Apologie du Christianisme

Livre Neuvième
Le christianisme faisant ses preuves

9.1 La conversion de saint Paul

Parmi les apparitions du Christ ressuscité, celle du chemin de Damas mérite une mention particulière, à cause des conséquences à jamais glorieuses et bénies dont elle a été la source pour l’Eglise chrétienne. On peut l’envisager à deux points de vue distincts et qui se complètent l’un l’autre, au point de vue de sa portée historique et à celui de sa signification religieuse.

I

La réalité de cette manifestation visible du Seigneur nous est garantie par le grand événement qui en a été le résultat immédiat et que personne n’a jamais mis en doute, la conversion de saint Paul. Ce changement inespéré du pharisien en chrétien, du persécuteur en apôtre, cette transformation soudaine du plus implacable ennemi de l’Eglise en humble adorateur du Crucifié, voilà ce qu’il y a de plus miraculeux dans toute cette histoire, et la science négative, malgré tous ses efforts, ne réussit pas à l’expliquer par des causes purement naturelles ou morales.

Faire intervenir ici un violent orage et un éclat de foudre, n’est vraiment pas sérieux : Saul n’était plus un enfant pour avoir peur d’un coup de tonnerre et le confondre avec une apparition surnaturelle. Dire que sa conscience était troublée et qu’il sentait déjà « l’aiguillon » (Actes 26.14) du remords, c’est également lui faire injure : il était trop loyal pour persévérer dans une voie dont la légitimité lui eût paru « douteuse. Au contraire, il l’a confessé plus tard, sa conduite lui paraissait alors « irréprochable » et même méritoire, ayant agi « par ignorance. » (Galates 1.14 ; Philippiens 3.6 ; 1 Timothée 1.13) Les aiguillons dont parle Jésus, c’est sa divine apparition elle-même, qui a dû produire une sensation aiguë sur l’âme du fougueux pharisien, semblable a un coursier rétif dompté à coups d’éperon. (Comp. Actes 26.14,19)

Enfin, sa qualité d’apôtre est encore plus difficile à expliquer dans le point de vue négatif. Mettons qu’il y ait eu tourmente intérieure et tempête au dehors, et que la rencontre de ces deux orages ait amené la conversion de Saul : le voilà disciple, bien ! mais qui donc l’a nommé apôtre ? En devenant chrétien, il n’a fait que son devoir : prendre le titre d’apôtre, il n’en avait pas le droit, bien loin que ce fût son devoir. Insinuer qu’il a été victime d’une hallucination et qu’il a cru très sincèrement recevoir d’en haut cette vocation privilégiée, c’est le calomnier pour la troisième fois : comment cette « idée fixe » lui serait-elle venue, puisqu’il s’est toujours déclaré « indigne d’être appelé apôtre, parce qu’il avait persécuté l’Eglise de Dieu ? » (1 Corinthiens 15.9)

On voit que l’hypothèse rationaliste est une accumulation d’impossibilités, ce qui nous oblige de remonter à la vraie cause de l’événement.

Représentons-nous le jeune Saul en route pour Damas, porteur d’un mandat officiel de persécution contre les fidèles. « Il ne respirait que carnage, » disent les Actes (Actes 9.1), peignant d’un trait son état d’âme. Le « carnage » était devenu son élément, l’atmosphère où il vivait, qui pénétrait et enveloppait tout son être, son incessante préoccupation : il ne se donnerait aucun repos qu’il n’eût exterminé l’hérésie chrétienne. Impatient d’atteindre son but, croyant rendre service à Dieu, il se réjouit déjà de tenir entre ses mains ses innocentes victimes… Arrivé à Damas, il cherche, en effet, les chrétiens ; mais, ô surprise ! ce n’est plus pour leur faire du mal, comme tout le monde s’y attendait ; c’est pour s’humilier devant eux, pour les prier de voir en lui un frère, et pour confesser avec eux le nom de Jésus-Christ !…

Que s’est-il donc passé ? Comment le tigre altéré de sang s’est-il changé tout à coup en agneau ? Et à qui demanderons-nous la cause d’un tel phénomène ? Auprès de qui prendrons-nous des informations, si ce n’est auprès de saint Paul lui-même ? Son témoignage peut-il paraître suspect ? Avant sa conversion, peut-être ! Alors qu’il était aveuglé par l’esprit de parti, emporté par le démon de la haine, ses dires étaient sujets à caution ; mais maintenant que ses yeux sont dessillés, son fanatisme vaincu, et qu’il ne se fait plus d’illusions sur son propre compte, il est rentré dans son bon sens, il se connaît, il se possède, il n’a jamais été plus de sang-froid, et il est prêt à donner sa vie pour la foi nouvelle qu’il a embrassée. Nous pouvons donc l’en croire sur parole, quand il décrit l’événement qui est venu couper en deux sa carrière.

