tout ce qui est au Fils, est au Père. La nature suit donc en toutes choses sa propre loi, et, puisqu’ils sont deux à être un, la même nature divine est exprimée comme existant dans l’un et l’autre par génération et par naissance : le Fils affirme que lui a été donné par le Père, tout ce que l’Esprit de vérité reçoit du Père.

L’esprit tordu de l’hérétique n’a donc pas à prendre la liberté d’interpréter ce texte d’une manière hétérodoxe. Il n’a pas à prétendre qu’elle n’a rien à voir avec l’unité de la nature divine, cette parole du Seigneur où il nous assure que l’Esprit de Vérité recevra de lui ; car s’il en est ainsi, c’est parce que tout ce qui est au Père lui appartient.

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