Nous venons de toucher du doigt l’une des insuffisances de la philosophie de la volonté. Ce n’est pas la seule. Ou, si l’on préfère, cette même insuffisance peut se présenter sous d’autres aspects encore qui nous la rendront plus sensible.
I) Le volitionnisme pur ne garantit pas la réalité véritable, l’intégrité, la permanence de l’être humain.
Sans doute le je veux rend compte du je suis, infiniment mieux que le je sens ou le je pense, et donc doit leur être préféré. Il est évident aussi qu’avec la volonté nous sommes sur un terrain plus adéquat que les précédents à la nature et à la production du moi. Il est évident que le moi, s’il existe, est davantage un acte, une affirmation, une synthèse volitive, qu’un enchaînement mécanique de perceptions ou d’idées, comme le voulaient le sensationnisme et l’intellectualisme. Nous accordons tout cela. Mais pour que le moi volontaire fût — au sens je suis du mot, — il faudrait non seulement qu’il fût libre (ce que suppose le volitionnisme, sans pouvoir l’établir assez fortement), il faudrait encore qu’étant libre, c’est-à-dire susceptible de poser en lui et hors de lui des commencements nouveaux et par conséquent de se créer soi-même, sa liberté, sa permanence, son identité fût garantie d’une manière absolue. Il faudrait que le moi libre (autrement dit la volonté personnelle de l’homme) fût soustrait au hasard des causes contingentes, à la plus contingente comme à la plus formidable de toutes : à la mort par dissolution de l’organisme au sein duquel et grâce auquel s’opère l’effort créateur du moi volontaire. Car remarquez que dans le volitionnisme pur, la volonté est distincte de l’organisme, mais l’organisme reste la condition de l’effort créateur du moi personnel. Le moi personnel reste donc sous condition de l’organisme. Tant que le moi personnel reste lié (et à bien des égards par un rapport de dépendance) à ce fond de passivité irréductible à toutes ses activités, son sort aussi reste précaire. Il n’est qu’un commencement, un germe, une ébauche, une possibilité sans cesse menacée d’être engloutie dans le déterminisme universel qui déborde autour d’elle et qui pénètre une partie d’elle-même. L’avenir ne lui appartient pas, car sa liberté reste privée de motif souverain et de finalité transcendante. Je veux, il est vrai ; même je ne veux pas seulement pour agir, mais je veux pour être, puisque agir c’est être, puisqu’il n’y a pas d’autre être que l’acte et que plus je voudrai, plus je serai. Mais s’il y a une limite, un terme nécessaire à ce vouloir, il y aura donc aussi une limite, un terme nécessaire à cet être. Si la fin que je poursuis en exerçant ma volonté n’est autre chose que la création, le développement de mon être ; et si cet être est contingent, relatif, borné, fini ; la fin que je poursuis est donc elle-même contingente, bornée, finie, relative. S’il n’y a rien d’absolu dans mon vouloir ou dans mon acte, il n’y aura rien d’absolu dans mon être. Je suis, sans doute, parce que je veux ; et je serai tant que je voudrai ; mais si je dois cesser un jour de pouvoir vouloir, parce que l’obstacle, condition de mon vouloir, doit cesser d’exister, je dois un jour aussi cesser d’être, rien ne m’empêche plus de cesser d’être. J’existe donc, plutôt que je ne suis au plein sens du mot.
