Né à Lexington (Massachusetts), 1810, et mort à Florence, 1860.
Discours sur les matières relatives à la religion, 3e édition. Boston, 1847, page 275.
Théodore Parker admettait à peu près sans réserve la théorie mythique de Strauss sur les Evangiles. Il se distinguait d’ailleurs de ce savant de cabinet comme un Américain pratique d’un Allemand spéculatif. Il conquit, sur le public de Boston une brillante influence, non tant par ses attaques contre la Bible que par l’éloquence inspirée qu’il déploya contre l’esclavage, en faveur de l’humanité et de la revendication des droits de l’homme. Il parle des « étroitesses de Jésus » (limitations of Christ), qui a partagé, selon lui, « les erreurs de son temps sur les démons, les possessions, et la démonologie eu général ; » qui « s’est trompé dans l’explication de l’Ancien Testament ; » qui a été, dans une certaine mesure, « un enthousiaste ; » mais ce sont là, dit-il, de simples bagatelles qui ne touchent pas le moins du monde à son caractère moral et religieux. Jésus, pense-t-il, aurait encore accusé ses adversaires en des termes inconvenants, quand il appelait, par exemple, les pharisiens des hypocrites et des enfants du démon. « Nous ne savons pas jusqu’à quel point les historiens ont ajouté à l’amertume de ses attaques ; mais ce fait général doit rester vraisemblable : il n’usait pas de discours polis. » En fin de compte, cependant, Parker ne vit là qu’une faute bien pardonnable, vu la jeunesse de l’homme. Il appela cela « le côté négatif ou les étroitesses de Jésus. »
Il étudie ensuite le côté positif ou les grandeurs de Jésus. Voici quelques extraits de ce chapitre :
« En appréciant le caractère de Jésus, on ne doit pas oublier qu’il mourut à un âge où l’homme n’a pas encore atteint sa pleine vigueur. Les plus hautes créations de l’esprit, les œuvres les plus mûres de l’homme, tous les plans profonds et solides qu’on a faits pour rendre le monde meilleur émanent d’une période de la vie où l’expérience offre un champ plus vaste que la base de l’espérance. Longtemps après l’âge auquel parvint Jésus, Socrate n’était encore, si l’on peut ainsi le dire, qu’un sage au maillot. Les poèmes et les philosophies qui durent proviennent d’une époque postérieure de la vie. Nous avons ici devant nous un jeune homme à peine âgé de trente ans, qui n’avait pas l’avantage d’une position distinguée, fils et compagnon de gens incultes ; né dans une ville dont les habitants étaient proverbialement mauvais ; membre d’un peuple qui se faisait remarquer par sa superstition, son orgueil, son estime propre, et le mépris des autres nations ; dans un temps où la corruption s’était développée d’une façon singulière ; où ce qu’il y avait d’intime dans la religion avait disparu même des âmes de ses ministres ; où le péché, enfin, avait trouvé de larges ouvertures chez un peuple séditieux, opprimé et foulé aux pieds. Un homme qu’on tourne en ridicule pour son manque de savoir revient à la simple morale, à la simple religion, dans ce pays des formes, des prêtres hypocrites et des fidèles corrompus ; il unit dans sa personne l’enseignement le plus sublime à la plus sublime vie, réalisant ainsi le rêve des prophètes et des sages ; il marche libre de tous les préjugés de son temps, de son peuple et de sa secte, et laisse à l’Esprit de Dieu dans son cœur l’entière liberté de son action ; il met de côté, quelque sainte et quelque honorée qu’elle eut été de tout temps, la loi avec ses formes, ses sacrifices, son temple et ses prêtres ; il repousse enfin les docteurs de la justice avec leurs ruses et leur érudition, et répand une doctrine nouvelle, belle comme la lumière, sublime comme le ciel et vraie comme Dieu. Philosophes, poètes, prophètes et rabbis, il s’élève au-dessus de tous. Et cependant Nazareth n’était point une Athènes où l’on respirât l’air de la philosophie : il n’y avait ni Portique, ni Lycée ; il n’y avait pas même une école de prophètes. Dieu est dans le cœur de ce jeune, homme.
Oh ! comme il travaillait dans sa poitrine, ce cœur, le plus grand que l’Esprit de Dieu ait jamais fait battre ! Quelles paroles de blâme, de consolation, de conseil, d’exhortation, de promesses et d’espérance découlaient de sa bouche comme à flots, et relevaient les âmes comme la rosée relève l’herbe qui se dessèche ! Quelle doctrine profonde dans ses discours ! quelle sagesse dans ses maximes si pleines de vie juive ! Quelle divinité, quelle grandeur d’âme dans ses prières, dans ses actes, dans sa sympathie et son dévouement !
Examinons-le, comme nous examinons les autres maîtres. Ceux-ci disent ce qu’ils ont à dire, et rencontrent quelques personnes altérées de consolation qui acceptent le nouveau message et qui suivent la voie nouvelle ; mais bientôt ils sont dépassés pas ces mêmes disciples dont l’esprit, pourtant, n’était pas au niveau du leur. C’est le cas de tout fondateur d’école philosophique ou de secte religieuse. Quoique nous soyons bien petits, nous voyons ce que Socrate et Luther n’ont jamais vu. Dix-huit siècles se sont écoulés depuis que le flot de l’humanité s’éleva si haut en Jésus. Quel homme, quelle secte, quelle Eglise s’est emparée de ses pensées, a saisi sa méthode et l’a complètement appliquée à sa vie ? Que le monde réponde avec son cri de détresse ! Les hommes se sont partagé les habits de Jésus ; ils ont jeté le sort sur sa robe sans couture ; mais l’Esprit qui travailla avec tant d’énergie au sein du péché et de la mort, qui expira, qui eut à souffrir et qui a vaincu le monde, l’a-t-on retrouvé ? le possède-t-on ? le comprend-on ? Bien plus, y a-t-il une Eglise quelconque qui le cherche et qui le recommande ? »