Or, il ne néglige aucune occasion de proclamer que, s’il est devenu chrétien, c’est grâce à l’intervention personnelle de Jésus-Christ, qui lui est apparu en plein jour sur le chemin de Damas. Voici comment il raconte le fait aux Juifs lors de son arrestation à Jérusalem :

« Comme j’étais en chemin et que j’approchais de Damas, tout à coup, vers midi, une grande lumière venant du ciel resplendit autour de moi. Je tombai par terre, et j’entendis une voix qui me disait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Je répondis : Qui es-tu, Seigneur ? Et il me dit : Je suis Jésus de Nazareth, que tu persécutes. Ceux qui étaient avec moi virent bien la lumière, mais ils n’entendirent pas la voix de celui qui parlait. Alors je dis : Que ferai-je, Seigneur ? Et le Seigneur me dit : Lève-toi, va à Damas, et là on te dira tout ce que tu dois faire. Comme je ne voyais rien à cause de l’éclat de cette lumière, ceux qui étaient avec moi me prirent par la main, et j’arrivai a Damas. (Actes 22.6-11)

Le livre des Actes ne renferme pas moins de trois récits parallèles de cette conversion (ch. 9, 22, 26). En les épluchant bien, la critique y a relevé certaines divergences de détail, dont voici la principale : dans la relation que nous avons transcrite, il est dit que les compagnons de Saul « virent bien la lumière, mais n’entendirent point la voix de celui qui parlait, » tandis que, d’après la version de Luc lui-même (ch. 9), « ils entendaient bien la voix, mais ne voyaient personne. »

Où est la contradiction ? Elle n’existe que dans les mots. Quant à l’impression des yeux, on s’explique très bien que tous aient été frappés de cette lumière soudaine, mais que la personne de Jésus ne soit apparue distinctement qu’à Saul, qui se trouvait au centre du rayonnement. Et il en fut de même de la sensation de l’ouïe. Sous tous les rapports, l’impression des compagnons de Paul fut vague, comparée à la sienne. Ils ont entendu la voix, mais n’ont point compris les paroles ; c’était pour eux un bruit plus ou moins confus et sans cause apparente. De là vient que Luc parle simplement de la voix ou du son, tandis que Paul, s’attachant à l’essentiel, qui était la parole prononcée, déclare que lui seul a entendu « la voix de celui qui parlait. »

En somme, ces variantes ne prouvent qu’une chose, c’est qu’on n’a pas même cherché à mettre les récits d’accord, tant la certitude du fait lui-même était absolue et indiscutable. On sait, d’ailleurs, que les épîtres renferment des allusions directes à l’événement de Damas, en particulier dans le passage où l’apôtre énumère les apparitions de Jésus, puis ajoute :

« Après eux tous, il m’est aussi apparu à moi-même, comme à l’avorton, car je suis le moindre des apôtres. » (1 Corinthiens 15.8.)

A moins donc d’accuser saint Paul de démence ou de mauvaise foi, ce qu’on ne peut faire sans s’exposer soi-même à encourir un semblable reproche, il faut bien reconnaître que le Christ glorifié lui est personnellement apparu sur le chemin de Damas. La chose ne peut être révoquée en doute que par ceux qui, niant systématiquement le surnaturel, enferment le monde et Dieu lui-même dans les liens du fatalisme.

Après cela, nous l’avouons sans peine, l’événement en question a certainement quelque chose d’insolite ; disons mieux, c’est un fait unique en son genre dans les annales de l’Eglise. Il ne s’agit pas, en effet, d’une simple vision spirituelle que l’apôtre aurait eue dans un moment d’extase, comme les premiers disciples en eurent maintes fois dans l’exercice de leur ministère. Ainsi, l’apôtre saint Jean, exilé dans l’île de Patmos, a vu se dérouler devant lui les scènes grandioses qu’il a retracées dans l’Apocalypse ; mais il avait été « ravi en esprit ; » rien n’est apparu au dehors, tout s’est passé dans le domaine supra-sensible : ce sont les réalités invisibles prenant corps dans des symboles empruntés du monde extérieur. Saint Paul lui-même eut souvent de pareilles visions, il pouvait en parler en connaissance de cause, et, mieux que personne, il savait faire la différence entre les deux genres de révélation. Relisez son discours du chapitre 22 du livre des Actes : il y rapporte successivement l’apparition du chemin de Damas et la vision qu’il eut plus tard « en esprit » dans le temple de Jérusalem.

