Le nom de Dieu que l’A. T. emploie le plus ordinairement c’est Elohim, אלהים pluriel de Eloah, אלוה. Eloah est presque exclusivement une expression poétique, sauf dans les livres postérieurs, où se fait déjà sentir l’influence araméenne. Mais le nom de Dieu le plus ancien chez les Sémites c’est El, אל ; voyez les noms antiques de Méhujaël, Methusçaël (Genèse 4.18) ; Adbeël est un fils d’Ismaël (Genèse 25.13) ; Magdiël est un descendant d’Esaü (Genèse 36.43). C’est aussi sous le nom de El que les Phéniciens désignèrent le plus grand de leurs dieux, Saturne. El tout court sert rarement à désigner le vrai Dieu, du moins en prose. Presque toujours il est précédé de l’article ou suivi d’un génitif ou de quelque attribut. La gradation qui se trouve à deux reprises dans l’A. T. : Le Fort, le Dieu, l’Éternel, El, Eloïm, Jéhovah (Josué 22.22 ; Psaumes 50.1), montre que El est le nom primitif de Dieu. On a traduit quelquefois ces deux passages : Le Dieu des Dieux, l’Éternel, sait…, mais bien à tort. Ce n’est pas sans raison que le texte masorétique a le pesic. — El a pour racine le verbe Oul, אול, qui signifie être fort, être puissant, en sorte qu’il n’y a pas de doute à avoir sur le sens du nom de El. En revanche, on n’est pas d’accord sur l’étymologie du nom de Eloah. Les uns y voient un substantif dérivé de la même racine que El et signifiant aussi le Fort, le Puissant. Les autres le font venir d’un mot arabe signifiant : Etre frappé de terreur. Eloah désignerait primitivement la terreur, puis ensuite l’objet qui inspire la terreur. Ce serait quelque chose d’analogue à la frayeur d’Isaac (Genèse 31.42, 53), et au σέβας ; des Grecs. Le nom de Eloah rendrait ainsi l’impression de crainte que produit la puissance divine, tandis que le nom de El désignerait plutôt cette puissance en elle-même. Une pensée aussi profonde que vraie est renfermée dans ce nom de Eloah : la première impression de l’homme naturel en face de Dieu est une impression de crainted. L’Epicuréisme prétend que la religion est fille de la superstition : Timor facit deos. Il se trompe : c’est la pensée de Dieu qui a produit la crainte. Et comment en aurait-il été autrement chez une race pécheresse ?
d – Ewald ne voit dans El qu’une forme abrégée de Eloah. Il oppose ces noms de Dieu qui signifient alors tous deux le Fort, à celui de Enosch, qui est le nom de l’homme en tant que créature faible et éphémère.
Elohim est un pluriel qui signifie Dieue et qui ne se retrouve dans aucune langue sémitique ; même dans les portions araméennes de la Bible, c’est la forme Elaïm qui’signifie dieux. Qu’est-ce donc que ce pluriel ? L’ancienne théologie y a vu le mystère de la Trinité ; cette opinion est maintenant généralement abandonnée, toutefois Hengstenberg a raison quand il dit, dans ses Etudes pour servir à l’Introduction à l’A. T. 2.255, que cette forme plurielle, en indiquant l’inépuisable plénitude de vie qu’il y a dans la Divinité, est propre à faire réfléchir les partisans du monothéisme abstrait, qui sont les ennemis les plus dangereux de la doctrine de la Trinité. D’autres y voient un reste de polythéisme, comme si le monothéisme était le produit d’un polythéisme primitif. Des troisièmes pensent que l’on a voulu primitivement désigner par ce pluriel Dieu avec tout son entourage d’anges et d’Esprits ; mais cette idée a contre elle le fait que précisément dans les temps primitifs il est fort peu question des anges. Nulle trace, dans tout le récit de la création, d’une coopération des anges, en sorte qu’il serait tout à fait capricieux d’expliquer de cette manière le fameux pluriel de Genèse 1.26 : « Faisons l’homme à notre image, » — d’autant plus que la narration reprend immédiatement au singulier. Puis, que résulterait-il de cette interprétation ? Une inexplicable bizarrerie : Dieu ne donnerait aux anges une part dans l’œuvre créatrice qu’à propos de la création de l’homme, et dès le v. 27e, il poursuivrait seul son ouvrage. Il en est autrement du passage Genèse 35.7 : Elohim lui était apparu là. Ceci ayant trait au songe du chapitre 28, il se peut qu’ici ce pluriel se rapporte à la fois à Jéhovah et aux anges qui étaient apparus à Jacob à Béthelf. — Pour nous, nous regardons Elohim comme un pluriel quantitatif, ou comme s’exprime Delitzsch, un pluriel intensif. Pourquoi le pluriel Schamaïm, Maïtn, pour dire : le ciel, l’eau ? A cause de l’immensité du ciel et de l’océan. De même le pluriel Elohim est destiné à donner quelque idée de la plénitude infinie de puissance et de vie qu’il y a dans la Divinité.
