1.[1] Quand Varus reçut le message de Sabinus et des officiers, il en fut alarmé pour toute la légion et résolut de la secourir en toute hâte. Prenant les deux légions qui restaient et les quatre ailes de cavalerie qui leur étaient attachées[1], il partit pour Ptolémaïs où il donna rendez-vous aux troupes auxiliaires des rois et des dynastes. En passant à Béryte, il joignit à ces forces 1500 hommes armés que lui fournit cette cité. Quand il eut concentré à Ptolémaïs le reste des contingents alliés, et que l'Arabe Arétas, en souvenir de sa haine contre Hérode, lui eut amené un corps assez nombreux de cavaliers et de fantassins, il détacha aussitôt une partie de son armée dans la région de la Galilée voisine de Ptolémaïs, sous le commandement de Gaius, un de ses amis[3] ; celui-ci dispersa les gens qui s'opposèrent à sa marche, prit et brûla la ville de Sepphoris et réduisit en esclavage ses habitants. Varus lui-même avec le gros de ses forces entra dans le pays de Samarie ; il épargna la ville, qui était restée parfaitement tranquille au milieu du tumulte général, et alla camper près d'un bourg nommé Arous[4] ; c'était une possession de Ptolémée, qui, pour cette raison, fut pillée par les Arabes acharnés même contre les amis d'Hérode. Ensuite il s'avança jusqu'à Sanipho[5], autre bourgade fortifiée ; celle-ci fut également saccagée par les Arabes, ainsi que toutes les localités voisines qu'ils rencontraient sur leur chemin. Tout le territoire était plein d'incendie et de carnage, et leur soif de pillage n'épargnait rien. Emmaüs, dont les habitants avaient pris la fuite, fut incendié sur l'ordre de Varus en représailles du massacre d'Arius et de ses soldats[6].
[1] Chapitre V = Ant., XVII, 10,9 (§ 286) — 11,1 (§ 299).
[2] Un régiment (ala) de cavalerie (composé d'auxiliaires) comptait ordinairement 500, plus rarement 1.000 chevaux. Il ne faudrait pas conclure du texte de Josèphe que chaque légion était toujours accompagnée de deux alae ; il ne faut pas non plus confondre cette cavalerie indépendante avec les escadrons (turmae) légionnaires proprement dits (lié. III, VI, 2) qui ne comptaient que 120 chevaux.
[3] Il faut corriger d'après cela les texte des Ant. § 288, τῷ υἱῷ παραδοὺς (quelques manuscritsd insèrent ici καὶ) ἑνὶ τῶν αὐτοῦ φιλων.
[4] Emplacement exact inconnu.
[5] Σαπφώ dans le Bellum, Σαμφώ dans la plupart des mss. des Ant., § 290. Site inconnu.
[6] Cf. supra, IV, 3. Il s'agit de la ville nommée plus tard Nicopolis, au S.-E. de Lydda, et non, comme on l'a prétendu, de l'insignifiante bourgade à 61 stades de Jérusalem (Luc, XXIV, 13). Varus a longé la montagne du N. au S. avant de pénétrer au cœur de la Judée.
2. Marchant de là sur Jérusalem, il n'eut qu'à montrer ses forces pour disperser les camps des Juifs. Ceux-ci s'enfuirent à travers la campagne ; ceux de la ville accueillirent le vainqueur et cherchèrent à se disculper du reproche de défection, prétendant qu'eux-mêmes n'avaient pas bougé, que la fête les avait contraints à recevoir cette multitude venue du dehors, et qu'ils avaient plutôt partagé les épreuves des Romains assiégés qu'ils ne s'étaient associés aux attaques des rebelles. Bientôt Varus vit venir au-devant de lui Joseph, cousin d'Archélaüs[7], Rufus et Gratus, amenant avec eux l'armée royale, les Sébasténiens, et la légion romaine dans sa tenue de parade accoutumée. Quant à Sabinus, n'ayant pu soutenir la pensée de se présenter aux regards de Varus, il était sorti auparavant de la ville pour gagner le littoral. Varus répartit une partie de l'armée dans les campagnes pour saisir les auteurs du soulèvement dont beaucoup lui furent amenés. Il fit garder en prison ceux qui parurent les moins ardents ; les plus coupables, au nombre de deux mille environ, furent mis en croix.
[7] Fils du frère d'Hérode tué à Jéricho (cf. lié. I, XVII, 1).
3. On lui annonça qu'il restait encore en Idumée dix mille hommes armés. Trouvant que les Arabes ne se conduisaient pas comme de véritables alliés, mais qu'ils faisaient plutôt la guerre pour leur propre compte et, par haine d'Hérode, maltraitaient le pays plus qu'il n'aurait voulu, il les congédia, et, avec ses propres légions, marcha rapidement contre les rebelles. Ceux-ci, avant d'en venir aux mains, firent leur soumission, sur le conseil d'Achab : Varus gracia la multitude et envoya à César les chefs pour être jugés. César pardonna à la plupart, mais il ordonna de châtier ceux de sang royal — car dans le nombre il y avait plusieurs parents d'Hérode — pour avoir porté les armes contre un roi qui était de leur famille. Ayant ainsi apaisé les troubles de Jérusalem, Varus y laissa comme garnison la légion qu'il y avait détachée dès le principe, puis retourna lui-même à Antioche[8].
[8] La « guerre de Varus », mentionnée (C. Apion, I, § 35), paraît avoir laissé un souvenir dans la tradition rabbinique sous le nom de polemos sel Asveros (lire Varos ?) : cette guerre, d'après Seder Olam, in fine, aurait précédé de 80 ans celle de Vespasien.