Au ive siècle, le culte de la sainte Vierge n’avait pas encore pris le développement qu’il a reçu dans la suite ; on trouve cependant dans Zénon et dans saint Ambroise non seulement le parallèle entre Ève et Marie, devenu classique depuis saint Justin et saint Irénée, mais, dans saint Ambroise surtout, des pages à la louange de la Vierge que ses dévots reliront toujours. En tout cas, le cercle s’étendit des croyances concernant la mère de Jésus qui devaient amener l’efflorescence de culte dont nous parlons. On avait de tout temps admis sa virginité ante partum : le ive siècle, dans l’Église latine comme dans la grecque, affirma de plus la virginité in partu et post partum. Et sans doute les écrits d’Helvidius, de Bonosus et de Jovinien fournirent une occasion d’appuyer sur cet enseignement ; mais saint Hilaire, qui ne les connaît pas, l’avait déjà proclamé. Il avait écrit, dans le De trinitate, iii, 19, que Marie avait engendré Jésus « ipsa de suis non imminuta » ; et dans son commentaire sur Matthieu.1.3-4, il avait combattu ceux qui prétendaient que Marie avait eu, postérieurement à la naissance de Jésus, des relations conjugales avec saint Joseph. Ce fut dès lors la doctrine absolument reçue : « O magnum sacramentum ! Maria virgo incorrupta concepit, post conceptum virgo peperit, post partum virgo permansit ». L’erreur d’Helvidius, de Bonosus et de Jovinien ne fit que provoquer l’ardente invective de saint Jérôme, la protestation plus calme mais très élevée de saint Ambroise, et la réprobation officielle de l’Église.
A côté, mais au-dessous de Marie, on vénère également les saints. On les fête et on les prie, on élève en leur honneur des temples et des basiliques ; le pape Damase compose des inscriptions métriques pour orner leurs tombeaux ; Prudence chante leurs combats ; saint Paulin, sur un ton plus doux, célèbre le cher saint Félix. Ces honneurs cependant sont, jusqu’au ve siècle, réservés aux martyrs. Et comme on vénère les saints régnant au ciel, on vénère aussi leurs restes mortels. Ce sont des « reliquiae sacrae » dont on fait la translation avec pompe. A ce sujet les critiques de Vigilance ne rencontrent que peu d’échos ; et saint Jérôme les réfute vigoureusement, en même temps qu’il précise minutieusement la nature du culte rendu aux martyrs et à leurs reliques : « Nos autem non dico martyrum reliquias, sed ne solem quidem et lunam, non angelos, non archangelos, non cherubim, non seraphim… colimus et adoramus. Honoramus autem reliquias martyrum, ut eum cuius sunt martyres adoremus. Honoramus servos, ut honor servorum redundet ad Dominum. »
L’usage de prier pour les morts dans le service liturgique, déjà attesté par Zénon, est souvent relevé par saint Ambroise. Indépendamment des suffrages privés, on célèbre un service pour les défunts le septième et le quarantième jour anniversaire de leur mort. On invoque pour eux les apôtres et les martyrs ; et l’évêque de Milan n’hésite pas à déclarer que ces prières et ces suffrages lavent leurs péchés, et hâtent leur bonheur définitif. D’autre part, saint Jérôme a établi contre Jovinien le mérite des jeûnes et de l’abstinence. Mais ce qui est le plus caractéristique dans la vie chrétienne, à la fin du siècle surtout et en dehors des pratiques religieuses proprement dites, c’est un fort courant d’ascétisme qui emporte les âmes d’élite vers la solitude ou même plus ordinairement vers la pratique de la continence au milieu du monde. Ce courant, qui toujours a plus ou moins existé dans le christianisme, se trouve fortifié alors par le désir qu’éprouvent ces âmes de réagir contre la médiocrité morale qui envahit la masse des fidèles dans une Église favorisée maintenant par les empereurs ; par ce que les relations de Rufin, de saint Jérôme et de saint Épiphane font connaître des merveilles qui se passent dans les monastères de l’Égypte ; par la parole ardente et par les exemples du solitaire de Bethléem et des saintes femmes qui l’ont suivi ; mais aussi par l’éloquence jamais plus persuasive de saint Ambroise. On a de ce dernier, que l’on peut bien appeler le docteur de la virginité, cinq traités sur cette matière, et l’on n’ignore pas avec quel succès il en a parlé. Chez lui surtout, nous saisissons le lien qui depuis, dans l’Église latine, a rattaché la pratique de la virginité à la doctrine de la perpétuelle virginité de Marie. La supériorité de la continence sur le mariage une fois établie — et saint Jérôme allait en renouveler la preuve contre Jovinien — il paraissait convenable que la mère de Jésus fût restée toujours vierge ; et à son tour l’exemple de pureté parfaite donné par Marie devenait un motif de plus d’estimer et de pratiquer cette vertu. « Egregia igitur Maria quae signum sacrae virginitatis extulit, et intemeratae integritatis pium Christo vexillum erexit, Et tamen cum omnes ad cultum virginitatis sanctae Mariae advocentur exemplo, fuerunt qui eam negarent virginem perseverasse ». « Aliis promittit (Christus) ut non deficiant : matrem suam deficere patiebatur ? Sed non deficit Maria, non deficit virginitatis magistra ».