(1534 à 1539)
Henri VIII recherche l’alliance de Jacques V – Il échoue – Nouvelles tentatives de Henri VIII – Thomas Forret – Sa fidélité – Son entretien avec l’évêque de Dunkeld – Mécontentement du peuple – Négociations à Rome – Jacques V épouse Madeleine de Valois – La jeune reine meurt – Second mariage du roi avec Marie de Lorraine
Malgré les velléités littéraires et libérales de François Ier, l’esprit ultramontain semblait devoir triompher en France. Il y avait sans doute de plus libres et de plus saintes aspirations, mais certains évêques étaient plus papistes que le pape, et les rois trouvaient commode de se montrer pleins d’indulgence pour les désordres du clergé pourvu qu’il prêtât main-forte à leur despotisme. Les prêtres de l’Écosse redoublaient donc d’efforts pour séparer Jacques de son oncle d’Angleterre, et l’unir à la fille aînée de la papauté.
Henri VIII, qui recevait dans son royaume plusieurs des exilés contraints à fuir leur patrie, s’inquiétait de voir son neveu se jeter dans les bras du pontife romain. Il était dans l’intérêt de l’Angleterre que l’Écosse ne prît pas une direction opposée à la sienne ; toute la Grande-Bretagne devait rejeter en même temps l’autorité du pape. Tudor, impatient de parvenir à ce but, forma le dessein de donner au roi d’Écosse sa fille Marie en mariage, et pour préparer peu à peu un rapprochement, il résolut d’envoyer lord William Howard en Écosse, et fit rédiger à cet effet des instructions très détailléesy. « Aussitôt après votre arrivée à la cour du roi mon neveu, dit-il à l’ambassadeur, vous lui ferez de notre part les salutations les plus aimables, vous le remercierez de son beau présent de faucons, et vous l’assurerez que les liens du sang qui nous unissent me portent à me réjouir de tout ce qui lui arrive de fortuné. Vous demanderez ensuite au lord trésorier de vous procurer la mesure de la taille du roi, et vous lui ferez faire l’habillement le plus riche et le plus élégant, par un tailleur que vous aurez près de vous. Puis vous lui direz que je désire vivement avoir une conférence avec lui. »
y – State papers, V, p. 1 à 6. Ces instructions qui ne portent pas de date sont de la seconde partie de l’an 1534 et corrigées de la main de Cromwell qui en fut aussi probablement le rédacteur.
Henri VIII, plein de haine pour la papauté et désirant voir d’autres royaumes fortifier sa position, en suivant son exemple, invitait ses plus proches voisins à fonder comme lui des Églises nationales, ne reconnaissant d’autre chef que le roi. Il avait vu ses efforts échouer en France, et désirait d’autant plus réussir en Écosse. Étant oncle du roi, la chose lui semblait facile. Il était décidé à employer pour cela tous les moyens, et entre autres, il cherchait à le gagner par de beaux habits, faits à la mode de Londres. Il lui envoya pourtant aussi des livres contre l’autorité usurpée du pape.
En octobre le Dr Barlow, prieur de Bisham, l’un des conseillers du roi, « homme très versé, écrivait Henri à Jacques, dans certaines causes grandes et importantesz » arriva en Écosse et la reine douairière Marguerite lui procura un tête-à-tête avec son filsa. Aussitôt les partisans du pape s’effrayèrent et conjurèrent Jacques de ne pas lire les livres que Henri VIII lui envoyait ; ils lui représentèrent les dangers inouïs auxquels il exposerait sa personne, sa couronne, son royaume s’il suivait l’exemple de son oncle. Ils eurent le dessus et Jacques fit écrire à Cromwell que rien sans doute ne serait négligé pour affermir l’amitié qui devait unir les deux monarques ; mais qu’on ne pouvait, en Écosse, être d’accord avec le roi d’Angleterre, quant à l’autorité du pape et du clergéb. « Il y a ici, écrivit Barlow à Cromwell, abondance de prêtres, toutes sortes de religieux, multitude de moines, des frères qui marchent par troupeaux, mais il n’en est pas un qui prêche sincèrement Jésus-Christ ! »
z – « King Henri VIII to King James V. » (State papers, V, p. 7)
a – « Audience by himself only. » Lettre de Marguerite à Henri VIII et à Cromwell. (State papers, V, p. 10 à 12.)
b – State papers, V, p. 14. Lettres d’Otterburn à Cromwell. Voir aussi la note tirée du Diurnal.