Voilà les deux modes clairement définis, les deux formes opposées, l’une qui procède du dehors au dedans et ne s’adresse à l’âme que par l’intermédiaire des sens, l’autre qui va du dedans au dehors et commence par l’illumination intérieure, pour se traduire ensuite dans des tableaux imagés. L’événement de Damas rentre évidemment dans la première catégorie. Saul de Tarse est arrêté en plein midi, au moment où il s’y attendait le moins, et jeté dans la poussière, ainsi que ses compagnons, par une manifestation visible de la présence du Seigneur : ce sont les yeux de sa chair qui sont frappés, éblouis, aveuglés par cet éclat de lumière, et ses oreilles perçoivent nettement ces paroles : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?… Je suis Jésus, que tu persécutes. » Et il a si bien l’impression que tout s’est passé au dehors, qu’il n’hésitera pas à assimiler cet événement aux apparitions corporelles du Christ ressuscité.

Et cependant, quelle différence à certains égards ! Les autres apparitions du Maître avaient eu lieu immédiatement après sa victoire sur la mort, pendant les quarante jours qui précédèrent l’ascension, période mystérieuse dont il parlait en disant : « Je ne suis pas encore monté vers mon Père. » (Jean 20.17.) La divine rencontre dont Saul a été l’objet, — et c’est là ce qui en fait le caractère exceptionnel, — est arrivée longtemps plus tard, bien des années après l’ascension. Or, le Seigneur avait dit positivement : « Je m’en vais à mon Père, et vous ne me verrez plus. » Il semblait donc que son départ allait mettre un terme irrévocable à toute manifestation extérieure de sa personne, et qu’il rentrait une fois pour toutes dans le monde spirituel et invisible, pour ne plus reparaître jusqu’à son retour final.

Et voici qu’il revient en arrière, en quelque sorte ; ce n’est qu’une apparition fugitive, mais enfin il est redescendu un instant dans nos espaces matériels en faveur de saint Paul. Bien plus, autre différence qu’il importe de signaler : le Seigneur, après sa résurrection, ne s’était montré qu’aux fidèles, il était apparu aux siens à diverses reprises pour donner à son Eglise naissante les preuves les plus certaines qu’il était vivant ; mais les autres hommes ne l’ont point vu, il a évité à dessein de paraître aux yeux de la foule, et les apôtres relèvent le fait en plus d’une occasion. (Actes 10.41) Ici, au contraire, ce n’est pas à des chrétiens qu’il se révèle, mais à leur ennemi le plus acharné, et c’est un pharisien plein de haine et d’orgueil qui a l’honneur de contempler face à face le Christ glorifié. On voit donc que cette apparition du chemin de Damas est à tous les points de vue une exception, une dérogation à la règle générale.

Mais, est-il besoin de le dire ? le Seigneur ne fait rien d’arbitraire. S’il est souverainement libre dans la distribution de ses grâces, s’il fait « ce qui lui plaît, dans les cieux et sur la terre, » il n’agit point au hasard, et ses œuvres les plus étonnantes sont toujours inspirées par des motifs pleins de sagesse. Pourquoi donc cette exception inouïe, dont le disciple de Gamaliel, seul entre tous, a été favorisé ? La raison d’être en est facile à découvrir. Le Seigneur avait besoin d’un instrument nouveau pour une œuvre nouvelle : le moment était venu où le christianisme devait voler de ses propres ailes et conquérir sa pleine liberté d’allures.

Il y a un temps pour tout. Jusqu’alors l’Evangile, qui plongeait ses racines dans la religion d’Israël, avait dû se développer dans son union intime avec elle ; il le fallait dans les commencements, afin qu’il prît pied dans le monde, mais cela ne pouvait durer toujours. Le grain de semence devait parvenir à maturité et se dégager de son enveloppe provisoire. Il fallait que la religion du Christ, affranchie de son ancienne tutelle, prît conscience d’elle-même comme religion absolue. Elle ne pouvait vaincre le paganisme qu’à cette condition ; elle ne pouvait sauver le monde qu’en rompant avec le régime légal. L’événement de Damas a été la divine secousse, la crise indispensable pour produire ce résultat.

Admirons ici les voies de la Providence ! L’instrument que Dieu choisit pour cette œuvre, ce n’est pas un homme gagné d’avance à la cause de l’Evangile, un ancien disciple, ni même un Juif bien disposé ; c’est le pire des pharisiens hostiles, l’homme en qui s’incarnait le judaïsme dans ce qu’il avait de plus étroit et de plus sectaire. On a dit beaucoup de mal des fanatiques, avec raison sans doute, car ils constituent un danger terrible pour la société. Mais, qu’est-ce qui les rend dangereux ? C’est que le fanatique est un enthousiaste entiché d’une erreur, un homme voué corps et âme à la défense d’une idée fausse. Le zèle qui le dévore n’est pas mauvais en soi, et il serait à désirer que tous les chrétiens eussent un peu plus de cette flamme qui fait sa force : on n’a jamais trop d’enthousiasme pour la vérité.

