Ah ! je ne puis pas exprimer la chose aussi bien que je le souhaiterais, mais l’expérience vous apprendra plus que je ne puis vous le dire ; c’est elle qui vous apprendra quel travail et quelle angoisse d’âme il faut soutenir pour surmonter cette haute montagne de nos péchés et de notre propre indignité qui semble se mettre entre nous et Dieu, quand nous voulons prier. Quoique nous ayons sujet en ces occasions de reconnaître l’infirmité et la faiblesse de notre foi, nous devons pourtant tenir ferme cette consolation, que dans ces combats-là, nous ne disons pas seuls : O Dieu, aie pitié de moi, mais que l’Esprit de Dieu le crie aussi en nous et avec nous, par des soupirs qui ne se peuvent exprimer ; lesquels soupirs, quoique nous ne les voyions et ne les connaissions pas, ne laissent pas d’être connus de celui qui connaît les affections de l’esprit par ce qu’il est Esprit lui-même. Dans la confiance en ce puissant intercesseur, nous devons au milieu de la plus grande ardeur du combat, et dans le plus fort de la tentation, résister courageusement à Satan, en lui disant : Il est vrai que je suis un pécheur, mais qu’en est-il ? Dieu est plein de miséricorde ; si mes péchés me rendent indigne de prier, eh bien, que je sois indigne ; mais j’ai de là d’autant plus sujet de prier, parce que je suis pécheur. — Voilà une sainte audace que les pécheurs qui sentent leurs péchés, doivent avoir, afin qu’ils sachent comment un Dieu juste et un homme pécheur peuvent venir ensemble, et qu’ils apprennent à ne point fuir de devant Dieu au sentiment de leurs péchés, mais à prier et à chanter avec David, aie pitié de moi, ô Dieu ! Afin que ce pronom de moi, ou ce nom de Dieu, ne nous empêche pas de prier ainsi, mettons au milieu, aie pitié, car c’est par là que Dieu et l’homme pécheurs e rapprochent et sont réconciliés ; sans cela, non seulement, nous ne pourrons jamais chanter ce psaume, mais nous ne pourrons jamais non plus dire la prière dominicale, parce qu’il n’arrivera jamais dans cette vie que nous soyons parfaitement nets de tous péchés ; car quand même nous serions exempts de péchés actuels et extérieurs, pourtant le péché originel sera toujours en nous et nous souillera ; puisque nous sommes toujours pécheurs, il faut donc toujours prier ainsi que le font les vrais chrétiens, parce que sentant sans cesse leur indignité, ils demandent qu’elle leur soit pardonnée et qu’ils en soient entièrement délivrés.