A son retour d’Angleterre, Zinzendorf se rendit à Francfort. Les pèlerins qu’il y avait laissés avaient continué fidèlement l’œuvre commencée ; mais, la veille même de son arrivée, leurs réunions venaient d’être interdites par le magistrat, à la requête du consistoire. Il ne s’y arrêta donc pas longtemps ; il avait hâte d’ailleurs de retourner à Berlin, où l’on s’occupait assidûment à examiner sa doctrine. Les deux ecclésiastiques luthériens que le roi avait chargés de ce soin déclarèrent qu’elle n’avait rien que d’évangélique, mais ils refusèrent de se prononcer relativement à la consécration épiscopale qu’il demandait. Le roi, sur l’avis de Jablonski, donna néanmoins son consentement. En conséquence, le 20 mai 1737, la charge d’évêque de l’église des Frères fut conférée à Zinzendorf par Jablonski et Nitschmann, et, comme cela avait eu lieu pour ce dernier, avec l’assentiment de Sitkovius. Le roi de Prusse et l’archevêque de Cantorbéry firent parvenir au comte des lettres de félicitation.
Quoique cette consécration eût été, selon l’ordre du roi, faite sans éclat et dans la maison de Jablonski, elle n’en fit pas moins grande sensation à Berlin. La faveur particulière dont jouissait Zinzendorf auprès du roi donnait lieu à toutes sortes de conjectures : on pensait généralement qu’il allait être nommé ministre des cultes en Prusse, et beaucoup de gens redoutaient déjà l’influence qu’il allait exercer. Pour lui, il ne songeait guère à tout cela ; son plus vif désir était d’obtenir l’autorisation de rentrer en Saxe. Il l’obtint, en effet, par l’intercession de son beau-père, le maréchal Natzmer, et arriva à Herrnhout, le 30 juin, après quinze mois d’absence.
Mais ce séjour à Herrnhout ne devait pas être de longue durée. Si le gouvernement électoral n’avait pas voulu refuser au maréchal Natzmer le retour de Zinzendorf, ce n’était vraisemblablement que pour éviter de se faire renouveler la même demande par le roi de Prusse. Aussi chercha-t-il bientôt les moyens de retirer ou de rendre inutile une autorisation qu’il n’avait accordée qu’à contre-cœur. Il voulut obliger le comte à signer un revers qui le liât pour l’avenir ; or, ce revers était rédigé de telle sorte qu’il fût impossible à Zinzendorf d’y souscrire, car il s’y fût reconnu coupable de faits controuvés et d’intentions qu’il n’avait jamais eues. Zinzendorf souffrit vivement de l’arbitraire de ce procédé, qui prétendait l’obliger à reconnaître un jugement qui n’avait pas été prononcé ; il croyait avoir le droit d’être jugé régulièrement et pensait qu’il ne pouvait l’être sans avoir été préalablement entendu. Il déclara néanmoins qu’il était prêt à signer le revers, à condition qu’on en modifiât la teneur, vu que dans les termes où il était conçu, sa conscience ne pouvait lui permettre de le souscrire.
C’était là qu’on l’attendait ; le gouvernement ne voulut rien changer à la pièce dont il s’agissait, et Zinzendorf résolut de retourner de lui-même en exil, en attendant que l’on eût consenti aux modifications qu’il demandait. Le 4 décembre, il quitta Herrnhout. Cette nouvelle absence dura dix ans.