Donc, respect à cet homme, en dépit de son égarement ! Si vous arrivez jamais à le convaincre, à changer ses ténèbres en lumière, soyez sûrs qu’il mettra au service du bien la même ardeur qu’il déployait naguère pour le triomphe du mal. Il faut rendre à chacun ce qui lui est dû. Le fanatique a ceci de bon qu’il n’est pas opportuniste ; il va droit son chemin sans se laisser détourner par aucune considération humaine, il pousse un principe jusqu’à ses dernières conséquences, et la netteté des situations a tout à y gagner. Voilà ce que Dieu voulait en mettant la main sur un homme de cette trempe.

Il y avait longtemps que le Seigneur suivait du regard le disciple de Gamaliel et se réservait de lui parler un jour ; mais, au lieu de le faire au début, avant que le jeune homme fût enlacé dans les pièges du pharisaïsme, il le laisse aller pendant des années, il attend que son erreur ait porté ses fruits et que son fanatisme soit arrivé à son comble. Alors, il l’arrête brusquement, il lui ouvre les yeux par un coup d’éclat, afin de rendre plus manifeste en sa personne l’opposition radicale qui existait au fond entre le judaïsme légal et l’Evangile de Jésus-Christ. De là vient que le grand apôtre, tout en maintenant avec soin le rapport organique, historique, des deux alliances, en relèvera surtout le contraste et accentuera leurs différences. La parfaite gratuité du salut, indépendamment de toute condition extérieure, et par conséquent l’universalité du salut, ces deux vérités cardinales si intimement liées l’une à l’autre, saint Paul aura pour mission spéciale de les mettre en pleine lumière.

Mais, dira-t-on peut-être, Dieu ne pouvait-il amener la conversion de Saul par les voies ordinaires ? A quoi bon ce prodige que vous déclarez être une dérogation à la règle ? Je réponds que si Dieu n’avait eu en vue que le bien de cet homme, son salut individuel, la prédication de l’Evangile aurait pu suffire. Mais cet homme n’était qu’un moyen dans le plan général de Dieu en faveur de l’humanité, et il allait recevoir la vocation d’apôtre des Gentils. Toute l’explication du mystère est dans ces simples mots. Si Paul avait été converti sous l’influence de l’Eglise ou par le ministère des douze, son œuvre entière était compromise. Il eût fait encore un vaillant missionnaire, comme Barnabas, mais son apostolat n’eût jamais été reconnu ; on aurait vu en lui le disciple des apôtres de Jérusalem, partant leur subordonné, non leur collègue et leur égal.

Ce qui donnait à ceux-ci une autorité incontestée, c’est qu’ils avaient été en relation personnelle avec le Seigneur et qu’il les avait désignés nominativement pour leur office. Il ne fallait pas que saint Paul leur fût inférieur sur ce point capital. Il devait pouvoir dire aussi bien qu’eux :

« Je suis apôtre, non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père… L’Evangile qui a été annoncé par moi n’est pas de l’homme ; car je ne l’ai ni reçu ni appris d’un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ. » (Galates 1.1, 12)

Certes, il a déjà assez souffert de la part de ses adversaires judéo-chrétiens qui cherchaient partout à miner son crédit et lui refusaient le nom d’apôtre, parce qu’il n’avait pas connu le Seigneur. Ces gens-là ont fait beaucoup de mal dans les Eglises du premier siècle, et pourtant ils étaient dans le faux : qu’eût-ce été s’ils avaient eu raison !

Il est possible que le jeune Saul de Tarse n’ait pas « connu Christ selon la chair, » mais cela n’importait guère à son rôle futur d’apôtre des Gentils. « Même si nous avons connu Christ selon la chair, disait-il, nous ne le connaissons plus de cette manière. » (2 Corinthiens 5.16) Les douze apôtres de Jérusalem étaient les témoins authentiques de la vie terrestre du Sauveur, qu’ils avaient suivi pas à pas depuis son baptême jusqu’à son ascension ; ils avaient pour tâche principale de rassembler les douze tribus d’Israël, de fonder l’Eglise parmi les Juifs, en leur présentant Jésus comme le Messie, l’accomplissement de la loi et des prophètes.

Aussi l’évangéliste Matthieu, organe de ce point de vue, fait-il remonter la généalogie du Christ jusqu’à Abraham, le père du peuple élu, tandis que Luc, le compagnon de Paul, remonte plus haut encore, jusqu’au premier Adam et même jusqu’à Dieu. Pour l’apôtre des Gentils, il fallait que l’Evangile eût son point de départ, non dans les humiliations d’ici-bas, mais dans les gloires du ciel. Ce n’est point le Jésus terrestre, attaché par les liens du sang à une nationalité particulière, qui lui est apparu en chemin ; c’est le Christ de l’humanité entière, le Sauveur du monde, « en qui il n’y a ni Grec ni Juif, ni esclave ni libre, » mais devant qui les hommes de toute tribu, peuple, langue ou nation, sont sur le même pied d’égalité.