« Il me sera aussi agréable de partir de ce lieu, écrivit-il le 23 mai 1536, qu’il le fut à Loth de sortir de Sodomec. »
c – « No more depleasant for me to depart than it was for Loth lo pass out of Sodom. » (State papers, V, p. 52, p. 19.)
Henri ne se découragea pas, il envoya une seconde fois lord William Howard en février 1535. Dans une séance solennelle qui eut lieu à Holyrood avec grande pompe, Howard remit en même temps à Jacques V l’ordre de la Jarretière que Charles-Quint, François Ier et le roi Ferdinand avaient déjà reçu, et une déclaration touchant la suprématie ecclésiastique. Le roi reçut l’ordre avec respect et remit la déclaration à ses évêques pour en faire ce qu’ils voudraientd. En vain Henri avait-il fait entrevoir à Jacques la perspective de s’asseoir sur le trône d’Angleterre en épousant sa fille Marie, les prêtres et surtout Beaton faisaient rejeter ces propositions dont ils n’attendaient que du mal. Ils lui représentaient le danger qu’il courrait s’il allait à Londres mettre sa tête à la disposition d’un prince perfide et cruel, et quelle admiration aurait pour lui la postérité, si, au moment où toute l’Europe menaçait l’Église, il restait fidèle à la foi des aïeux.
d – Ibid., p. 18 à 20.
Il y avait dans la population écossaise de fortes aspirations vers l’Évangile ; mais là, comme en France, le sacerdoce et le gouvernement le repoussaient avec force. Plus l’État se détachait du pape dans le sud de l’île Britannique, plus il se collait à lui dans le nord. Le roi, devenu l’instrument direct du clergé, demanda au parlement d’arrêter les progrès que la Bible semblait faire en Écosse, et le 8 juin, ce corps, aggravant les lois antérieures, arrêta que quiconque possédait un Nouveau Testament devait le livrer à son évêque sous peine de confiscation et d’emprisonnement, et que toute discussion sur des opinions religieuses était interdite. Il permit pourtant aux clercs des écoles de lire ce livre, afin de mieux combattre ses adhérents. Plusieurs prêtres, moines, étudiants lurent donc le Nouveau Testament, mais cette lecture eut un effet tout contraire, elle les amena à recevoir et à défendre l’Évangile. Ceci devait irriter le roi et ses prêtres et leur faire sentir encore plus la nécessité d’une alliance avec une puissance ultramontaine. La conversion d’un chanoine qui, par sa famille, avait des rapports avec la cour attira surtout leur attention.
Dans un îlot du golfe de Forth, près d’Edimbourg, était l’ancienne abbaye de Saint-Colme, habitée par des chanoines de Saint-Augustin. Parmi eux se distinguait le fils du maître des écuries du roi Jacques IV, nommé Thomas Forret, qu’il ne faut pas confondre avec le bénédictin Henri Forrest dont il a été question. Une dispute s’était élevée entre l’abbé et les chanoines ; ceux-ci pour appuyer leurs réclamations, s’emparèrent des actes de la fondation du monastère. L’abbé survint, les tança fort, reprit le volume et leur donna à la place un vieux gros tome de Saint-Augustin. Ceux-ci pleins de dépit, tournèrent le dos au livre, et rentrèrent dans leurs cellules.
Forret, resté seul, regardait le volume. Un ouvrage du grand Augustin l’intéressait ; il l’emporta dans sa cellule, le lut et bientôt il put dire avec l’évêque d’Hippone : « Ce que l’économie des œuvres commande, c’est l’économie de la foi qui l’accomplit. O livre bienheureux, ô livre béni ! s’écriait-il souvent, c’est de toi que Dieu s’est servi pour éclairer mon âmee. » Saint Augustin amena Forret à l’Évangile, et bientôt il fit connaître à ses frères le trésor qu’il avait trouvé dans les écrits de ce Père et dans le Nouveau Testament. Les plus âgés fermèrent l’oreille : « Hélas, disait le fils du maître des écuries du roi, les vieilles bouteilles « ne veulent pas recevoir le vin nouveauf. » Les vieux chanoines se plaignirent à l’abbé et celui-ci dit à Forret : « Pensez à vous sauver vous-même et parlez comme tout le monde. — Avant que je me rétracte, répondit-il en mettant la main sur sa poitrine, ce corps sera brûlé et le vent en dispersera les cendres. » L’abbé, voulant se débarrasser de ce novateur, lui donna la paroisse de Dollar.
e – « O happy and blessed was that book to me ! » (Calderwood’s Hist. Scot’s Worthies, p. 21.)
f – « The old bottles would not receive the new wine. » (Ibid.)
