Rapport de Fox à Henri et Anne – Impression de Wolsey – Il demande la décrétale – Une petite manœuvre du cardinal – Il met sa conscience à l’aise – Gardiner échoue à Rome – Nouvelle perfidie de Wolsey – Colère du roi contre le pape – More prédit la liberté religieuse – Immoralité du socialisme romain – Erasme appelé – Dernier élan de Wolsey – Efforts énergiques à Rome – Clément accorde tout – Wolsey triomphe – Union de Rome et de l’Angleterre
Pendant ce temps, Fox se rendait en Angleterre. Le 27 avril, il était à Paris ; le 2 mai il abordait à Sandwich, et se rendait en hâte à Greenwich, où se trouvait la cour et où il arrivait le lendemain à cinq heures du soir, au moment même où Wolsey venait de retourner à Londres. L’arrivée de Fox était un événement d’une grande importance. « Qu’il se rende dans les appartements de lady Anne, dit le roi, et qu’il m’y attende. » Fox raconta à Anne Boleyn ses efforts et ceux de Gardiner, et le succès de leur mission. Anne lui adressa quelques paroles aimables. Le temps, la volonté royale, l’ambition peut-être l’avaient presque décidée ; elle ne s’opposait plus au projet de Henri. « Madame Anne me nommait toujours maître Etienne, écrit Fox à Gardiner, tant son esprit était rempli de vous. » Le roi parut et Anne se retira.
« Dites-moi le plus brièvement possible ce que vous avez fait, dit Henri. » Fox remit au prince la lettre insignifiante du pape, que le roi se fit lire par l’aumônier ; celle de Staphiléo, qui fut mise de côté, et enfin celle de Gardiner, que Henri prit précipitamment et lut à part. « Le pape nous a promis, dit Fox en terminant son rapport, de confirmer la sentence du divorce, aussitôt que les commissaires l’auraient prononcée. — Admirable ! » dit le roi ; puis il fit appeler lady Anne. « Répétez devant Madame, dit-il à Fox, ce que vous venez de me dire. » L’aumônier obéit. Le pape, dit-il en finissant, est persuadé de la justice de votre cause, et la lettre du cardinal l’a convaincu que Madame est digne du trône d’Angleterre. — Faites ce soir même votre rapport à Wolsey, dit le roi. »
Il était dix heures du soir quand le grand aumônier arriva au palais de Wolsey ; celui-ci était couché ; mais il ordonna immédiatement qu’on introduisît Fox près de son lit. Homme d’Eglise, Wolsey pouvait mieux que Henri comprendre les finesses du pape ; aussi, ayant appris que Fox n’apportait que la commission, il fut effrayé de la tâche qu’on lui imposait. « Quel malheur ! s’écria-t-il, votre commission ne vaut pas plus que celle de Gambara… Toutefois, allez vous reposer ; j’examinerai demain ces papiers. » Fox se retira tout confus. « Ce n’est pas mal, dit Wolsey le lendemain, mais c’est encore sur moi que toute l’affaire retombe !… N’importe, il me faut avoir l’air content, sans quoi !… » Puis, ayant fait venir après midi dans son cabinet, Fox, le docteur Bell et le vicomte de Rocheford : « Maître Gardiner s’est surpassé, » s’écria le rusé et flexible cardinal ; « quel homme ! ô trésor inestimable ! ô perle de notre royaumea ! »
a – O non æstimandum thesaurum margaritamque regni nostri. (Strype Records, 1 p. 119.)
Il n’en croyait rien. Wolsey était mécontent de tout, du refus de la décrétale, et de la rédaction soit de la commission, soit de l’engagement (qui arriva bientôt après en fort bon état, quant à l’extérieur). Mais la mauvaise humeur du roi eût rejailli infailliblement sur Wolsey ; il faisait donc bonne mine à mauvais jeu, et ruminant en secret les moyens d’obtenir ce qu’on lui refusait : « Écrivez à Gardiner, dit-il à Fox, que tout me fait désirer la décrétale du pape, — le besoin de décharger ma conscience, celui de pouvoir répondre aux calomniateurs qui attaqueront mon jugementb, la pensée des accidents auxquels la vie des hommes est exposée. Que Sa Sainteté prononce donc elle-même le divorce ; nous nous engageons, de notre part, à tenir secrète sa résolution. Mais ordonnez à maître Étienne d’employer tous les genres de persuasion que sa rhétorique peut imaginer. » Dans le cas où le pape refuserait absolument la décrétale, Wolsey demandait que Campeggi partageât du moins avec lui la responsabilité du divorce.
b – Justissime obstruere ora calumniantium et temere dissentientium. (Ibid. p. 120.)