e – Dieu au singulier et non pas Dieux.
f – Au point de vue dogmatique rien ne s’opposerait à ce que Elohim désignât Dieu et les anges, car les anges inférieurs eux-mêmes, et non pas seulement l’Ange de l’Éternel, sont représentés dans la Bible comme les porteurs de la puissance divine et comme des représentants de Dieu.
C’est donc le pluriel de majesté ? Si l’on veut, mais avec cette nuance, que Elohim n’est pourtant pas un titre honorifique. Ce même pluriel se retrouve dans plusieurs autres noms de Dieu, comme Adonaï, Quedoschim (les Saints). Osée 12.1 ; Proverbes 9.10 ; Josué 24.19 ; voyez encore Ésaïe 54.5 ; Job 35.10 ; Ecclésiaste 12.1, où le mot de créateur se trouve au pluriel. [Le pluriel d’abstraction consiste à ramener à une unité supérieure plusieurs êtres ou plusieurs notions. Il se rencontre fréquemment en arabe, mais en hébreu il ne se trouve que dans les livres postérieurs, ce qui n’est pas favorable à l’opinion de Hofmann, qui voit un pluriel d’abstraction dans l’antique Elohim.]
Elohim servant ainsi à désigner Dieu au point de vue tout général de sa puissance, il en résulte que ce nom a quelque chose d’indéterminé ; c’est le latin Numen, c’est la Divinité. Dans tout l’A. T. c’est le nom ordinaire de Dieu. Mais il doit à cette largeur même et à ce sens peu déterminé de n’exclure aucune des idées plus particulières qui peuvent se rattacher à la pensée de Dieu. Il sert même à désigner les faux dieux, et une fois, dans la bouche de la pythonisse (1 Samuel 28.13), il ne signifie rien d’autre qu’une apparition surnaturelle et terrifiante.
Quand Elohim désigne le vrai Dieu, il régit toujours le singulier. Les exceptions à cette règle sont rares et s’expliquent toutes par le contexte. Dans Genèse 20.13, Abraham parle à un païen ; dans Exode 32.4, 8 ; 1 Samuel 4.8 ; 1 Rois 12.28, le Dieu d’Israël est rabaissé au niveau des divinités païennes. Dans 2 Samuel 7.23, le pluriel Elohim signifie de la manière la plus générale un dieu : Est-il sur la terre un peuple comme Israël qu’un dieu soit venu racheter ?
[D’après ce que nous avons dit plus haut, il n’y aurait rien de bien surprenant à ce que les anges fussent désignés par le nom dp Elohim, puisqu’ils participent à la nature divine et qu’ils sont souvent appelés Fils de Dieu. Mais nulle part on ne peut prouver que le nom de Elohim soit appliqué à des anges. Les Septante se sont trompés en traduisant Elohim par Anges dans Psaumes 8.6 ; 97.7 ; 138.1. Hupfeld défend encore le sens de Anges au Psaume 82 ; mais Elohim ici désigne les juges qui sont dans la théocratie les dépositaires de la justice divine.]
Un quatrième nom donné à Dieu en dehors du domaine de la révélation, est celui de El-eljon אל עליון ou de Eljon, tout court, que les Septante traduisent par le Très-haut, ὕψιστος. C’est le nom dont se sert Melchisédec, le roi-pontife cananéen, pour désigner le Seigneur du ciel et de la terre (Genèse 14.18). Chez les Phéniciens c’est le nom du maître des dieux, de Saturne. Plaute s’en sert pour désigner les dieux et les déessesg. On le retrouve dans des noms phéniciens et carthaginois comme Abdolonime, « serviteur du Très haut. » Une chose curieuse, c’est que ce mot se trouve aussi dans la bouche du roi de Babylone (Ésaïe 14.14), qui entend sans doute par là son dieu Bel. Appliqué au vrai Dieu, il ne se rencontre que dans des passages poétiques, comme Nombres 24.16 ; Deutéronome 22.8 ; Psaumes 57.3, et souvent uni au nom de Jéhovah. Une singularité, c’est l’emploi de Eljon comme pluriel de majesté dans Daniel 7.18, 22, 25, qui est un passage écrit en araméen.
g – Dans son Pœnulus.