Nous voudrions maintenant continuer l’histoire du dimanche après le temps des apôtres, surtout dans le 2d siècle. Les données ne manquent pas, mais il serait difficile de les exposer dans un ordre chronologique un peu strict, soit à cause de l’incertitude relative qui plane encore sur la date de beaucoup d’entre elles, soit à cause de la complication ou de la portée rétrospective de plusieurs. W. Waddington n’a pas craint de dire au commencement de ses Fastes des provinces asiatiques : « Les grands règnes de Trajan, d’Hadrien et des Antonin comptent parmi les époques les plus obscures de l’histoire du monde. » Le témoignage par lequel nous commencerons, se rattache en tout cas au règne de Trajan (98-117).
Pline le Jeune, gouverneur du Pont et de la Bithynie, avec le titre de légat impérial, propréteur, revêtu de la puissance consulaire, était en correspondance suivie avec l’empereur Trajan, son ami, et lui demandait des directions sur tout ce qui l’embarrassait dans une administration extraordinaire, difficile et délicate. Une de ses lettres (L. X, Ep. 97) concerne la conduite à tenir à l’égard des nombreux chrétiens de la vaste province, déjà poursuivis. « Un très grand nombre de personnes, de tout âge, de tout ordre, de tout sexe, écrit le gouverneur, sont et seront toujours impliquées dans cette accusation. Ce mal contagieux n’a pas seulement infecté les villes, il a gagné villages et campagnes. Je crois pourtant qu’on peut y remédier. … Ce qu’il y a de certain, c’est que les temples, qui étaient presque déserts, sont fréquentés et que les sacrifices, longtemps négligés, recommencent. Partout sont vendues des victimes qui trouvaient auparavant peu d’acheteurs. On peut juger par là de la quantité de gens qui peuvent être ramenés de leur égarement, si l’on fait grâce au repentir. »
Nous avons aussi la réponse de Trajan (Ep. 98), le 1er édit impérial, à nous connu, concernant les chrétiens. Le passage de la lettre de Pline, qui a pour nous un intérêt spécial, se rapporte directement aux chrétiens qui avaient faibli dans leur foi, et il est ainsi conçu : « D’autres, déférés par un dénonciateur, ont d’abord reconnu qu’ils étaient chrétiens, et aussitôt après ils l’ont nié, déclarant que véritablement ils l’avaient été, mais qu’ils ont cessé de l’être… Tous ces gens-là ont adoré votre image et les statues des dieux. Tous ont chargé Christ de malédictions. Ils assuraient que leur faute ou leur erreur avait principalement consisté en ce qu’ils s’assemblaient à jour fixe (stato die) avant le lever du soleil, chantaient entre eux tour à tour des cantiques à l’honneur de Christ, comme d’un dieu (carmenque Christo, quasi deo, dicere secum invicem), et s’engageaient par serment, non à quelque crime, mais à ne commettre ni vol, ni rapine, ni adultère, à ne point manquer à leur promesse, à ne point nier un dépôt. Après cela, ils avaient coutume de se séparer, et ensuite de se rassembler à nouveau pour manger en commun des mets innocents. … »
[Seque sacramento non in scelus aliquod obstringere, sed… « Allusion sans doute aux promesses du baptême, dit Champagny (I, p. 344). Baronius fait observer que dans les cérémonies chrétiennes, aucun serment n’était prononcé, et voudrait traduire sacramento se obstringere se lier par une cérémonie sacrée, par un sacrement. Il est difficile de croire que telle fût la pensée de Pline ; mais telle était bien probablement celle des chrétiens qui lui parlaient. On trouve du reste dans les classiques païens le mot sacramentum, non pas seulement dans le sens de serment, mais dans un sens analogue à celui qu’indique Baronius. Ainsi Sénèque (De civit. Dei VI, 11) appelle sacramenta Judæorum les observances juives. »]
Tous les renseignements obtenus par Pline se concentrent donc sur la manière dont les chrétiens célébraient un jour déterminé de chaque semaine. Deux réunions religieuses y étaient tenues : l’une au matin, dès l’aube, dans laquelle il y avait des chants alternatifs en l’honneur de Christ et un engagement à se bien conduire ; l’autre, pour un repas en commun, une de ces agapes, dont il est déjà parlé Actes 2.42, 46 ; 20.7 ; 1 Corinthiens 11.17-34 ; Jude 1.12.
Le jour hebdomadaire ainsi distingué n’est pas désigné, mais on peut facilement le reconnaître. Ce ne pouvait être le jour du sabbat, comme on l’a quelquefois supposéa, car Pline l’aurait appelé par son nom, alors si connu, surtout des Romains cultivés et haut placés. D’après le Nouveau Testament et les témoignages du 2d siècle autres que celui de Pline, ce devait être le 1er jour hebdomadaire commémorant la résurrection de Christ, le Jour du Seigneur. En outre, cela transparaît en quelque sorte dans le « merveilleux rapport de Pline, cet éclatant exemple du don d’observation d’un juge romain ». « A jour fixe, dit-il, ils s’assemblaient avant le lever du soleil et chantaient entre eux tour à tour des cantiques à l’honneur de Christ, comme d’un dieu. » Le moment où commençait ce 1er service, n’était-il pas précisément celui où Jésus ressuscitait, et la note dominante de ce service, l’exaltation de Christ ressuscité et glorifié ?
a – Boehmer au 18e siècle et, de nos jours, les Adventistes.