Ce n’était pas tout ; en lisant l’engagement, Wolsey avait aperçu la porte de derrière qui avait échappé à Gardiner, et voici ce qu’il imagina. « L’engagement que le pape nous a envoyé, écrivit-il à Gardiner, est conçu en des termes tels qu’il peut le rétracter ; il nous faut donc trouver quelque bon moyenc pour en obtenir un autre. Voici la couleur sous laquelle vous pouvez le faire. Vous vous présenterez à Sa Sainteté avec un air de doléanced, et lui direz : Hélas ! le courrier chargé de l’engagement est tombé dans l'eau avec ses dépêches, en sorte que l’acte est illisible. On n’a pas osé le remettre au roi, et si Votre Sainteté ne m’en fait pas délivrer un double, j’encourrai de la part de Sa Majesté le blâme le plus sévère. Au reste, continuerez-vous, je me rappelle les expressions de l’ancien document, et pour éviter toute peine à Votre Sainteté, je les dicterai à votre secrétaire. Puis, ajoutait Wolsey, tandis que le secrétaire écrira, vous trouverez moyen d’introduire dans cet acte, sans qu’il s’en aperçoive, des mots significatifs, gros et fortse, propres à lier le pape et à agrandir mes pouvoirs. Sa Majesté et moi, nous confions à votre habileté cette petite manœuvre politiquef. »
c – Ye shall by some good way find the mean to attain a new pollicitation. (Burnet, Records, p. 60.)
d – By way of sorrow and doleance. (Ibid.)
e – May find the means to get as many of the new and other pregnant, fat and available words. (Burnet, Records, p. 61.)
f – Politic handling. » (Ibid., p. 61.)
Tel était l’expédient inventé par Wolsey. Le secrétaire papal, s’imaginant faire une nouvelle expédition du premier document (qui était du reste en parfait état), devait, sous la dictée de l’ambassadeur anglais, en rédiger un d’une autre teneur. La petite manœuvre politique du cardinal-légat ne ressemblait pas mal à l’acte d’un faussaire, et jette un triste jour sur la politique du seizième siècle.
Wolsey fit lire cette lettre au grand aumônier ; puis, pour mettre sa conscience en paix, il ajouta pieusement : « Dans une affaire d’une si haute importance, de laquelle dépendent la gloire ou la ruine de cet empire, — mon honneur ou mon ignominie, — la condamnation de mon âme ou mon mérite éternel, — je ne veux écouter que le cri de ma conscienceg, et je prétends agir d’une manière si équitable que je puisse sans crainte en rendre compte à Dieu. »
g – Reclamante conscientia. (Strype, Records, 1 p. 124.)
Wolsey fit plus encore ; il semble que l’audace de ses déclarations le rassurait sur la bassesse de ses œuvres. Étant le dimanche suivant à Greenwich, il dit au roi en présence de Fox, de Bell, de Wolman et de Tuke : « Sire, je suis lié à votre royale personne plus qu’aucun sujet ne le fut jamais à son prince. Je suis prêt à prodiguer pour vous mes biens, mon sang, ma vie… Mais mes obligations envers Dieu sont plus grandes encore. C’est pour quoi, plutôt que d’agir contre sa volonté, j’endurerai les maux les plus extrêmesh. J’essuierai votre royale indignation, et s’il le faut, je livrerai mon corps aux bourreaux pour qu’ils l’écartèlent. » Quel esprit poussait alors Wolsey ? Était-ce aveuglement, était-ce impudence ? Peut-être était-il sincère dans ces paroles adressées à Henri ; peut-être désirait-il dans le fond de son âme faire passer le pape avant le roi, l’Église de Rome avant le royaume d’Angleterre, et ce désir lui paraissait-il une sublime vertu, capable de voiler une multitude de péchés. Ce que la conscience publique eût nommé trahison, était pour le prêtre romain de l’héroïsme. Ce zèle pour la papauté s’est rencontré parfois avec la plus flagrante immoralité. Si Wolsey trompait le pape, c’était pour sauver la papauté dans le royaume d’Angleterre. Fox, Bell, Wolman et Tuke écoutaient Wolsey tout émerveillési. Henri, qui croyait connaître son homme, recevait sans alarme ses saintes déclarations, et le cardinal ayant ainsi mis sa conscience à l’aise s’en allait hardiment à ses iniquités. Il semble toutefois que le reproche intérieur qu’il faisait taire en public prît sa revanche dans le secret. Un de ses officiers entrant peu après dans son cabinet, lui présenta à signer une lettre adressée à Campeggi, qui finissait ainsi : « Tout se terminera à la gloire de Dieu, à la satisfaction du roi, à la paix du royaume, et à notre propre honneur, avec une bonne conscience. » Wolsey ayant lu la lettre, effaça ces quatre derniers motsj. La conscience a un aiguillon auquel nul ne saurait échapper, pas même un Wolsey.
