Ils furent alors officiellement fiancés et purent se rencontrer de temps à autre chez des amis. Ces belles journées d'hiver rachetaient les tristesses du passé.
Je ne me suis jamais de ma vie senti en meilleure santé ou en meilleures dispositions, écrivait Hudson Taylor. À Dieu qui seul fait des choses merveilleuses, qui relève ceux qui sont courbés, et qui a fait tourner en ma faveur tous les efforts tentés contre moi... à Lui soient la louange et la gloire.
Les fiançailles ne devaient pas être longues, puisque le 16 janvier Mlle Dyer allait avoir vingt et un ans et serait libre de faire ce que son cœur lui dicterait. Les dernières semaines de l'année furent donc pleines d'espérance joyeuse. Ils eurent des heures de bonheur, de gaîté même, dont parlent les lettres de cette époque. Les heures plus sérieuses ne manquaient pas non plus, et l'une, en particulier, qui se produisit à la veille de leur mariage, eût pu amener la jeune fille à hésiter, si son caractère avait été différent.
Le 6 janvier, elle devait venir prendre le thé chez les Jones en compagnie de Mme Bausum. Cela avait été convenu quelque temps auparavant, dit Hudson Taylor, à un moment où nous n'étions pas à l'étroit pour les provisions. Mais lorsque le jour arriva, nous nous trouvâmes dans un sérieux embarras. Nous avions fait de grosses dépenses pour notre œuvre parmi les pauvres, et les courriers se succédaient sans rien nous apporter. Bref, le matin du jour en question, il ne nous restait qu'une petite pièce, valant le vingtième d'un penny. Nous étions très perplexes, mais regardions au Seigneur pour qu'Il manifestât Sa bonté.
Il nous restait dans la maison juste de quoi préparer le repas du matin, puis, n'ayant plus de provisions pour le reste de la journée, et pas d'argent pour en acheter, nous ne pouvions que nous en remettre à Celui qui est vraiment un Père et qui ne peut oublier les besoins de Ses enfants. Et vous pouvez être sûr que le plus triste de la situation, à mon point de vue, était que nous ne pouvions faire de préparatifs pour nos hôtes de l'après-midi. Je présentai donc spécialement ce point à Dieu.
Après avoir prié et délibéré, ils essayèrent de vendre une pendule ; mais on ne voulait pas la leur payer sans l'avoir eue à l'essai pendant huit jours. L'idée de vendre comme vieille ferraille un poêle américain ne réussit pas davantage : ils ne purent aller à la fonderie, le pont de bateaux sur lequel ils pensaient passer ayant été enlevé pendant la nuit et leurs moyens ne leur permettant pas de prendre le bac.
À leur retour, le cuisinier chinois mit à leur disposition ce qui lui restait de ses gages. Mais ils n'acceptèrent pas et M. Jones lui expliqua qu'ils ne pouvaient emprunter et que Dieu les aiderait certainement.
Il parlait avec assurance, continue Hudson Taylor, mais notre foi était à rude épreuve lorsque nous nous rendîmes dans son bureau où nous criâmes au Seigneur, dans notre détresse, et Il nous entendit et nous délivra.
En effet, tandis que nous étions à genoux, le cuisinier vint à la porte. « Maître, cria-t-il, maître, voilà des lettres ! » Une fois de plus un courrier d'Angleterre était arrivé plusieurs jours avant la date fixée, apportant, à notre grande reconnaissance, un don généreux de M. Berger. « Quiconque est sage et observe ces choses comprendra la bonté du Seigneur. » « Celui qui se confie en Lui a-t-il jamais été confus ? »
Le soir, au thé, ils ne purent faire autrement que de raconter cette délivrance, tant leurs cœurs étaient remplis de joie et de reconnaissance. Le mariage avait été fixé au 20 janvier, juste quinze jours plus tard ; pourtant, à la lumière de cet événement, Hudson Taylor sentit qu'il devait montrer à sa fiancée les conséquences les plus graves de la décision qu'elle allait prendre. Quand ils furent seuls, il lui confia par quelle épreuve il avait passé.
« Je ne peux pas te considérer comme engagée par ta promesse, ajouta-t-il, dans le cas où tu préférerais la retirer. Tu vois combien notre vie peut être difficile, par moments. »
« As-tu oublié, répondit-elle doucement, que j'ai perdu mes parents dans un pays lointain ? Dieu fut mon Père depuis lors ; penses-tu que je craindrais d'avoir confiance en Lui maintenant ? »
« Mon cœur chantait de joie », disait plus tard Hudson Taylor en relatant ses souvenirs. Et, certes, il le pouvait : une telle femme a « bien plus de prix que les rubis ».
Ainsi les préparatifs du mariage avançaient, extérieurement avec l'aide de bien des amis, intérieurement avec la bénédiction de Dieu. Quelques fragments des lettres qu'il écrivit peu avant cet heureux événement méritent d'être cités.
J'ai peine à me représenter ce qui est arrivé. Après tant de souffrances et de délais, non seulement nous sommes libres de nous rencontrer et d'être souvent ensemble, mais, dans quelques jours, Dieu voulant, nous serons mariés !... Dieu a été bon pour nous. Il a vraiment répondu à notre prière et pris notre parti contre les puissants. Puissions-nous marcher plus près de Lui et Le servir plus fidèlement. Je voudrais que tu connusses ma bien-aimée. C'est un vrai trésor ! Elle est tout ce que je désire.
Pourtant, la première place dans son cœur appartenait à Celui « dont l'amour est au-dessus de toutes les affections humaines », comme il le disait dans une autre lettre, « et qui peut remplir l'âme d'un bonheur auquel toute autre joie est indigne d'être comparée ».
Je sais maintenant ce que c'est que d'avoir mon nom écrit dans Son cœur... et je sais pourquoi Il ne cesse d'intercéder pour moi. Son amour est si grand qu'Il ne peut faire autrement. Cela est trop grand pour nous, n'est-ce pas ? Un tel abîme d'amour, et pour moi !
Le mariage eut lieu le 20 janvier 1858. Il apporta aux époux les joies d'une union parfaite. Six semaines après, de retour de leur voyage dans les montagnes de l'Ouest, Hudson Taylor écrivait :
Épouser la femme que l'on aime, que l'on aime avec tendresse et respect, est une bénédiction que l'on ne peut ni exprimer, ni imaginer. Chaque jour vous fait mieux connaître votre bien-aimée, et lorsqu'on a un trésor comme le mien, on se sent toujours plus fier, toujours plus heureux, toujours plus humblement reconnaissant envers le Dispensateur de tout bien, pour le don le plus précieux qui soit sur la terre.