Forret était l’un de ces hommes qui reçoivent, non seulement avec amour, mais avec une véhémente impétuosité la grâce qui leur est présentée. Tandis que plusieurs demeuraient endormis, il s’avançait avec vigueur pour ravir le royaume de Dieu. Il y avait en lui ces mouvements merveilleux, cette grande ardeur que l’Évangile a signalés, quand il a dit : « Ce sont les violents qui l’emportent. » De six heures à midi, il étudiait ; chaque jour il apprenait trois chapitres de la Bible ; l’après-midi il visitait les familles, instruisait ses paroissiens, s’efforçait d’amener les âmes à Dieu. Le soir, quand il rentrait dans son presbytère, fatigué de son travail : « Viens, André, » disait-il à son domestique, et, le faisant asseoir près de lui, il récitait pieusement les trois chapitres de la Parole de Dieu qu’il avait appris le matin, voulant ainsi les fixer dans sa mémoire et les imprimer dans l’âme de son serviteurg. Des moines ayant envahi sa paroisse, et y vendant des indulgences, Forret monta en chaire et dit comme Luther : « Vous ne pouvez recevoir le pardon de vos péchés ni du pape ni de quelques créatures que ce soit au monde, mais uniquement du sang de Jésus-Christ ! »
g – Ces détails et d’autres ont été communiqués par André au ministre John Davidson qui les a insérés dans son Histoire des martyrs écossais. (Ibid.)
Ses adversaires coururent le dénoncer à l’évêque de Dunkeld, lui demandant de mettre fin à une conduite aussi étrange. « Mon cher doyen Thomas, lui dit l’évêque, on m’assure que vous prêchez chaque dimanche ! C’est trop. Ne prêchez, croyez-moi, que si vous trouvez un bon évangile ou une bonne épître qui établisse bien nettement les privilèges de la sainte Église. — Monseigneur, répondit Forret, j’aimerais bien que votre seigneurie prêchât aussi chaque jour du Seigneur. — Non, non, doyen Thomas ! dit l’évêque effrayé ; n’allez pas dire de telles choses. — Quant à ce qu’il ne me faut prêcher, continua Forret qu’une bonne épître ou un bon évangile ; vraiment, monseigneur, j’ai lu tout l’Ancien et le Nouveau Testament, tous les évangiles, toutes les épîtres, et je n’ai jamais trouvé ni une mauvaise épître ni un mauvais évangile ; mais que votre seigneurie veuille bien me montrer les bons et les mauvais, et je vous promets de prêcher ceux-là et de négliger ceux-ci. » L’évêque de plus en plus effrayé, cria de toutes ses forcesh : « Je rends grâces à Dieu de n’avoir jamais su ce que c’était que l’Ancien ou le Nouveau Testament et je ne veux « savoir autre chose que mon rituel et mon pontifical ! »
h – Stoutly, Fox’s Acts, V, p. 622.
Pour le moment Forret échappa à la mort. Le mot de l’évêque se répandant en Écosse, on y disait longtemps à tout ignorant : « Vous êtes comme l’évêque de Dunkeld qui ne voulait savoir ni l’ancienne loi, ni la nouvellei. »
i – Ibid., Scot’s Worthies, p. 22.
Le mécontentement du peuple à l’égard du clergé ne cessait de s’accroître et un concile provincial s’étant réuni à Édimbourg, en mars 1536 sir James Hamilton y demanda au nom du roi diverses réformes. Les hommes d’Église en furent indignés. « Jamais ils n’avaient été si mécontents, » dit Angusj.
j – « The kirkenen of Scotland were never so ill content. » (Lettre d’Angus à sir G. Douglas.)
Les moines, alarmés ; se mirent à attaquer la Réformation du haut des chaires.
L’évêque Barlow, envoyé d’Angleterre, crut le moment favorable pour réformer l’Écosse. « Si je pouvais en obtenir la permission du roi, écrivit-il à Cromwell, premier secrétaire d’État de Henri VIII, j’annoncerais hardiment la vérité de Dieu dans leurs assemblées. Je sais bien que les prêtres murmureraient, mais un grand nombre de laïques m’entendraient avec plaisir. Il faut que la Parole de Dieu soit plantée au milieu d’eux, pour que leurs hypocrites promesses ne demeurent pas sans effetk. »
k – State papers, V, p. 38.