h – Extrema quæque… contra conscientiam suam. (Strype, Records, 1 p. 126.)
i – To my great mervail and no less joy and comfort. (Ibid. Burnet’s Ref. Vol. 1 p. 41.)
j – The cardinal dashed out. (Burnet, I, p. 53.)
Cependant Gardiner ne perdait pas son temps en Italie. Arrivé auprès de Campeggi (auquel Henri VIII avait donné un palais à Rome et un évêché en Angleterre), il le conjura de venir à Londres prononcer le divorce. Ce prélat, qui devait être chargé en 1530 d’étouffer le protestantisme en Allemagne, semblait devoir se prêter à une mission qui sauverait dans la Grande-Bretagne le catholicisme romain. Mais fier de sa position à Rome, où il représentait le pape, il ne se souciait pas d’une fonction qui lui attirerait infailliblement la haine de Henri ou la colère de Charles. Il s’excusa. Le pape parla dans le même sens. En l’apprenant, le terrible Tudor, commençant à croire que le pape voulait l’enlacer, comme le chasseur enlace le lion dans ses rets, fit éclater sa colère et la déchargea sur Tuke, sur Fox, sur Gardiner lui-même, mais surtout sur Wolsey. Il ne manquait pas de raisons pour le faire. Le cardinal, s’apercevant que sa haine contre Charles l’avait poussé trop loin, avait prétendu que c’était sans son ordre que Clarencieux, gagné par la France, s’était joint à l’ambassadeur français pour déclarer la guerre à l’Empereur ; il avait ajouté qu’il ferait mettre à mort ce roi d’armes d’Angleterre, lors de son passage à Calais. C’était un moyen infaillible d’empêcher de fâcheuses révélations. Clarencieux, informé à temps, passa par Boulogne, et obtint à l’insu du cardinal une audience de Henri, sous les yeux duquel il plaça les ordres que Wolsey lui avait donnés dans trois lettres consécutives. Le roi, étonné de l’impudence de son ministre, s’écria : O Seigneur Jésus, celui en qui j’avais le plus de confiance m’avait dit tout le contraire ! » Puis, ayant fait appeler Wolsey, il lui reprocha rudement ses mensonges. Le misérable tremblait comme la feuille. Henri parut lui accorder son pardon, mais le temps de sa faveur était passé. Il ne conserva plus le cardinal que comme un de ces instruments dont on se sert pendant un temps, et qu’on met au rebut quand on n’en a plus besoin.
La colère du roi contre le pape surpassait encore celle qu’il éprouvait contre Wolsey ; il tressaillait, se levait, s’asseyait, déchargeait son courroux par des paroles pleines d’emportement. — « Quoi ? disait-il, j’épuiserai mes combinaisons politiques, je viderai mes trésors, je ferai la guerre à mes amis, je consumerai mes forces… Et pour qui ?… pour un prêtre sans cœur, qui, ne considérant ni les exigences de mon honneur, ni la paix de ma con science, ni la prospérité de mon royaume, ni les nombreux bienfaits dont je l’ai comblé, me refuse une grâce qu’il devrait, comme père commun des fidèles, accorder même à son ennemi… Hypocrite !… Tu te couvres des dehors de l’amitié, tu nous flattes par de subtiles pratiquesk, mais tu ne nous donnes qu’un document bâtard, et tu dis comme Pilate : Peu m’importe que ce roi périsse, et tout son royaume avec lui ; prenez-le vous même et le jugez selon votre loi ! — Je te comprends… Tu veux nous embarrasser dans tes broussailles, tu veux nous prendre dans tes trappes, tu veux nous faire tomber dans le troul … Mais nous avons découvert le piège ; nous échapperons à tes embûches et nous braverons ton pouvoir ! »
k – By crafty means and under the face and visage of entire amity. (Strype, vol. 1 p. 166.)
l – To involve and ast us so in the briers and fetters. (Ibid.)
