Mais que répondrez-vous quand on vous demandera, est-ce donc que le décalogue ne doit point être observé ? Et si on l’observe, n’est-ce pas là une justice ? Répondez à cela : Oui, nous voulons observer les commandements de Dieu et le décalogue, mais dans un sens évangélique, parce que nous n’avons encore reçu que les prémices de l’Esprit, lequel soupire et gémit dans nos cœurs ; d’ailleurs la chair avec ses convoitises et ses affections, et ce méchant arbre de corruption sont encore dans nous, ce qui est la cause que la loi de Dieu ne peut pas être accomplie dans toute son étendue et dans toute sa rigueur, car si nous la pouvions ainsi parfaitement accomplir, de quoi servirait cette justice que David cherche par ces paroles : O Dieu, aie pitié de moi ! Et à quoi serviraient le pardon et l’imputation d’une autre justice plus parfaite ! Comme donc il est vrai que les restes du péché sont encore dans les saints, et que le péché n’est jamais parfaitement ôté et aboli, voici ce qui arrive : c’est que par la force de l’Esprit de Dieu, nous résistons au péché, que nous le mortifions, et que nous observons les commandements de Dieu ; mais aussi, s’il arrive que par les combats et les tentations de la chair et du diable, nous tombions, nous espérons le pardon et la rémission.
Dans la Loi lévitique, l’obéissance qu’on lui devait rendre, c’était de sacrifier, et pourtant nous verrons ci-dessous que David dit : Tu n’as point voulu de sacrifice, et les holocaustes ne te sont point agréables ; de sorte que les sacrifices devaient avoir lieu, mais sans préjudice de la miséricorde. De même, nous observons la loi et les commandements de Dieu par les forces du Saint-Esprit, et pourtant cela n’empêche pas que nous ne disions avec David, aie pitié ; c’est-à-dire que nous demeurons pourtant encore pécheurs, et que nous avons besoin de la rémission gratuite de nos péchés par les mérites de Jésus. Ainsi la miséricorde est notre vraie vie jusqu’à la mort ; et pourtant les chrétiens rendent une obéissance à la Loi, mais une obéissance imparfaite à cause du péché qui est encore en eux. Apprenons donc bien à donnera ce mot, aie pitié, toute l’étendue qu’il doit avoir, que nous n’y concevions pas seulement les péchés actuels et grossiers, mais que nous sachions aussi que les bienfaits et les grâces de Dieu y sont compris, c’est-à-dire, que nous sachions que nous sommes justes par le mérite d’un autre, que nous avons en cet autre un Père favorable, et que Dieu, pour l’amour de cet autre, aime les pécheurs qui sentent leurs péchés. En un mot, apprenons que toute notre vie a besoin de miséricorde, puisque toute notre vie n’est que péché, et que par conséquent, elle ne peut pas en elle-même soutenir le jugement de Dieu.