Telle est la portée historique de l’événement de Damas. Ce miracle unique en son genre a eu pour raison d’être la création d’un apostolat nouveau, qui devait imprimer au royaume de Dieu sur la terre sa direction définitive. Plus tard, après la mort de l’apôtre, déjà même avant cette date, ses collègues de Jérusalem s’engageront dans la voie ouverte par lui ; les saint Pierre et les saint Jean se répandront à leur tour dans la Gentilité comme les continuateurs de son œuvre, réalisant à leur manière la sentence bien connue : « Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers. »

Quels types fortement accusés que ces humbles fondateurs de l’Eglise chrétienne ! Et quelle harmonie dans leur enseignement ! Quelle unité et quelle richesse ! Visant à un but tout pratique, le salut des âmes, et conservant leur originalité propre, ils grandissent de jour en jour dans l’intuition des divins mystères, et, par leur fidèle témoignage, de plus en plus conscient des trésors de la foi, l’Evangile acquiert son immortelle ampleur. Cette croissance organique est la marque de l’œuvre de Dieu : les apôtres sont les prophètes de la nouvelle Alliance.

Leur divine inspiration (quelle qu’en puisse être la formule dogmatique) nous apparaît avec toujours plus d’éclat, à mesure que nous étudions de plus près les grands théologiens qui leur ont succédé depuis dix-huit siècles. Certes, l’Eglise a compté d’illustres docteurs, dont elle a le droit d’être fière. Origène, Augustin, Luther, Calvin, Schleiermacher, Vinet, étoiles de première grandeur dans le ciel de la pensée religieuse, nous sommes pour vous pleins de respect : vous êtes des géants à nos yeux ; mais, nous pouvons l’avouer sans offenser votre mémoire, et vous l’eussiez dit vous-mêmes, vous n’êtes encore que des pygmées auprès des saint Paul et des saint Jean.

Quand nous passons de vous à eux, nous nous élevons de la plaine à demi éclairée sur les lumineuses hauteurs, nous éprouvons la même impression que lorsque nous pouvons contempler le Mont Blanc lui-même, après avoir vu son « relief » au Jardin-Anglais de Genève. On admire vos chefs-d’œuvre ? Ils ne sont que la reproduction des leurs, et combien imparfaite, combien rapetissée ! Vos pages les plus sublimes sont un reflet de leurs oracles ; ce que vous avez de meilleur, c’est à eux que vous le devez ; vous n’êtes jamais de plus grands docteurs que lorsque vous restez leurs dociles élèves ; et quand par hasard vous essayez de les façonner à votre image ou de combler leurs lacunes en vous inspirant de vous-mêmes, il vous arrive d’introduire dans l’organisme chrétien des ferments de dissolution et de compromettre la divine beauté de l’Evangile.

Là où vous tâtonnez, ils ont le vol de l’aigle ; où votre œil se perd dans le vide, ils voient le ciel ouvert. Voilà pourquoi ils resteront nos maîtres ! Premiers témoins du Christ, eux seuls et pour tous les âges, il les a marqués de son divin sceau.

II

L’apparition du Christ à Saul de Tarse n’est pas seulement un fait considérable, un chaînon nécessaire dans le plan divin à l’égard du monde ; elle a eu pour l’Eglise primitive, elle a pour l’Eglise de tous, les temps une haute signification religieuse.

L’ascension du Seigneur a été le couronnement naturel de sa vie et de son œuvre, le terme obligé de sa carrière terrestre. Mais cette glorieuse élévation laissait en suspens une question capitale. Elle ne nous dit rien sur son nouveau mode d’existence et sur ses rapports actuels avec les humains. Qu’est-il devenu après son départ ? S’est-il, en quelque sorte, perdu dans l’immensité, évaporé dans l’espace ? Son humanité s’est-elle confondue avec Dieu au point d’en être absorbée et comme anéantie ? Ou encore, n’est-il remonté au ciel que pour son propre compte, pour en finir avec la terre à la façon d’Elie, sans qu’il soit permis aux mortels de correspondre désormais avec lui ? En un mot, quelles peuvent être nos relations personnelles avec Jésus-Christ ? Avons-nous le droit de le prier, de l’invoquer, de l’adorer et de le bénir à l’égal de Dieu même ?

Graves problèmes, qui n’ont pas seulement un intérêt de curiosité, mais une importance extrême pour la foi et la vie chrétiennes, et sur lesquels l’événement de Damas a répandu de soudaines et précieuses clartés.