Telles étaient les paroles qu’on entendait alors à la cour d’Angleterre, dit un chroniqueurm. Les moines et les prêtres commencèrent à s’effrayer, tandis que les esprits les plus éclairés entrevoyaient déjà dans le lointain les premières lueurs de la liberté religieuse. Un jour, dans un moment où Henri se montrait sectateur zélé des doctrines romaines, Thomas More étant au sein de sa famille, son gendre Rooper, devenu zélé papiste, s’écria : « O heureux royaume d’Angleterre, où pas un hérétique n’ose montrer sa face ! — Cela est vrai, fils Rooper, dit More ; nous sommes maintenant au sommet de la montagne, et nous foulons les hérétiques sous nos pieds comme des fourmis ; mais plaise à Dieu que nous ne voyions jamais arriver le jour où nous souhaiterons d’être en paix avec eux, et de leur laisser leurs églises, pourvu qu’ils nous laissent les nôtres ! » Rooper répondit avec emportementn : « Par ma foi, Monsieur, c’est parler en désespéré ! » More avait pourtant raison ; le génie est quelquefois un grand devineur. La Réformation allait inaugurer la liberté religieuse, et asseoir ainsi la liberté civile sur une base inébranlable.
m – Strype.
n – My uncle said in a rage. (More’s life, p. 132.)
Henri lui-même s’éclairait peu à peu. Il commençait à avoir quelques doutes sur la hiérarchie romaine, et à se demander si un prêtre-roi, embarrassé dans toutes les complications de la politique, pouvait bien être le chef de l’Église de Jésus-Christ. Des personnes pieuses de son royaume, reconnaissaient dans l’Écriture et dans la conscience, une loi supérieure à la loi de Rome, et refusaient d’immoler aux ordres de l’Église des convictions morales, sanctionnées par la révélation de Dieu. Le système hiérarchique, qui prétend absorber l’homme dans la papauté, avait opprimé, depuis des siècles, la conscience des chrétiens. Quand l’Église romaine avait exigé des Bérenger, des Jean Huss, des Savonarola, des Jean Wesel, des Luther, la négation de leur conscience éclairée par la Parole, c’est-à-dire de la voix de Dieu, elle avait fait toucher au doigt tout ce qu’il y a d’immoral dans le socialisme ultramontain. « Si le chrétien consent à cette demande énorme de la hiérarchie, se disaient alors les hommes les plus éclairés, s’il abdique son propre sentiment quant au bien et au mal, dans les mains du clergé, s’il ne se réserve pas d’obéir à Dieu qui lui parle dans la Bible, plutôt qu’aux hommes, leur accord fût-il universel, si Henri VIII, par exemple, fait taire sa conscience qui condamne son union avec la veuve de son frère, pour obéir à la voix cléricale qui l’approuve ; il abdique par cela même la vérité, le devoir, et jusqu’à Dieu lui-même. » Mais il faut bien le dire : si les droits de la conscience commençaient à être compris en Angleterre, ce n’était pas de choses si saintes qu’il s’agissait entre Henri et Clément. Ils étaient deux intrigants, désireux, l’un d’amour, l’autre de pouvoir, et voilà tout.
Quoi qu’il en soit, une pensée de dégoût pour Rome germa alors dans le cœur de Henri, et rien ne put l’en chasser. Il fit aussitôt tous ses efforts pour attirer Érasme à Londres. En effet, si Tudor se séparait du pape, c’étaient ses anciens amis les lettrés qui devaient être ses auxiliaires, et non des docteurs hérétiques. Mais Érasme, dans une lettre du 1er juin, objecta sa santé, les voleurs qui infestaient les routes, les guerres et les bruits de guerre. Les destins nous mènent, dit-il, cédons aux destinso. » Il est fort heureux pour l’Angleterre qu’Érasme n’ait pas été son réformateur.
o – Fatis agimur, fatis cedendum. (Erasm. Epp. p. 1032.)
Wolsey remarqua ce mouvement de son maître, et résolut de faire un énergique effort pour réconcilier Clément et Henri VIII ; il y allait de sa propre sûreté. Il écrivit au pape, à Campeggi, à Da Casaler à toute l’Italie. Il déclara que s’il était perdu, la papauté l’était avec lui, au moins en Angleterre. « C’est de monpropre sang, ajouta-t-il, que je voudrais acheter la bulle décrétalep. Assurez sur mon âme le Saint-Père, que pas un œil mortel ne la verra. » Enfin, il fit écrire à Gardiner par le grand aumônier : « Si Campeggi ne vient pas, vous ne reviendrez jamaisq. » Moyen infaillible de stimuler le zèle du secrétaire.
p – Ut vel proprio sanguine id vellemus posse a S.D.N. impetrare. (Burnet, Records, 2 p. 19.)
q – Neither should Gardiner ever return. (Strype 1 p. 167.)
