On sait peu de chose de la vie d’Arnobe l’Ancien. Né vers 255-260, il professa la rhétorique à Sicca, petite ville de la Numidie proconsulaire, et eut pour élève Lactance. Arnobe était alors un païen pratiquant, dévot jusqu’à la superstition, ennemi déclaré des chrétiens. Puis, brusquement, vers L’an 295-296, il se convertit au christianisme. Ce changement surprit tellement ceux qui l’entouraient que l’évêque, craignant une feinte, exigea, avant de l’admettre parmi les catéchumènes, une preuve de sa sincérité. Arnobe la fournit en composant les deux premiers livres du traité dont il va être question, et reçut le baptême. A partir de ce moment, nous ne savons plus rien de lui. Saint Jérôme semble mettre sa mort en 327.
L’unique ouvrage chrétien d’Arnobe est son apologie Contre les païens (Adversus nationes) en sept livres. Dans les deux premiers qui datent de 296 environ, Arnobe répond à ceux qui accusent le christianisme d’être la cause de tous les maux qui désolent l’empire. Dans les cinq autres, prenant à son tour l’offensive, il fait le procès du paganisme, officiel et populaire, et aussi de la philosophie. Ici et là, Arnobe fait preuve d’une habileté réelle et d’une érudition étendue. Sans avoir son génie, il a quelque chose des qualités littéraires de Tertullien, du relief, de la couleur, du mouvement et de l’esprit. Mais il connaît mal la religion qu’il veut défendre : le christianisme n’est guère pour lui qu’un spiritualisme élevé. Une défiance exagérée de la valeur de la raison et un pessimisme amer lui font rabaisser l’homme outre mesure. Son style même est fréquemment emphatique, redondant, incorrect. Il a trop souvent manqué à Arnobe la juste notion des choses dont il parle et le terme exact pour les dire.
Lucius Caecilius Firmianus — Lactantius est un surnom — est né aux environs de Cirta ou de Mascula, dans la Numidie, probablement entre les années 240-250. Ses études se terminèrent sous la direction d’Arnobe. Devenu maître à son tour, il enseigna la rhétorique d’abord en Afrique, puis, vers 290, à Nicomédie où l’avait appelé Dioclétien. C’est à Nicomédie qu’il devint chrétien vers l’an 300. Il put traverser indemne la persécution, fut témoin, en 311, de la palinodie de Galère et, au plus tard vers 317, fut nommé par Constantin précepteur de son fils Crispus. Il est probable que dès lors il ne quitta plus la cour ; mais on ignore la date et le lieu de sa mort.
Au point de vue moral, Lactance est une nature calme, pondérée, amie de la paix, un chrétien sincère qui accomplit sans bruit son devoir. Au point de vue intellectuel, c’est le type du rhéteur et de l’homme d’école. Bien écrire pour lui n’est pas traduire d’une façon originale et forte des idées personnelles : c’est imiter du plus près possible les grands modèles de l’antiquité latine, surtout Cicéron, en mettant partout dans ses phrases l’ordre, la mesure, l’harmonie. C’est un classique. Il compose clairement et reste puriste dans sa langue autant que son sujet et son temps le lui permettent ; mais il reste aussi forcément froid et compassé. Quant à sa théologie, elle est médiocre : comme Arnobe, il confond à peu près le christianisme avec le déisme. Le dogme de la Providence est le seul qu’il se soit persévéramment appliqué à mettre en lumière.
Si l’on fait abstraction des ouvrages écrits par Lactance avant sa conversion et de ses deux livres de Lettres à Demetrianus, écrites pendant la période chrétienne et que nous n’avons plus, nous connaissons de lui quatre ouvrages d’apologétique, une œuvre historique et probablement un poème.
L’œuvre apologétique maîtresse de Lactance porte le titre d’Institutions divines (Divinae institutiones) et compte sept livres. Le premier paraît avoir été achevé en 307 et tout l’ouvrage en 311. Le but de l’auteur était d’établir la vérité du christianisme et d’en exposer les croyances et la morale sous une forme élégante et qui plût aux lettrés. Pour le réaliser, il a, dans le livre ier, prouvé l’unité de Dieu et réfuté le polythéisme ; dans le iie, établi la nécessité d’une religion et démontré que les cultes païens ne sauraient être le vrai culte dû à Dieu ; dans le iiie, montré que la philosophie est impuissante à donner aux hommes l’enseignement religieux dont ils ont besoin. Qui donc leur donnera cet enseignement ? C’est le christianisme, dont le livre iv fait ressortir la vérité, et dont les livres v-vii exposent la morale, la discipline et les croyances sur la fin du monde et la vie future.
Aux Institutions divines Lactance avait donné une sorte d’introduction par le petit traité De opificio Dei, qui date probablement des derniers mois de 305, et dont l’objet est de prouver l’existence de Dieu par les merveilles du corps humain. Il leur donna un complément dans le De ira Dei (De la colère de Dieu, 310-311), qui montre Dieu punissant le crime comme il récompense la vertu. Enfin il en donna, dans l’Epitome, postérieur à 311, un résumé ou mieux une seconde édition très abrégée, à l’usage de ceux que rebutait la longueur du premier ouvrage.
Dans le De ira Dei cependant, l’auteur n’avait pas épuisé l’idée d’un Dieu vengeur des crimes ; il avait posé seulement le principe de l’existence d’une rétribution. Vint un moment où, après le triomphe de Constantin, cette vengeance de Dieu sur les persécuteurs lui parut manifeste et éclatante, et lui fit écrire, entre 314-320, le De mortibus persecutorum. Le traité De la mort des persécuteurs est à la fois une histoire et une apologie : une histoire — d’une remarquable exactitude — des événements qui se succédèrent, et surtout des persécutions qui sévirent depuis le commencement du règne de Dioclétien jusqu’en 313 ; une apologie qui montre, dans la fin misérable des tyrans, le juste prix de leurs cruautés. On a contesté à Lactance la parenté de cet écrit, mais sans apporter en somme d’autre raison sérieuse de cette opinion que le contraste que l’on saisit entre le style ordinairement froid et régulier de Lactance et le style coloré et vivant du De mortibus. Et il est vrai que ce contraste existe ; mais il s’explique suffisamment par la différence des sujets et par la passion profonde qui, dans ce dernier ouvrage, a soulevé malgré elle l’âme naturellement calme de l’auteur des Institutions.
Enfin on a attribué à Lactance un petit poème Sur le Phénix (De ave Phoenice), qui raconte la légende de cet oiseau telle que le ive siècle la connaissait. Cette attribution est vraisemblable sans être certaine.