Je dois donc je suis
L’insuffisance du sensationnisme nous avait conduits à l’intellectualisme ; l’insuffisance de l’intellectualisme nous avait conduits au volitionnisme ; l’insuffisance du volitionnisme pur nous conduit au moralisme. En abordant le moralisme, nous jouons en quelque sorte notre dernière carte. Si celle-ci nous manquait, tout nous manquerait. A la question : qu’est-ce que l’homme ? et qu’est-ce que la vérité humaine ? nous resterions sans réponse. L’homme interrogé n’aurait pas répondu. La base de notre apologétique s’écroulerait devant nous ; la vérité chrétienne n’aurait pas un lieu où se poser. — Il constitue notre dernier espoir. Aussi vaut-il la peine de lui consacrer quelque attention.
La volonté humaine est-elle l’objet d’une obligation ? Cette obligation se fait-elle valoir à la volonté d’une manière transcendante, directe et sous un mode absolu ? Garantit-elle la liberté de la volonté humaine ? son identité permanente ? Lui donne-t-elle un objet souverain ? Toute la question est là. Mais nous ne saurions nous contenter à moins. On comprend dès lors l’importance capitale de l’étude qui va suivre. Nous diviserons ce chapitre en trois paragraphes. — Le premier paragraphe contiendra l’exposition critique des systèmes de morale qui, sans nier toute obligation, expliquent l’obligation de manière à ruiner son caractère absolu. — Dans le second paragraphe nous instituerons une enquête sur les éléments de l’obligation, qui nous permettra de statuer sur ce qu’elle a d’absolu ou de contingent. — Dans le troisième paragraphe nous étudierons les conceptions morales qui peuvent résulter de la reconnaissance du caractère absolu de l’obligation. Elles sont au nombre de quatre : 1° Morale indépendante ; 2° Religion en fonction de la morale ; 3° Indépendance respective de la religion et de la morale ; 4° Morale en fonction de la religion. Nous nous déciderons pour la quatrième, en motivant notre choix par une analyse du caractère spécifique de l’obligation qui fera l’objet d’un chapitre ultérieur.