Nous avons défini, nous n’avons pas encore jugé ; car la définition n’ajoute rien à l’objet, elle ne fait que le nommer. Nous devons passer au jugement.
Tout jugement qui n’est pas une pure et immédiate intuition de l’âme, présuppose ou demande une preuve.
La preuve, comme acte, consiste à rapprocher le jugement qui est en question d’un autre jugement déjà jugé, déjà acquis à notre conviction ; l’un des jugements implique l’autre ; ceci est commun à toute espèce de démonstration.
Mais quoique tout jugement suppose, et doive être prêt à produire sa preuve, le prédicateur ne peut-il pas énoncer des jugements sans en produire les preuves ? Ne peut-il pas, en certains cas, se borner à l’affirmation simple et directe ? – Sans doute, et même il faut souvent parler ainsi à son auditoire, sous-entendre la preuve. Mais nous n’avons rien à dire ici sur ces jugements que la preuve explicite ne précède pas. Il suffit, sous le rapport de la forme, de leur appliquer ce que nous avons dit des formes de la définition.
C’est donc moins du jugement que de la preuve que nous avons à parler. La preuve est l’acte intellectuel par lequel s’accomplit en nous le fait de la certitude.
La définition fait cesser l’ignorance relative, la preuve met fin au doute. Par la première nous connaissons, par la seconde nous croyons.
Il faut distinguer deux ordres de vérités : les spéculatives et les pratiques. Mais ce qui établit les unes et les autres est également preuve.
La preuve, à ces deux égards, produit la conviction, qui est l’état où l’on ne peut plus nier ni le fait ni le droit sans se nier en quelque sorte soi-même. Car la preuve consiste à opposer en quelque sorte à l’auditeur sa signature, c’est-à-dire l’aveu de quelque vérité plus générale, ou antérieurement prouvée, où se trouve renfermée la vérité qu’il s’agit de prouver, ou dont elle découle irrésistiblement. S’il s’agit du fait, les arguments (moyens, instruments de preuve) s’appellent des raisons ; si du droit ou devoir, ce sont des motifs. Reconnaître le fait ou le droit, c’est avouer que l’un, et l’autre sont conformes à l’idée du vrai qui est en nous, ou qu’ils sont impliqués dans une vérité que nous tenons déjà pour, certaine et incontestable. – C’est là ce que le prédicateur veut d’abord obtenir, non seulement à l’égard du fait, mais à l’égard du droit. C’est ce résultat qui, dans les deux cas, s’appelle conviction
La persuasion, qui vient ensuite, ou l’inclinaison de la volonté vers tel ou tel acte, est nécessaire, mais ni plus ni moins que la conviction ; et si le prédicateur ne pense point avoir atteint son but, à moins que la conviction ne soit persuasion, il n’estime pas non plus l’avoir atteint s’il a persuadé sans convaincre.
Ne voyons d’abord que les moyens de produire la conviction, mais remarquons bien que ce que nous séparons ici, l’orateur ne le sépare point à l’ordinaire, et qu’il s’efforce d’opérer d’un même temps la conviction et la persuasion.