Au début de notre ère, la réponse à ces questions n’allait nullement sans dire. Ce n’est pas du premier coup que l’Eglise s’est rendu compte de la véritable portée de l’ascension et en a réalisé tout le bénéfice. Pendant des années, les fidèles sont restés dans le vague à cet égard ; il ne leur venait pas à l’esprit qu’on pût communiquer directement avec le Fils de l’homme « assis à la droite de Dieu. » Il eut beau leur faire ces déclarations formelles :

« Tout pouvoir m’est donné dans les cieux et sur la terre ; et voici, je suis tous les jours avec vous jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28.18, 20)

Il en fut de ces paroles comme de tant d’autres : ils n’en eurent l’intelligence qu’à la longue. C’est ce qui ressort avec évidence des données du livre des Actes, et c’est même, pour le dire en passant, l’une des meilleures preuves de son historicité. Voyez le chapitre quatre, où nous est conservée la prière de l’Eglise de Jérusalem après l’arrestation de Pierre et de Jean ! Les chrétiens s’adressent à Dieu dans le style de l’ancienne Alliance, comme au Créateur du ciel et de la terre, et ils ne parlent de Jésus qu’à la troisième personne :

« Contre ton saint serviteur Jésus que tu as oint, se sont ligués Hérode et Ponce-Pilate… Etends donc ta main, pour qu’il se fasse des guérisons, des miracles et des prodiges, par le nom de ton saint serviteur Jésus. » (Actes 4.27-30)

A coup sûr, l’Eglise n’avait pas encore acquis la pleine conscience de la divinité du Sauveur à ce moment-là. De même, après la guérison de l’impotent, Pierre dit aux Juifs :

« Convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés, afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu’il envoie celui qui vous a été destiné, Jésus-Christ, que le ciel doit recevoir — ou retenir — jusqu’au temps du rétablissement de toutes choses… » (Actes 3.19-21)

En s’exprimant de la sorte, l’apôtre paraît penser qu’on ne pourra jouir de la présence réelle du Seigneur Jésus qu’à partir de son futur avènement.

Il n’y a rien là qui doive nous surprendre. Les disciples avaient assisté au départ de leur Maître ; ils l’avaient vu s’élever corporellement dans les airs, monter, monter bien haut dans le ciel, puis disparaître derrière un nuage : comment auraient-ils pu s’imaginer que ce même Jésus qu’ils venaient de perdre de vue dans les hauteurs de l’espace, était de nouveau tout près d’eux, quoique invisible, et n’avait cessé de leur tenir compagnie ? Ils ne se sont pas même posé la question. Ils savaient que le Ressuscité était entré triomphalement dans les lieux célestes ; ils savaient qu’il reviendrait bientôt dans la gloire ; cela suffisait à les remplir de joie et d’espérance.

Mais, à mesure que les années s’écoulaient sans réaliser leur espoir, à mesure que les circonstances devenaient plus difficiles pour l’Eglise, des besoins nouveaux surgissaient, réclamant un accroissement de force et de lumière. Et surtout, quand la persécution se fit plus violente et plus générale, dispersant de toutes parts les chrétiens, qui sait combien de fois ils levèrent les yeux vers le ciel en soupirant et se dirent en eux-mêmes : « Oh ! si Jésus était encore avec nous ! » Or, le Seigneur était toujours avec eux ; il allait maintenant leur en fournir la preuve.

Où trouvons-nous la première invocation adressée directement à Jésus-Christ ? Nous la trouvons sur les lèvres du premier martyr, dans la bouche d’Etienne, le précurseur de saint Paul. En présence de ses bourreaux, alors que son visage transfiguré paraît comme celui d’un ange, il lui est donné de voir « les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu ; » — « debout : » il se lève pour agir ! — et c’est à la suite de cette vision réconfortante que le courageux témoin expire en prononçant ces belles paroles :

« Seigneur, ne leur impute point ce péché… Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » (Actes 7.59-60) Or Saul, ajoute le narrateur sacré, avait approuvé le meurtre d’Etienne. (Actes 8.1)

Quelque temps après eut lieu l’événement de Damas, et l’on peut se représenter quel retentissement il dut avoir dans toutes les Eglises, quel soulagement ce fut pour elles de savoir, non seulement qu’elles n’avaient plus rien à craindre de leur mortel ennemi, mais qu’elles pouvaient tout attendre de leur céleste Ami.

Le Seigneur Jésus en personne est apparu à Saul de Tarse et l’a arrêté en chemin : il y avait là toute une révélation ! De même qu’à la lueur d’un éclair, déchirant les ténèbres de la nuit, on distingue tout à coup la réelle position des objets et leurs distances respectives, de même il a suffi de l’apparition de Damas pour éclairer d’un jour nouveau les rapports actuels du Christ avec le monde et avec les siens, et pour justifier cette double affirmation : Jésus a reçu la royauté universelle, et, cette royauté, il l’exerce en faveur de son Eglise.