Les espérances de l’évêque anglican semblaient commencer à se réaliser. Le bruit se répandit que le roi d’Écosse, mécontent de l’accueil fait à ses demandes par le concile, allait avoir une conférence avec son oncle. Les prélats se crurent perdus, si ce projet se réalisait. « Ne permettez pas, de grâce, dirent-ils au roi, que le roi d’Angleterre dise un seul mot pour vous faire adopter ses nouvelles institutions de la sainte Écriturel. » Jacques voulait et ne voulait pas ; il céda ; la conférence avec le terrible Tudor n’eut pas lieu. Mais les évêques n’étaient pas encore remis de leur frayeur ; ils redoutaient l’influence des ambassadeurs d’Angleterre, celle de la reine-mère, et craignaient de n’être pas assez forts une autre fois. Ils imaginèrent, pour rendre le prince plus ferme dans sa résolution, de l’engager à demander au pape un bref, qui lui défendît de se rencontrer avec Henri VIII. Le protonotaire apostolique Thompson fut chargé secrètement de cette étrange mission, et les prêtres trouvèrent piquant de prier le roi d’Angleterre de donner un passe-port à cet agent dont ils se gardaient bien de faire connaître la mission. Henri, ne soupçonnant rien, accorda la demande, et ces clercs rusés purent rire entre eux de leur petite malice. Mais la reine-mère, ayant appris toutes ces intrigues, fit de vifs reproches à son fils. Celui-ci susceptible et violent, comme le sont souvent les hommes faibles, perdit tout respect et reprocha à sa mère de recevoir des dons du roi son frère pour trahir le roi son fils. Marguerite indignée déclara qu’elle retournerait à Londresm, et les deux envoyés anglais se hâtèrent eux-mêmes de quitter l’Écosse. Le clergé écossais s’était fort effrayé du plan formé par Henri VIII de donner sa fille Marie à son neveu ; la fille de Catherine d’Aragon eût été pourtant suffisamment soumise au pape.
l – Voir la lettre de la reine-mère à Henri VIII. (State papers, vol. V, p. 38.)
m – Howard et Barlow à Henri VIII. (Ibid., p. 46 et 48.)
Le parti clérical ayant réussi à brouiller toute la famille royale, le fils et la mère, l’oncle et le neveu, et voulant empêcher à jamais l’union projetée, insinua au jeune prince que la fille aînée du roi de France, la belle-sœur de Catherine de Médicis, serait pour lui une bien plus glorieuse et plus utile alliance. Ce projet sourit à Jacques et le bruit ayant couru que l’empereur allait envahir la France, le roi d’Écosse, pour se concilier la faveur du père de l’épouse qu’il désirait, lui offrit le secours de son arméen. Puis il s’embarqua le 1er septembre sur six navires ayant avec lui une suite de cinq cents personnes, tous nobles ou gentilshommes. En dix jours il arriva à Dieppeo, et sans prendre l’avis de son oncle, il demanda et obtint la main de Madame Madeleine, que sa tante Marguerite de Valois avait élevée avec beaucoup de tendressep. Les prêtres écossais furent très joyeux, car cette alliance avec la France affermissait, selon eux, la papauté en Écosse ; mais leur joie était prématurée. Les rois de France commençaient à prendre vis-à-vis de l’Écosse un ton de supériorité qui froissait un peuple petit, mais fier. Ce fut bien pis plus, tard quand le roi de France Henri II, unissant son fils à Marie Stuart, fit signer à cette princesse des contrats qui humiliaient l’antique Calédonie.
n – Lettres inédites de Marguerite d’Angoulême, p. 349.
o – Lettres de Sutchyll au lord amiral. (State papers, V, p. 59.)
p – « Sub amitæ reginæ Navarræ disciplina educata. » Buchanan lib. XIV, ad an. 1537.) Voir aussi Lettres inédites de la reine de Navarre, p. 77.
