Saint Matthieu nous dit que, lorsque le Seigneur fut revenu vers la mer de Galilée, après avoir été sur les frontières de Tyr et de Sidon, une grande foule s’approcha de lui, ayant avec elle des boiteux, des aveugles, des muets, des estropiés et beaucoup d’autres malades ; on les mit à ses pieds, et il les guérit » (Matthieu 15.30). Saint Marc nous parle d’un de ces malades, il s’agit d’un sourd qui était muet, ou, du moins avait beaucoup de peine à parler ; c’est ce dernier sens que nous admettons ici.
Son cas est différent de celui qui est mentionné dans Matthieu 9.32. Ses amis l’amènent au grand médecin, « et on le pria de lui imposer les mains ; » mais Jésus le guérira par un autre moyen. Nous avons déjà fait remarquer qu’il y a un sens profond dans les diverses méthodes de guérison employées par Jésus. Si nous possédions la science de Celui « qui connaissait ce qui est en l’homme, » nous comprendrions parfaitement pourquoi l’un fut guéri au milieu de la foule, un autre, loin de la ville ; pourquoi il fallait dire une simple parole à l’un, toucher un autre, envoyer un troisième au réservoir de Siloé. Tout dépendait évidemment de l’état moral et spirituel du malade. Dans la circonstance qui nous occupe, le Sauveur « prit (l’infirme) à part, loin de la foule » (Marc 8.23). Pourquoi veut-il l’isoler ? Les Pères grecs disent que Jésus voulait éviter toute ostentation ; mais ce ne pouvait être son motif, car il n’agit ainsi que deux fois. Calvin dit que c’était afin de pouvoir prier plus librement ; mais Celui dont la vie entière était une prière, n’avait pas besoin, pour cela, de la solitude. Jésus voulait que, loin du tumulte de la foule, dans la solitude et le silence, cet homme pût recevoir des impressions plus profondes et plus durables ; de même, le Seigneur isole souvent une âme, la place dans la solitude d’une chambre de malade, ou lui reprend ses amis, afin de la guérir. Dans la solitude, il est plus facile d’entendre la voix du Seigneur ; c’est pourquoi il conduisit son peuple élu à travers le désert, afin d’ouvrir son oreille aux choses célestes. L’acte de mettre ses doigts dans les oreilles de cet homme, de lui toucher la langue avec sa salive, est symbolique ; il n’est pas difficile d’en comprendre la signification ; tous les autres moyens de communication étaient impossibles. Par ces signes, Jésus-Christ a voulu éveiller la foi du malheureux, et lui faire désirer une bénédiction ; il met ses doigts dans les oreilles, comme pour faire disparaître les obstacles qui empêchaient les sons d’arriver ; la surdité était la principale infirmité, cet homme parlait difficilement, parce qu’il n’entendait pas ; c’est pourquoi il s’agissait tout d’abord de lui rendre l’ouïe. Puis, le Seigneur montre, par un autre signe, qu’il veut délier la langue ; en même temps, il fait connaître que le pouvoir de guérir réside en sa personne ; il n’emploie aucun moyen étranger.
Saint Marc nous dit que Jésus, « levant les yeux au ciel, soupira et dit : Ephphatha, ouvre-toi. » — Il lève les yeux au ciel pour réclamer le secours divin, ou plutôt (puisque la plénitude de la puissance divine résidait en lui), comme témoignage de son union avec le Père (Matthieu 14.19 ; Jean 11.41-42). On a dit que le soupir de Jésus était l’expression de sa prière ; mais, nous pensons plutôt que ce soupir lui fut arraché par la vue du pauvre infirme qui était devant lui ; il y voyait une victime du péché (Jean 11.33) ; ce pauvre homme était un échantillon de tous les affligés et misérables de la race humaine.
« Jésus leur recommanda de n’en parler à personne ; » il paraît que les amis de cet infirme avaient accompagné ou suivi Jésus et avaient été témoins de la guérison. Nous avons déjà dit pourquoi le silence était souvent recommandé en pareil cas. L’exclamation de surprise et d’admiration : « Il fait tout à merveille, » nous rappelle les paroles prononcées lors de la création (Genèse 1.3) ; l’œuvre de Christ est « une nouvelle création. »