Le problème qui se pose pour le volitionnisme est analogue à celui qui se posait pour l’intellectualisme. De même que le sujet pensant n’était garanti que par un objet pensant, et par un objet absolu (je pense donc Dieu me pense) ; de même le sujet voulant n’est garanti dans son être que par une volonté absolue (je veux donc Dieu me veut). Or je ne sache pas que le volitionnisme pur soit susceptible d’aucune affirmation métaphysique. A moins de l’emprunter à l’intellectualisme (ce qu’il a fait bien souvent, mais ce qui est un remède pire que le mal), il en reste dépourvu. Du fait que je veux et que je me sens libre, je ne puis pas statuer l’existence d’une volonté et d’une liberté souveraine. Le volitionnisme pur, d’une immense portée anthropologique, n’est d’aucune portée en métaphysique. Car, pour être fidèle à sa méthode, le volitionnisme doit trouver dans la volonté et non pas ailleurs, le point de départ de sa métaphysique ; or la volonté seule ne le lui donne pas. Ce qu’il lui faudrait, ce dont il faudrait qu’il pût partir, ce n’est pas de la volonté en tant que telle seulement, mais d’une volonté obligée, c’est-à-dire d’une volonté dépendante et libre, d’une volonté dont la dépendance accuserait la liberté, et l’accuserait d’une manière aussi évidente que le fait de volonté lui-même (par exemple sous la forme du devoir, de la responsabilité, du remords) ; — ce qu’il lui faudrait, c’est une volonté obligée immédiatement, de telle sorte que l’influence de l’obligation où elle se trouverait serait plus intime que celle des causes secondes, et antérieure à ces causes (afin que la volonté obligée pût résister à ces causes et s’en affranchir, distinguer l’action de l’obligation de celle des causes secondes) ; — ce qu’il lui faudrait enfin, c’est une volonté obligée absolument, de telle sorte qu’une dépendance absolue assurât l’existence d’un objet absolu, d’une Volonté souveraine qui, assignant à la volonté libre une fin souveraine, garantît son triomphe, sa permanence, son intégrité.
II) Le volitionnisme pur ne garantit aucune vérité objective d’ordre philosophique, moral et religieux.
Et ce que nous disons là de l’être humain est également vrai de la vérité humaine, c’est-à-dire de l’obtention d’une vérité vraie. — Nous avons vu que la volonté intervient dans la formation de la connaissance humaine, et que son rôle grandit avec le caractère plus élevé de cette connaissance. En sorte que les vérités les plus essentielles, les vérités de jugement, c’est-à-dire les vérités d’ordre philosophique, moral et religieux, les vérités qui relèvent du royaume des finalités humaines, sont presque entièrement remises au choix de la volonté subjective de l’individu. S’il en est ainsi, une redoutable inconnue contribue à l’élaboration de la connaissance humaine : l’inconnue d’une volonté susceptible des choix les plus imprévus et les plus imprévisibles, et par hypothèse, les plus arbitraires. La connaissance, livrée à l’arbitre de chaque volonté subjective, devient subjective comme elle. Qui nous garantira, dès lors, la vérité objective de ces vérités subjectives ! Toutes également vraies pour chaque sujet individuel, il se pourrait qu’aucune ne correspondît à aucune vérité en soi ; et nous sommes en tout cas privés du moyen d’en connaître aucune pour véritablement vraie, ou même simplement plus vraie que les autres.
Il en va dans le domaine de la connaissance comme tout à l’heure dans celui de la conduite. Ici de nouveau le dilemme précédent s’applique. Ou bien la volonté a un premier motif aux motifs subséquents qu’elle invoque en faveur de la vérité qu’elle choisit, et alors ce premier motif étant déterminant, détermine tous les autres, et avec eux la vérité elle-même ; celle-ci, libre en apparence, est donc déterminée et nécessaire au fond. Ou bien la volonté n’a point de premier motif aux motifs subséquents qu’elle a de choisir la vérité ; et alors cette vérité, motivée en apparence, est arbitraire au fond. Dans les deux cas le résultat est le même, savoir un scepticisme complet dont il est impossible de sortir. — Cela est évident si la vérité que chacun se crée est arbitraire : une vérité arbitraire n’est plus une vérité. Et si elle est déterminée, cela n’est pas moins évident ; car alors les différences qui se manifestent d’une vérité individuelle à une autre vérité individuelle, et qui sont déterminées par leur premier motif (tempérament, milieu ambiant, idiosyncrasies sociales ou individuelles), se contredisant mutuellement, annulent la vérité et rendent impossibles son établissement et son critère. — Il reste sans doute des croyances ; des croyances qui consistent, selon la définition de M. Brochard, à « conférer à l’idée, par un acte sui generis (celui du jugement), une sorte de réalité qui est le seul équivalent possible de la réalité véritableh ». Mais ces croyances, vraies pour celui qui les forme, n’étant point identiques les unes aux autres, et n’étant garanties que par le caprice de la volonté ou les particularités du tempérament, n’offrent aucune garantie de vérité en soi, c’est-à-dire d’accord avec la réalité objective. Ainsi entendue et définie, la croyance, sous une forme déguisée, c’est encore du scepticisme.
h – De la croyance.
