Lorsque les Juifs qui habitaient la Galilée, se rendaient à Jérusalem pour les fêtes, ils suivaient ordinairement la route la plus longue, qui les conduisait à travers la Pérée, le Galaad de l’Ancien Testament ; c’était afin d’éviter les vexations et même de pires outrages qu’ils auraient pu endurer de la part des Samaritains hostilesa. Ceux-ci auraient surtout maltraité ceux qui se rendant aux grandes fêtes de la sainte cité protestaient ainsi contre le culte du Garizim.
a – Josèphe raconte le massacre, par les Samaritains, d’un grand nombre de pèlerins de la Galilée.
Malgré ces obstacles, le Seigneur et ses disciples suivirent le chemin le plus court, qui les conduisait directement de la Galilée à Jérusalem, en passant par la Samarie : les mots de l’original peuvent avoir ce sens ; cependant, il faut admettre que le Seigneur passa plutôt entre la Samarie et la Galilée. Il voyagea du côté du Jourdain, ayant la Samarie à sa droite et la Galilée (Décapole) à sa gauche ; il traversa le Jourdain à Scythopolis, où il y avait un pont, ou suivit la rive occidentale jusqu’à Jéricho (Luc 18.35).
« Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre ; » leur misère commune les avait réunis (2 Rois 7.3) ; ils avaient même oublié l’antipathie nationale qui régnait entre le Juif et le Samaritain. Nous avons déjà parlé de la nature et de la signification de la lèpre d’après la loi de Moïse ; elle était le symbole du péché, qui sépare d’avec Dieu, le symbole de la mort spirituelle. Obéissant au commandement de la loi, les lépreux dont parle notre récit « se tenaient à distance, » mais avec l’espoir qu’ils pourraient obtenir une guérison ! « Ils élevèrent la voix, et dirent : Jésus, Maître, aie pitié de nous ! » Il est remarquable et instructif d’observer les diverses manières dont le Seigneur agit avec les divers malades et affligés qui s’approchent de lui ; il varie son traitement selon les besoins de ses patients ; il semble vouloir résister à une foi ferme, afin de la rendre plus forte ; il prévient une foi faible, de peur qu’elle ne succombe ; pour l’un, il pardonne d’abord et guérit ensuite ; pour un autre, qui a besoin d’un signe visible, il guérit d’abord et pardonne ensuite. Il avait sans doute un motif pour renvoyer ces lépreux avant de les guérir, et pour leur dire de se montrer aux sacrificateurs ; tandis que, dans une autre circonstance, il guérit d’abord le malade, et ne le renvoie qu’ensuite au temple. Dans le cas actuel, l’épreuve de la foi est plus grande. Avant d’obtenir leur guérison, les dix lépreux devaient faire un voyage qui aurait été ridicule, inutile, si la promesse de Christ avait été vaine. Il y avait évidemment chez ces lépreux un faible commencement de foi, quoiqu’il n’ait produit ensuite aucun fruit. Ils ne pouvaient supposer que les sacrificateurs les guériraient ; ils savaient que ceux-ci ne pouvaient que constater leur guérison, et les réintégrer dans la communauté du peuple de Dieu.
Il y avait ici, pour les lépreux, une grande tentation d’ingratitude dans le fait que, lorsqu’ils furent délivrés, leur bienfaiteur était absent, en sorte qu’ils ne purent lui rendre grâces immédiatement ; ils étaient probablement déjà hors de sa vue, à une certaine distance : « Pendant qu’ils allaient, il arriva qu’ils furent guéris. » Quelques interprètes pensent que le Samaritain, dont le cœur était plein de reconnaissance, ne revint auprès de Jésus qu’après avoir été à Jérusalem présenter son offrande, et après avoir été déclaré pur ; c’est l’opinion de Calvin. Il est plus probable qu’après avoir fait une partie du voyage, les lépreux s’aperçurent de leur guérison ; alors, l’un d’eux retourna auprès de Jésus pour donner gloire à Dieu et rendre grâces à son libérateur (2 Rois 5.15) ; les autres emportèrent le bienfait reçu sans une pensée de reconnaissance. Cette ingratitude n’est pas rare ; l’évêque Sanderson a dit : « Nous ouvrons largement la bouche jusqu’à ce que le Seigneur ouvre sa main ; ensuite, nous sommes muets et durs de cœur. »
Il y a quelque chose de significatif dans le fait que le lépreux reconnaissant était un Samaritain, un étranger aux alliances de la promesse, tandis que les neuf ingrats étaient de la race d’Abraham ; nous voyons par là que les Gentils n’étaient pas exclus du royaume de Dieu, ils devaient même devancer les enfants du royaume. Le Sauveur, qui cependant connaissait ce qui est en l’homme, semble avoir été surpris, car il dit : « Les dix n’ont-ils pas été guéris ? et les neuf autres, où sont-ils ? Ne s’est-il trouvé que cet étranger pour revenir donner gloire à Dieu ? » — Alors Jésus le congédie avec une bénédiction nouvelle ; la première ne concernait que la guérison de son corps, mais sa reconnaissance lui procure une bénédiction plus grande pour sa vie spirituelle. « Il lui dit : Lève-Loi, va, ta foi t’a sauvé. »
Les croyants doivent avoir cette confiance en Christ, qu’ils seront purifiés ; ils ne doivent pas oublier le pardon de leurs anciens péchés, ni l’état misérable dans lequel ils se trouvaient, mais se souvenir de la délivrance qu’ils ont obtenue.