Ce sujet ne figure pas, à notre connaissance, dans d’autres exposés de dogmatique. Il ne nous en paraît pas moins avoir une grande importance pour l’intelligence de la matière subséquente.
Après avoir traité, dans notre premier article, des déterminations hypostatiques de l’Être divin, c’est-à-dire des rapports internes et supratemporels entre la première, la seconde et la troisième personne, et dans notre deuxième article, nous rapprochant du théâtre du monde, des modes de l’activité divine à l’égard des différentes catégories de l’existence finie, nous abordons ici, en suivant une gradation qui nous paraît logique, les fonctions respectives des trois personnes divines dans les diverses économies de l’histoire. Dans l’article précédent, nous avons considéré les éléments de l’activité divine externe, que nous appelons consubstantiels, ou communs aux trois personnes ; dans notre article troisième, ceux que nous appelons différentiels ou distinctifs de chacune de ces personnes. Nous entrons ainsi en plein, par le sujet des fonctions économiques, dans l’organisation du monde lui-même, tout en traitant encore de Dieu. Notre troisième article fait donc la transition toute naturelle de notre partie fondamentale ou Théologie spéciale, à l’exposé de l’œuvre divine elle-même.
Les trois personnes sont un par la participation à la même essence et aux mêmes attributs ; elles sont distinctes par leurs fonctions soit hypostatiques, soit économiques. Nous n’avons plus à parler ici que de ces dernières.
Nous ne tarderons pas à reconnaître, d’ailleurs, que les fonctions divines dites économiques sont les prolongements et comme les rayonnements dans l’ordre du temps et de l’espace, des fonctions hypostatiques qui sont transcendantes à l’un et à l’autre. Celles-ci sont les types éternels de celles-là ; et les trois noms de Père, de Fils et de Saint-Esprit, qui conviennent aux personnes divines dans les rapports internes ou immanents de l’existence divine, se prêtent également à caractériser les relations respectives de ces personnes avec le monde.
Nous ne devons pas nous représenter toutefois, comme on le fait trop souvent, la répartition des fonctions entre les personnes comme déterminée par la différence des œuvres elles-mêmes ou des milieux d’activité, et de telle façon que chacune des trois personnes agisse jamais isolément. Il y a au contraire synergisme constant des trois personnes divines dans chaque œuvre divine ; concomitance des forces entre elles comme entre Dieu et l’homme.
Aussi n’hésitons-nous pas à déclarer vicieuses, au point de vue scripturaire, les divisions des cours d’instruction religieuse, bien que fondées sur le Symbole les Apôtres, où l’œuvre de la Création et l’ancienne économie paraissent dévolues au Père, la Rédemption au Fils, la Sanctification et l’économie future au Saint-Esprit. D’après l’Ecriture au contraire, le Fils et le Saint-Esprit ont concouru à l’œuvre de la Création avec le Père ; le Père et le Saint-Esprit à l’œuvre de la Rédemption avec le Fils. Enfin, le Père, le Fils et le Saint-Esprit concourent ensemble par l’œuvre intérieure de la sanctification des croyants à l’accomplissement du salut dans les individus comme dans l’Eglise.
Dans les endroits, par conséquent, où une ou deux personnes seules sont nommées, il n’en faut pas moins attribuer la causalité totale de l’œuvre aux trois réunies, puisqu’elles sont d’ailleurs nommées toutes trois en d’autres endroits. Par exemple, Jésus-Christ est seul nommé : 2 Thessaloniciens 3.18 ; 2 Timothée 4.22 ; le Père et Jésus-Christ sont seuls nommés : 1 Corinthiens 8.6, et le plus souvent, dans l’adresse des Epîtres. Toutes les trois personnes sont nommées : 2 Corinthiens 13.13 ; 1 Pierre 1.2 ; 1 Corinthiens 12.4-6 ; Éphésiens 4.4-6.
Nous pourrions également être tentés de résumer la matière de cet article dans la formule que nous fournit saint Paul lui-même : ἐξ αὐτοῦ, δι’ αὐτοῦ, καὶ εἰς αὐτόν. (Romains 11.36), en rapportant chacune des trois propositions à ἐκ, διά, εἰς, à chacune des trois personnes, pour caractériser par là le rôle particulier de cette personne dans le monde. Mais nous ne tarderions pas à nous assurer que ces déterminations exclusives ne s’accorderaient pas exactement avec les textes parallèles. Nous voyons, par exemple, dans 1 Corinthiens 8.6, le εἰς rapporté au Père en même temps que le ἐκ ; et dans Hébreux 2.10, le double rapport exprimé par le δι’ οῦ et par le δι’ ὅνg, attribué également à la première personne. Dans Colossiens 1.16, l’apôtre attribue au Fils les trois rapports exprimés par ἐν, διὰ et εἰς. Cependant la comparaison des différents textes relatifs à cette matière nous autorisera à conclure que tout au moins le ἐκ se joint exclusivement à la première personne, le διὰ de préférence à la seconde, et le ἐν, de préférence aussi, à la troisième.
g – Il ne sera pas inutile de constater ici déjà que διὰ construit avec le génitif, désigne la cause efficiente, et avec l’accusatif, la cause finale on la raison morale du fait.