Que faut-il donc pour garantir la vérité de la connaissance humaine dans les sphères supérieures de la morale et de la religioni ? Exactement ce qu’il fallait à l’être humain pour garantir son essentielle réalité : une obligation transcendante, interne, immédiate, comme premier motif de la volonté en fonction de connaissance. Si la volonté en fonction de connaissance se trouve liée, en effet, à une obligation initiale et permanente qui la sollicite sans la contraindre, tout arbitraire aussi bien que tout déterminisme tombe, dans la connaissance morale et religieuse, dans l’élaboration de la vérité morale et religieuse. Celle-ci n’est plus une croyance toute subjective et variable, mais à la fois une conviction, une certitude intime et une connaissance objective. Une vérité de conviction et une certitude intime, parce que le sujet continue à faire la vérité qu’il cherche à coup de volonté, et que, la créant ainsi, il s’incarne en elle en quelque mesure ; une vérité de connaissance objective, parce que sa recherche et l’obéissance de sa volonté ont un objet, un objet que la volonté ne saurait transformer à son gré, un objet donné, et même imposé à la volonté, savoir l’obligation même. Le scepticisme dès lors est vaincu. La croyance n’est plus une simple adhésion subjective à des idées qui paraissent vraies au sujet, mais que d’autres croyances, également vraies pour d’autres sujets, peuvent impunément contredire, sans qu’on puisse en aucune manière statuer sur leur valeur respective. Désormais, le sujet étant libre, sans doute, mais obligé à préférer, à choisir, à vouloir, obligé à la préférence de certaines sensations relativement à d’autres, de certaines idées relativement à d’autres, de certains jugements relativement à d’autres, la matière et le type architectural de l’édifice de sa croyance lui sont fournis, objectivement fournis, c’est-à-dire imposés par l’obligation sous le contrôle de laquelle opère sa volonté. En un mot, la croyance n’est plus seulement croyance (au sens sceptique et subjectif du terme) ; la sincérité pure n’est plus seule à constituer la vérité. La sincérité devient une obéissance, la croyance devient une foi ; parce qu’à l’une et à l’autre, à la sincérité et à l’obéissance, quelque chose est donné, qui garantit leur valeur objective : l’obligation même.
i – Je laisse de côté pour le moment la connaissance de la vérité scientifique, laquelle, à toute rigueur, peut se passer de tout autre critère et de toute autre garantie que celle qu’elle trouve dans la nature des faits extérieurs. En science pure, effectivement, le critère de la vérité est donné par la nature des choses et par la conformité à la nature des choses que la science étudie.
[Le résumé suivant, crayonné de la main de Frommel, jalonne sa pensée sur ce point décisif de la théorie de la connaissance : (Ed. 1910)
1° Nous avons vu le rôle de la volonté dans la formation de la connaissance (choix des perceptions, choix des idées, jugement).
2° Mais ce rôle de la volonté dans la connaissance n’est pas toujours le même ; il y a une distinction à faire entre science et croyance.
3° La connaissance scientifique jouit d’un privilège que la croyance n’a pas ; elle s’exerce sur un ensemble de données extérieures au sujet et qui lui fournissent un contrôle : les faits observés. A tel point que l’effort de la science est précisément d’éliminer le plus possible la part de la volonté dans la connaissance, et de rendre celle-ci également nécessaire pour tous.
4° Il n’en va pas ainsi des vérités de croyance, c’est-à-dire des vérités philosophiques, morales, religieuses (par opposition aux vérités scientifiques). Ici, chacun l’accorde, la volonté garde sa place et on ne saurait la lui enlever. La volonté crée la vérité, ou du moins participe légitimement à sa formation.
