L’Asie Mineure, qui avait fourni au iie siècle de si nombreux et brillants écrivains, fut beaucoup moins féconde au iiie siècle. Quand nous aurons mentionné l’évêque Firmilien de Césarée († en 268), dont saint Basile a signalé des écrits (perdus) et qui a laissé une lettre importante à saint Cyprien, relative à la querelle baptismalea, deux auteurs seulement solliciteront notre attention, saint Grégoire le Thaumaturge et saint Methodius d’Olympe.
a – On n’en a qu’une traduction latine faite par saint Cyprien : entre les lettres de S. Cyprien, édit. Hartel, lettre lxxv.
Grégoire, dont le nom primitif était Théodore, naquit vers 213 à Néocésarée dans le Pont, de parents riches, mais païens. Après avoir terminé ses études littéraires et juridiques, il se disposait, vers 233, à aller à Beyrouth lorsqu’une circonstance providentielle le conduisit à Césarée. Il y entendit Origène, s’attacha à lui, et suivit pendant cinq ans son enseignement. Revenu dans sa patrie en 238, il ne tarda pas à être ordonné, jeune encore, le premier évêque de Néocésarée. Dès lors sa vie devint celle d’un apôtre. Il traversa indemne la persécution de Dèce, assista, en 264, au concile d’Antioche qui jugea Paul de Samosate et mourut, d’après Suidas, sous Aurélien, entre 270-275. De bonne heure on lui attribua de nombreux miracles, preuve indiscutable de la profonde impression que la sainteté de sa vie avait faite sur son peuple.
Nous possédons de Grégoire cinq ouvrages authentiques :
1° Le Discours de remerciement à Origene (Εἰς Ὠριγένην προσφωνητικός). C’est un discours que Grégoire prononça en 238, à Césarée, devant Origène, avant de le quitter et pour le remercier de ses soins. Pièce académique, d’un ton sincère pourtant et d’une émotion vraie, précieuse pour les renseignements qu’elle contient sur la méthode et le programme du maître.
2° Un Symbole de foi qui aurait été révélé au Thaumaturge par saint Jean l’Évangéliste, et dont l’authenticité ne semble pas douteuse. Formule courte, mais très importante pour l’histoire du dogme trinitaire. Elle peut être de 260-265.
3° Une lettre canonique, écrite, vers 254-258, à l’occasion d’une invasion de Goths et de Borades dans le Pont. Grégoire indique comment on doit traiter, au point de vue pénitentiel, les auteurs des divers méfaits commis en cette circonstance. La lettre est entrée dans les collections canoniques grecques.
4° Une paraphrase de l’Ecclésiaste, qui n’est en effet qu’une reproduction, sous une forme plus libre, du contenu du livre inspiré.
5° Un ouvrage dédié à Théopompe Sur la passibilité et l’impassibilité de Dieu, conservé en syriaque seulement. L’auteur y démontre que Dieu, tout impassible qu’il est en soi, n’est pas pour cela indifférent aux actions humaines ; d’autre part, que Dieu, qui a souffert en Jésus-Christ, s’est montré cependant impassible en triomphant de la mort. L’écrit, d’allure philosophique, remonte aux premières années de l’épiscopat de Grégoire.
Outre ces écrits conservés, on sait par saint Basile (Epist. ccx, 5) que saint Grégoire avait composé une discussion contre un païen nommé Aelianus, dans laquelle les sabelliens prétendaient, à tort, découvrir leur erreur. Saint Jérôme (Vir. ill., 65) a également signalé des lettres de Grégoire. Toutes sont perdues, sauf la lettre canonique ci-dessus mentionnée.
La vie de Methodius est à peu près inconnue : comme il avait écrit contre Origène, Eusèbe l’a passé sous silence. On sait seulement par saint Jérôme (Vir. ill., 83) qu’il était évêque d’Olympe (et non de Patare), en Lycie, et qu’il fut martyrisé sous Dioclétien, en 311. C’est un écrivain poli, qui compose avec soin et vise au beau style et qui, dans ses ouvrages, presque tous présentés sous forme de dialogues, cherche à imiter Platon. Bien qu’il soit resté fort loin de son modèle, on ne peut lui refuser un vrai talent littéraire. Sa théologie, qui rappelle celle d’Irénée et de Méliton, est traditionnelle et ferme. C’était un adversaire irréductible d’Origène.
On peut diviser en deux catégories les écrits de Methodius : ceux que l’on a conservés en grec, du moins en grande partie, et ceux dont il ne reste que des traductions slavonnes. Ces traductions, découvertes par M. Bonwetsch, sont généralement littérales, mais souvent incomplètes.
I. Le seul des écrits grecs qui subsiste entièrement est Le Banquet ou De la virginité. C’est plutôt une série de discours qu’un dialogue. Dix vierges y prennent successivement la parole et font l’éloge de la virginité, perfection de la vie chrétienne, moyen de ressembler au Christ, etc. Thècle, la huitième vierge, remporte le prix et, à la fin, entonne une hymne de vingt-quatre strophes coupées par un refrain. Malgré sa virtuosité, l’auteur n’a pu éviter la monotonie dans un sujet où les mêmes idées reviennent nécessairement dix fois de suite.
De l’ouvrage Sur le libre arbitre (Περὶ τοῦ αὐτεξουσίου) on a de longs fragments grecs qu’une traduction slave permet de compléter. L’ouvrage est dirigé contre le dualisme gnostique qui admettait deux principes, l’un bon, l’autre mauvais, et contre le déterminisme.
Le dialogue Aglaophon ou Sur la résurrection, en trois livres, existe aussi incomplètement en grec et en slave. Composé contre Origène, il établit que le corps qui ressuscitera est bien le corps actuel, et non pas un corps nouveau, pneumatique, ayant seulement la forme de l’ancien.
II. Les écrits existant principalement ou seulement en slave sont les suivants :
De la vie : exhortation à se contenter de ce que la Providence nous donne en ce monde et de ce qu’elle nous promet en l’autre.
Puis trois explications allégoriques et symboliques de divers passages de l’Écriture : De la distinction des aliments et de la jeune vache dont le sang purifiait les pécheurs : les aliments sont nos œuvres ; la jeune vache rouge est le Christ. A Sistelius, De la lèpre : la lèpre, avec ses formes diverses, est le péché dont il faut se purifier. De la sangsue et sur ces paroles ; Les cieux proclament la gloire de Dieu : explication allégorique de Proverbes.30.15 et suiv. et de Psaume.18.2.
Outre ces ouvrages, on sait que Methodius avait écrit contre le philosophe Porphyre plusieurs livres dont saint Jérôme faisait grand cas, mais dont il ne subsiste que cinq fragments ; de plus un opuscule contre Origène Sur la pythonisse ; des commentaires (perdus) sur la Genèse et le Cantique des cantiques ; un commentaire sur Job ; un discours sur les martyrs, cité par Théodoret ; et enfin un dialogue intitulé Xénon, qu’il faut sans doute identifier avec le livre Sur les créatures (Περὶ τῶν γενητῶν) que Photius a longuement cité (Codex 235). Méthodius y réfutait l’opinion d’Origène sur la création ab aeterno.