C’était le dernier effort de Henri VIII. Une année auparavant, Bourbon et le prince d’Orange n’avaient pas mis plus de zèle à escalader les murs de Rome. Le feu de Wolsey avait enflammé ses agents ; ils argumentaient, ils suppliaient, ils criaient, ils menaçaient. Les cardinaux et les théologiens, effrayés, se rassemblaient à la voix du pape, examinaient, discutaient, mêlaient les intérêts politiques et les affaires de l’Egliser. Ils comprirent enfin cette fois-ci ce que Wolsey leur faisait savoir. Henri, dirent ils, est le défenseur le plus énergique de la foi. Ce n’est qu’en lui accordant sa demande qu’on peut conserver à la papauté le royaume d’Angleterre. L’armée de Charles-Quint est en déroute et celle de François triomphe… » Le dernier de ces arguments trancha la question ; le pape fut pris subitement d’une grande sympathie pour Wolsey et pour l’Église d’Angleterre ; l’Empereur était battu, donc l’Empereur avait tort ; Clément accorda tout.
r – Negotia ecclesiastica politicis rationibus interpolantes. (Sand. p. 27.)
D’abord Campeggi fut invité à se rendre à Londres. Le pontife savait qu’il pouvait compter sur son intelligence et sur son inflexible adhésion aux intérêts de la hiérarchie ; la goutte même du cardinal était un avantage, car elle pouvait servir à d’innombrables délais. Puis le 8 juin, le pape, alors à Viterbe, donna une nouvelle commission par laquelle il conférait à Wolsey et à Campeggi, le pouvoir de déclarer nul le mariage de Henri et de Catherine, avec liberté pour le roi et la reine de former de nouveaux nœudss. Quelques jours plus tard, il signa la fameuse décrétale par laquelle il annulait lui-même le mariage de Henri et de Catherine ; mais au lieu de la confier à Gardiner, il la remit à Campeggi, avec défense de s’en dessaisir. Clément n’était pas sûr des événements ; si Charles perd décidément son pouvoir, la bulle sera publiée à la face de la chrétienté ; s’il le recouvre, la bulle sera brûléet. Les flammes consumèrent en effet plus tard ce décret que Médicis avait signé en l’arrosant de ses larmes. Enfin, le 23 juillet, le pape signa un bonengagement, en vertu duquel il déclarait à l’avance toute rétractation des actes, nulle et sans valeuru. Campeggi et Gardiner partirent. La défaite de Charles-Quint était complète, à Rome comme à Naples ; la justice de sa cause s’était évanouie avec son armée.
s – Ad alia vota commigrandi. (Herbert, p. 262.)
t – State Papers, VII, 78. Le Dr Lingard reconnaît l’existence de cette bulle et l’ordre de la livrer au feu.
u – Si (quod absit) aliquid contra præmissa faciamus, illud pro casso, irrito, inani et vacuo omnino haberi volumus. (Herbert, p. 250.)
Rien ne manquait donc aux désirs de Henri VIII. Il avait Campeggi, la commission, la bulle décrétale de divorce signée par le pape, et l'engagement qui donnait à tous ces actes une irrévocable valeur. Wolsey était vainqueur, et vainqueur de Clément !… Souvent il avait voulu s’élancer sur le cheval rétif de la papauté pour le conduire à sa guise, mais chaque fois le coursier malicieux lui avait fait perdre les arçons. Maintenant, il était ferme en selle, et tenait le cheval en bride. Grâce aux revers de Charles, il était maître à Rome. La papauté devait, bon gré mal gré, prendre le chemin qu’il avait choisi et devant lequel elle avait longtemps reculé. La joie du roi était sans bornes, et n’était égalée que par celle de Wolsey. Le cardinal voulant, dans le ravissement de son cœur, témoigner sa gratitude aux officiers de la cour romaine, leur fit offrir des tapis, des chevaux, des vases d’orv. Tout se ressentait autour de Henri de la bonne humeur de ce prince. Anne souriait ; la cour s’amusait ; la grande affaire allait s’accomplir ; le Nouveau Testament allait être livré aux flammes ; l’union entre l’Angleterre et la papauté paraissait à jamais affermie, et la victoire que Rome semblait remporter dans les îles Britanniques pouvait assurer son triomphe dans tout l’Occident. Vains présages ! C’étaient d’autres destinées que renfermait l’avenir.
v – Num illi, aulæa, vas aureum aut equi maxime probentur. (Burnet, Records, 1 p. 28.)