Avant l’ascension, le Seigneur était encore plus ou moins lié aux lois de l’espace, nous ignorons comment et dans quelle mesure. Lorsqu’il marchait avec les disciples d’Emmaüs, il n’était pas au même instant avec les apôtres à Jérusalem, et quand il se montrait à ceux-ci dans la chambre haute, il n’était pas en Galilée. Mais maintenant, élevé à la droite de Dieu, il est affranchi de toute limitation ; il n’est pas enfermé quelque part dans un monde supérieur comme dans un palais inaccessible, et il n’est pas nécessaire, pour entrer en rapport avec lui, d’attendre jusqu’à son retour.

Un avec le Père, avec le Dieu qui est esprit, il possède tous les attributs de la divinité, il participe à la toute-puissance, il occupe simultanément tous les points de l’espace, il remplit les cieux et la terre de sa présence adorable. Sa glorification consiste précisément en ceci, qu’après s’être volontairement, et par amour, soumis aux conditions de la créature, il est redevenu « l’alpha et l’oméga » de la création, le Verbe éternel, « en qui, par qui et pour qui sont toutes choses. »

Le monde matériel n’est point pour lui un obstacle ; mais un moyen qu’il manie à son gré. Il pourrait, s’il le voulait, se manifester sous une forme visible à toute heure et en tous lieux. Il est libre, quand il lui plaît, de produire en plein midi une lumière plus éclatante que le soleil, car il est lui-même « la Lumière, » et, s’il « s’enveloppe d’obscurité comme d’un vêtement, » c’est qu’il ne veut pas s’imposer à notre faiblesse. Ni les vents et les tempêtes, ni les fléaux et les maladies, ni les tremblements de terre, ni aucun phénomène de la nature n’échappent à son absolue domination : tous les êtres sont à sa merci, tous les événements sont dans sa main, et il a même « compté les cheveux de nos têtes. »

Hélas ! à certains moments les faits paraissent nous contredire. En voyant l’impiété s’étaler avec audace, les méchants triompher, il semble que le Seigneur demeure inactif, et les croyants eux-mêmes, ne s’expliquant point son silence, se prennent à douter de lui, à le soupçonner de froideur on d’impuissance… Ah ! ne lui faisons pas cet affront ! Il n’est jamais indifférent à ce qui se passe. Il surveille de près tous ses adversaires ; il les connaît tous individuellement comme il appela Saul par son nom propre ; il discerne le fond de leurs pensées, et, même alors qu’il les laisse agir à leur guise, il a son but en vue, il les mène où il veut, et il se réserve de leur dire en temps et lieu : « Tu iras jusque-là et pas plus loin ! »

Quand Saul ravageait les Eglises, elles se demandaient avec angoisse pourquoi leur divin Chef permettait tant de douleurs et de ruines : elles ne se doutaient guère qu’il se forgeait là un instrument d’élite et qu’il allait faire du furieux pharisien un apôtre saint Paul.

Et voyez sa condescendance ! Bien qu’il règne sur le monde, il peut toujours dire : « Mon règne n’est pas de ce monde, » car l’esprit dans lequel il gouverne est encore l’esprit qui l’animait durant les jours de sa chair. On se figure parfois que le Fils de l’homme glorifié ne peut plus être le Roi débonnaire, doux et humble de cœur, plein d’affection et de bienveillance… Erreur ! « Christ est toujours le même, hier, aujourd’hui et éternellement. » (Hébreux 13.8)

En passant de la terre au ciel, il a échangé la « forme de serviteur » contre la « forme de Dieu » (Philippiens 2) ; il a recouvré son état divin ; mais il n’a point pour cela renié son humanité, preuve en soit le nom qu’il se donne. Il ne dit pas à Saul : « Je suis le Fils de Dieu, le Tout-Puissant, la Parole éternelle, » mais : « Je suis Jésus ! » Ce beau nom de Jésus, par lequel on le désignait ici-bas, il y tient encore, il l’a conservé précieusement dans le ciel, montrant par là que son caractère et ses sentiments n’ont pas changé, qu’il « n’a point honte de nous appeler ses frères, » qu’il est toujours l’Ami des pécheurs, aimant ses ennemis et désireux de les sauver.

De quels ménagements n’a-t-il pas usé envers le farouche persécuteur ! Il le jette dans la poussière, mais il ne l’écrase pas ; il le frappe d’éblouissement, mais juste assez pour lui faire sentir combien il est « aveugle, pauvre, misérable et nu ; » et après l’avoir humilié, il le relève, il lui fait grâce, il le console, il le bénit, et lui confère un honneur insigne entre tous, la vocation d’apôtre.

