Matthieu 15.32-39 ; Marc 8.1-9
Nous avons déjà étudié un miracle semblable ; il reste peu de chose à dire de celui-ci ; a-t-il eu lieu dans le même endroit, dans la contrée déserte près de Bethsaïda, ou sur la rive occidentale du lac ? on se l’est demandé quelque fois. Il est probable que ce fut dans le même endroit ; quittant le territoire de Tyr et de Sidon après la guérison de la fille de la Cananéenne, le Seigneur revint près de la mer de Galilée, en traversant la Décapole. Mais toutes les villes de la Décapole, sauf une, sont au delà du Jourdain, sur la rive orientale du lac ; Jésus doit donc avoir suivi cette rive.
Il y a cependant quelques différences entre les deux miracles de multiplication des pains. Ici, la foule avait suivi le Seigneur pendant trois jours ; la provision de vivres est un peu plus grande : sept pains et quelques poissons, au lieu de cinq pains et deux poissons ; ici, il n’est question que de quatre mille personnes, au lieu de cinq mille, les restes du repas ne remplissent que sept corbeilles. Au reste, le miracle est le même dans les deux récits.
On peut s’étonner que les apôtres, qui devaient se souvenir du premier miracle, se soient demandé de nouveau comment on pourrait nourrir la foule ; mais il y a une profonde racine d’incrédulité dans le cœur humain. Dans les jours de détresse, il est facile d’oublier les délivrances passées ; chaque difficulté nouvelle paraît insurmontable, il semble alors que les merveilles de la grâce de Dieu soient épuisées. Dieu avait mis à sec la mer Rouge pour les enfants d’Israël ; dès qu’ils ont passé, ils murmurent contre Moïse, parce qu’ils ne trouvent pas d’eau, et s’attendent à mourir de soif (Exode 17.1-7) ; Dieu envoie des cailles : malgré cela, Moïse lui-même, plus tard, a de la peine à croire que la multitude pourra obtenir de la viande (Nombres 11.21-22). Il faut une foi très ferme pour conclure du passé au futur, et pour se rassurer en pensant à la fidélité et à l’amour de Dieu dans les temps antérieurs (1 Samuel 17.34-37 ; 2 Chroniques 16.7-8).
Alors même que les apôtres se fussent souvenus du premier miracle et eussent été persuadés qu’il pourrait se renouveler, ils pourraient avoir douté que Jésus fît usage, une seconde fois, de sa puissance créatrice, et que cette multitude eût cette faim spirituelle qui est ordinairement récompensée par un acte de puissance divine. Saint Augustin dit que le premier miracle est un symbole de la satisfaction que le peuple juif trouve de ses besoins spirituels en Jésus-Christ ; le second représenterait l’action du Seigneur au milieu des Gentils. Les apôtres ont eu beaucoup de peine à reconnaître que Christ soit venu pour le Gentil comme pour le Juif.