Jacques V
Madeleine de Valois
Jacques avait trouvé dans Madeleine une princesse accomplie. Sa santé était faible, mais son cœur était vertueux et son âme n’était pas étrangère à la piété de sa tante. Quel gain pour la Réformation s’il se trouvait sur le trône d’Écosse une reine amie de la Parole de Dieu ! Jacques s’embarqua avec sa jeune femme sur une flotte de dix-sept voiles, Arrivée, à Leith, l’aimable reine, d’un port noble mais d’une apparence maladive, mit pied à terre, s’agenouilla gur le rivage, prit une poignée du sable d’Écosse dans ses mains, le baisa avec une profonde émotion et implora la bénédiction de Dieu sur son époux bien-aimé et sur sa nouvelle patrie. Madeleine fut reçue à Édimbourg par le peuple et les nobles avec grand enthousiasme ; mais les gens d’Église, mieux instruits qu’ils ne l’avaient été d’abord, étaient inquiets, craignant que cette princesse ne répandit autour d’elle les opinions évangéliques de la sœur de François Ier. Ce bonheur n’était pas réservé à l’Écosse. La fleur, transplantée dans ce rude climat sécha et tomba ; la reine rendit l’esprit le 2 juillet. Tous ceux qui l’avaient connue, sauf les prêtres, la regrettèrent vivement. Buchanan, frappé de tant de gloire et de tant de deuil, fit pour elle cette épitaphe en vers latins : « J’étais femme de roi, fille de roi, nièce de roi, et, selon mes désirs et mes espérances, je devais être mère de roi. Mais la cruelle mort, ne voulant pas que je franchisse le faîte des honneurs, auxquels un être mortel peut atteindre, m’a ensevelie sous cette tombe, avant que ce beau jour arrivâtq. »
q – Regia eram conjux et regia filia, neptis
Regia, spe et votis regia mater eram… etc.
(Buchanan, Opera, p. 81.)
Aussitôt les prélats s’agitèrent pour négocier un autre mariage français, mais qui fût en même temps ce que le premier n’avait pas été, — un mariage romain ; ils n’entendaient pas être attrapés deux fois. L’ardent David Beaton, neveu du primat, qui avait accompagné le roi à Paris, retourna en France aussitôt après la mort de la jeune reine, afin de chercher pour Jacques V une nouvelle alliance agréable aux prêtres. David, fort bien vu à la cour de Saint-Germain, fut fait par François Ier, évêque de Mirepoix, et plus tard par son intervention, cardinal. Toute sa vie devait être consacrée à combattre l’Évangile en Écosse ; or il lui fallait pour cela une reine fanatique, et il ne lui fut pas difficile de la trouver.
Il y avait alors à la cour de France une famille qui commençait à se faire connaître par son zèle pour la papauté. Claude de Lorraine, duc de Guise, qui avait épousé Antoinette de Bourbon, s’était distingué en plusieurs occasions et surtout à la bataille de Marignan. Entouré de six fils et de quatre filles, il fondait une maison puissante qui pensa plus tard à enlever le trône aux Valois et aux Bourbons ; aussi, la dernière parole de François Ier à son fils fut-elle : « Craignez les Guises ! » Il paraît que Jacques, pendant son séjour en France, avait remarqué l’aînée des enfants du duc, Marie, jeune femme de vingt-trois ans, veuve de Louis d’Orléansr. Ce fut à elle que Beaton s’adressa. L’alliance fut promptement conclue. Le clergé d’Écosse triomphait ; mais les chrétiens évangéliques voyaient avec douleur transporter dans leur patrie « cet œuf pris dans le nid de sang des Guisess. »
r – « Rex, id quod evenit, de exitu nxoris veritus, in illam oculos conjecerat. » (Buchanan, lib. XIV.)
s – « An egge of the bloody nest of Guise. » (Kirkton, True Hist. of the Church of Scotland, p. 7.)
La jeune reine, arrivée à Saint-André le 16 juin 1538, s’appliqua à gagner l’affection du roi et de sa belle-mère. Elle ne parvint pas à se concilier la faveur du peuple, mais les prêtres se passionnèrent pour elle ; et se croyant désormais sûrs de la victoire, ils se mirent à exalter bien haut dans leurs discours l’autorité du papet.
t – « The great part of the sermon was in extolling of the Richess of Rome authority. » (State papers, V, p. 154.)
Celui-ci invitait alors, par le cardinal Pole, l’empereur et les rois de France et d’Écosse à s’allier et à envahir l’Angleterre ; en même temps, il enlevait à Henri VIII et à ses successeurs le titre de protecteurs de la foi et le transportait à la couronne d’Écosse.
Jacques V, dominé à la fois par sa femme et ses évêques, parut définitivement enchaîné au char du pontife romain.