Et s’il témoigne tant de charité aux gens du dehors, quel n’est pas son amour envers les siens, envers les pécheurs déjà réconciliés et devenus enfants de Dieu par la foi en son nom ! Remarquons l’étonnante manière dont il parle des chrétiens dans cet épisode. Il ne les mentionne même pas, mais il fait mieux encore. Au lieu de dire à Saul : « Pourquoi persécutes-tu mes disciples ? » il lui dit : « Pourquoi me persécutes-tu ? » tant il s’identifie avec eux et fait de leur cause sa cause.

« Qui vous rejette me rejette ; qui vous reçoit me reçoit, » avait-il déclaré à ses témoins. Les croyants, c’est lui-même. Il est le Chef de l’Eglise ; nous formons avec lui un même corps spirituel ; il est la tête et nous les membres. Lorsqu’un de nos membres est malade, ce n’est pas le corps qui se rend compte de son état, il reste passif ; mais c’est la tête, c’est le cerveau qui pense, qui sent et peut réagir. De même, toutes les douleurs et toutes les joies de l’Eglise trouvent un fidèle écho dans les sympathies du Christ ; seul il est maître de la situation ; c’est de lui que partent toutes les forces salutaires, et c’est à lui, si j’ose ainsi dire, que toutes les sensations aboutissent : « Je suis Jésus que tu persécutes ! »

Quelle étroite solidarité impliquée dans ces paroles ! Quelle union profonde et intime autant que mystérieuse ! Ah ! le Christ ne s’est pas éloigné de nous en remontant dans la gloire, et nous n’avons rien perdu au change : il veut nouer avec les siens des relations aussi cordiales, sinon aussi familières qu’autrefois ; que dis-je ? s’il existe une différence à cet égard, — et il en est une, — elle est toute à notre avantage. Ce sont les liens de la chair qui, dans une certaine mesure, faisaient barrière entre lui et les premiers disciples, et les empêchaient de saisir dans toute sa réalité Celui qui est esprit et vie.

Lorsqu’au matin de Pâques Marie de Magdala voulut se jeter à ses pieds pour les baiser avec transport, il lui dit : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. » Aujourd’hui, il est remonté vers son Père, il n’a plus de raisons pour nous tenir à distance ; nous pouvons le « toucher » d’aussi près que possible, le toucher par nos prières, le toucher par notre foi et notre amour, et le recevoir dans nos cœurs comme dans un sanctuaire, au point que saint Paul a pu traduire en ces mots ses propres expériences : « Ce n’est plus moi qui vis, mais Christ vil en moi. » (Galates 2.20) Cette pénétration du divin et de l’humain, but idéal auquel aspire le sentiment religieux, n’eût jamais été possible sans la glorification de Jésus de Nazareth.

Ne sont-ils pas dignes d’envie, ceux qui possèdent une foi de si grand prix, et qui peuvent dire en toute humilité, mais avec une joyeuse conviction :

O profondeur de l’amour éternel !
Le Fils de Dieu, la majesté suprême
S’unit à moi. qui suis le néant même :
Je deviens un avec le Roi du ciel.

« Vain mysticisme ! s’écrieront plusieurs. Ce monde invisible, où vous prétendez que règne Jésus-Christ, où est-il ? Quelle garantie avons-nous qu’il existe ? Nous n’avons aucun moyen de le percevoir. » — Supposez, répondrons-nous, un homme qui, de sa vie, n’ait pu veiller une seule soirée ; vaincu par le sommeil dès le déclin du jour, il dort régulièrement du crépuscule à l’aurore. Menez-le en plein air par une belle journée, et essayez de lui prouver que, par delà cet azur uniforme, des milliers de mondes circulent dans l’étendue. Y réussirez-vous ? « C’est une plaisanterie, vous dira-t-il. Des » mondes là-haut ? Je n’en vois aucun, et j’ai pourtant de bons yeux ! » Voilà comment, au point de vue spirituel, les mondains sont victimes d’une illusion chronique sans s’en douter. Tout comme la lumière du soleil, qui prête aux objets un relief si merveilleux, n’en a pas moins quelque chose d’artificiel et de trompeur, en ce qu’elle borne notre horizon, de même la vie présente produit sur les humains une sorte de fascination : elle leur masque les réalités suprêmes.

Conduisez cet homme dans quelque mine profonde, et de là, du sein des entrailles de la terre, son œil découvrira peut-être, à travers le ciel de la surface où s’agitent les mortels, un autre ciel, toujours splendide et serein, le firmament étoile, image de la paix infinie et de la majesté immuable du Créateur.

Faites donc la chambre obscure dans votre âme : quand votre œil spirituel aura perdu l’impression aveuglante des fausses clartés d’ici-bas, vous serez dans les conditions voulues pour percevoir l’invisible, et le doux rayon de « l’étoile du malin » dissipera vos doutes.

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