5° Or, dans le volitionnisme pur, l’exercice de la volonté paraît ne pouvoir être qu’arbitraire (si la liberté d’indifférence existe, en d’autres termes, si la volonté crée sans motif son premier motif) ou déterminé (si la volonté est déterminée par un premier motif dans la création de tous les autres).
6° Examinons les deux termes de l’alternative. — Si la volonté est arbitraire, cet arbitraire exclut évidemment la vérité ; il ne reste qu’une croyance gratuite ; c’est le scepticisme. — Si la volonté est déterminée par un premier motif, les croyances, assurément, seront nécessaires, et cette nécessité en garantirait la vérité au cas où le résultat serait identique pour tous. Mais il n’en est rien. La diversité, la contrariété des croyances est flagrante. En sorte que, les croyances étant déterminées, le déterminisme de chaque volonté individuelle est lui-même arbitraire ; il dépend du tempérament, du hasard, des circonstances, etc. ; c’est le scepticisme.
7° Que faudrait-il donc pour que la croyance put revêtir quelque garantie de vérité objective ? Il faudrait un premier motif qui détruisit à la fois dans la volonté la possibilité de l’arbitraire et la possibilité du déterminisme ; il faudrait une obligation dont la volonté fût librement captive, qui s’imposât à la volonté comme la norme de ses opérations en fonction de croyance, et qui fût identique pour toutes les volontés individuelles parce qu’elle serait donnée à la volonté.
8° Alors on pourrait apprécier les croyances, évaluer leur part de vérité objective, du point de vue moral, du point de vue de l’obligation. L’objet et la norme des croyances seraient donnés à la connaissance volontaire par un fait intérieur (qui jouerait dans la croyance le rôle du fait extérieur dans la science), c’est-à-dire par l’obligation contrôlant la volonté. Il y aurait une vérité objective possible (philosophique, morale, religieuse), et une connaissance objective possible de cette vérité. Laquelle ? Celle qui serait la plus fidèle aux données de l’obligation.
9° La croyance, comme croyance purement subjective, tomberait. La sincérité et la liberté se transformant en obéissance (et cette obéissance ayant nécessairement un objet), la croyance pure deviendrait une conviction, une certitude, une foi, enveloppant une connaissance objective : celle-là même qui est donnée au sujet par l’obligation.]
Ainsi, d’une part, le besoin de l’être de persévérer dans l’être, d’exister absolument ; de l’autre, le besoin d’atteindre à la vérité humaine — les deux besoins les plus profonds peut-être qui soient au cœur de l’homme — nous poussent à chercher au delà du volitionnisme pur notre point de départ et notre méthode.
III) Le volitionnisme pur ne prend pas en considération la plus importante des données primitives de la conscience : le devoir de la volonté.
Mais ce n’est pas tout. A ces raisons négatives, nous ajoutons des raisons positives. Et ces raisons positives que nous avons de quitter le volitionnisme pur, nous les trouvons dans le fait qu’il n’exprime pas toutes les données primitives de la conscience, et ne rend pas compte de la plus importante et de la plus haute, d’entre elles. Sans doute l’affirmation : je veux donc je suis, enveloppe ou peut être considérée comme enveloppant celle du sensationnisme : je sens donc je suis, et celle de l’intellectualisme : je pense donc je suis, et nous pouvons concevoir comment le je sens et le je pense se ramènent au je veux, comment ils s’y subordonnent au moins. Mais il est une donnée positive et primitive de la conscience que nous avons de nous-même, que le volitionnisme pur n’exprime pas, n’enveloppe pas, ne se subordonne pas, dont il ne rend pas compte, parce qu’il ne parvient pas à la ramener à la suprématie du je veux. Cette donnée positive et primitive de la conscience que nous avons de nous-même, c’est le je dois, c’est-à-dire non plus la conscience de la volonté seulement, ni même de la liberté de la volonté seulement, mais la conscience de la volonté en fonction du devoir, la conscience claire, impérieuse, du devoir de la volonté. — Le volitionnisme pur, tel du moins que nous l’avions examiné jusqu’à présent, n’avait pas pris cette donnée de la conscience en considération ; aussi bien ne le pouvait-il pas sans cesser d’être volitionnisme pur. Or cette donnée de la conscience que nous avons de nous-même joue en fait, dans la conscience, un rôle certain, un rôle considérable, parfois même un rôle suréminentj. Et ce rôle s’atteste d’une manière positive et certaine par un ordre de sentiments et d’idées également considérables, mais également inconnus du volitionnisme pur, savoir : le sentiment et l’idée de la responsabilité, le sentiment et l’idée de la culpabilité, le sentiment et l’idée de la faute, du repentir, du remords, etc.
