Quelle différence entre mes corrections fraternelles et celles de Jésus ! Comme son amour se montre dans, les coups qu’il frappe, et comme ma colère se trahit dans mes admonitions ! A l’entendre réprimander ses disciples, on croirait que lui-même n’a pas été blessé ; et à m’entendre reprendre mes frères, on supposerait que je suis l’offensé ! Lui, Dieu, ne plaide pas sa cause, mais celle du pécheur ; moi, créature, au nom de Dieu je défends ma propre cause ! Jésus reste doux, quand je me récrie ; Jésus pleure, quand je me plains ; et à la fin j’attriste et j’irrite celui qu’il aurait consolé et ramené. Mon Dieu ; suis-je donc condamné à faire le mal jusque dans mes tentatives pour accomplir le bien ? Ma charité est mêlée d’orgueil ; dans mon activité chrétienne je recherché ma satisfaction, et dans les services que je te rends je me retrouve, au fond, intéressé ou vaniteux ! Oh ! mon Dieu, donne-moi pour mon frère coupable, la tendresse que tu as eue pour moi, apprends-moi à le plaindre au lieu de le blâmer, rends-moi ingénieux pour le guérir sans le blesser, pour bander sa plaie sans qu’il sente ma main ; Apprends-moi à imiter Jésus infligeant au disciple qui l’a renié trois fois cette simple question aussi trois fois répétée : « Pierre, m’aimes-tu ? » Dégoûte-moi de cette âcre volupté que je trouve dans la censure de ceux que je juge pires que moi, et que toi peut-être tu juges meilleurs. Oui, Seigneur, rappelle-moi mon passé, hélas ! et mon présent, afin qu’humilié je sois compatissant envers les pécheurs qui t’ont offensé et que cependant tu as toi-même supportés.