j – Témoin le langage populaire, qui ne connaît la conscience que comme conscience du devoir.
Ces sentiments et ces idées, qui ressortissent à l’ordre moral (c’est-à-dire à l’ordre de la volonté en fonction morale), ne s’expliquent que par la donnée primitive de la conscience du devoir, et donc nous y ramènent. Celle-ci à son tour ne s’explique que par la donnée, jusqu’à présent purement hypothétique, de l’obligation. Je ne dois, je ne puis devoir, ma volonté ne peut être en fonction du devoir, que si elle est liée au devoir par une obligation supérieure à ma volonté même, transcendante à ma volonté, objectivement présentée à ma volonté, mais interne à ma volonté. Si elle n’était pas interne à ma volonté (si elle était uniquement transcendante), je ne serais pas libre à l’égard de l’obligation, je serais contraint. Si elle n’était pas transcendante à ma volonté (si elle était uniquement interne), je ne serais pas obligé.
Or, qu’est-ce à dire ? sinon que nous trouvons dans les données primitives et positives de la conscience morale, cela même que les insuffisances du volitionnisme pur nous faisait postuler tout à l’heure. La concordance entre ce que nous postulions du point de vue du volitionnisme pur comme nécessaire à sa complétion, et ce que nous fournit la conscience du devoir prise dans son affirmation authentique et centrale, cette concordance nous autorise à passer maintenant du volitionnisme au moralisme, c’est-à-dire de la philosophie de la volonté à la philosophie de l’obligation.
Ce passage auquel nous sommes tout naturellement conduits et presque nécessairement acculés, n’offre rien d’ailleurs que de légitime. Nous ne changeons pas, en l’effectuant, de principe d’explication universelle. La volonté garde sa place centrale ; elle reste substance suprême, essence et fond des choses et de l’homme. Rien n’est changé à cet égard, et toutes les affirmations précédentes du volitionnisme demeurent acquises, à cette différence près que la volonté devient susceptible par l’obligation de s’ouvrir un horizon métaphysique. Du rang de substance humaine, elle passe à celui de substance universelle. L’obligation témoignant en elle (par hypothèse) d’une volonté objective à celle de l’homme et (toujours par hypothèse) d’une volonté objective inconditionnelle, permet à la philosophie de la volonté de devenir le principe d’une explication universelle. Dieu, le Dieu dont le sensationnisme ne postulait pas même l’existence, le Dieu dont l’intellectualisme ne réussissait pas à fournir la preuve, Dieu serait donné dans la volonté par l’obligation. A la formule : je dois donc je suis, correspondrait la formule : je dois donc Dieu est. Et cette double formule se trouverait être la réponse que nous attendions, la réponse à notre question : qu’est-ce que l’homme ? et qu’est-ce que la vérité humaine ?
Seulement cette obligation qui est nécessaire au volitionnisme pour aboutir au moralisme, et qui existe à n’en pas douter, existe-t-elle néanmoins sous la forme que nous avons supposée ? Est-elle interne, immédiate ? Est-elle absolue ? Est-elle transcendante ? Est-elle objective ? Est-elle de nature à garantir, en même temps que la liberté de la volonté, son identité permanente et la finalité absolue de la liberté humaine ? Est-elle de nature à garantir la vérité à la volonté comme organe de la connaissance ? En un mot, réalise-t-elle les conditions que nous avons énoncées tout à l’heure et qui sont indispensables à l’établissement d’un volitionnisme moral et métaphysique ? C’est la question infiniment considérable et sérieuse qu’il nous reste à examiner.