1° Jéhovah est un Dieu éternel (El olam, אל עולם). Abraham l’adore comme tel (Genèse 21.33), et c’est ainsi qu’il se nomme lui-même (Deutéronome 32.40). L’éternité de Dieu résulte de son indépendance absolue : Il n’est déterminé par rien de ce que le temps peut produire ou emporter dans son cours ; il est le premier et le dernier (Ésaïe 44.6 ; 48.12) ; à côté de son éternité, la plus longue vie humaine n’est qu’un jour (Psaumes 90.4). Mais l’A. T. ne se complaît point dans une contemplation vague de cette perfection divine ; cette immutabilité de Dieu qui persiste malgré tous les bouleversements terrestres et humains, est à ses yeux d’une suprême importance pratique : l’homme peut se confier en un Dieu pareil. Voyez Moïse ; tous ses contemporains tombent morts autour de lui les uns après les autres ; il pense à l’éternité de son Dieu (Psaumes 90.1). Et dans le discours du Deutéronome 32.40, c’est cette même pensée qui forme la transition entre l’annonce du rejet et l’annonce de la délivrance du peuple infidèle. Voyez encore Psaumes 102.28 ; Ésaïe 40.28. Comment le prophète console-t-il son peuple plongé dans la souffrance ? « Ne sais-tu pas et n’as-tu pas entendu que Jéhovah est un Dieu éternel ? »
2° Jéhovah, c’est ce que son nom veut dire, est un Dieu vivant (Genèse 16.4 ; Deutéronome 5.26 ; Josué 3.10). Il jure par sa vie (Nombres 14.21-28 ; Deutéronome 32.40). Dans les livres postérieurs au Pentateuque, ce serment est beaucoup plus fréquent encore, et une formule nouvelle vient s’y ajouter : Par la vie de Jéhovah ! ou : Aussi vrai que Jéhovah vit, qui ne se trouve jamais dans les livres de Moïse. Jéhovah vit ! et jamais Elohim vit, car ce n’est point parce qu’il est le centre de toute vie physique (Psaumes 36.10) qu’il est appelé le Dieu vivant, mais bien parce qu’il est le Dieu qui se révèle, parce qu’il intervient dans les affaires de l’humanité et qu’il donne dans, l’histoire des marques évidentes de sa puissance. C’est Agar qui la première dans la Bible parle du Dieu vivant (Genèse 16.13), car elle vient d’avoir la preuve que Dieu l’a vue. Perdue dans le désert, repoussée de son maître, elle est l’objet de la sollicitude de Dieu. A Sinaï c’est la voix du Dieu vivant qui se fait entendre au milieu des éclairs et du feu (Deutéronome 5.23). Ses actes (Josué 3.10), ses paroles (Jérémie 23.36) sont la preuve qu’il vit. Les justes ont éprouvé maintes fois dans leur cœur qu’il les a soutenus, secourus : le Dieu qui exauce les prières est un Dieu vivant, et il est bien naturel que ce soit après Lui qu’ils soupirent dans leurs détresses (Psaumes 42.3 ; 84.3). Jéhovah est un Dieu vivant, par opposition aux faux dieux qui ne parlent ni n’agissent, n’entendent ni ne voient, n’exaucent ni ne délivrent. (Deutéronome 32.37-39). Ces faux dieux ce ne sont pas des Elohim, mais des Elilim, des néantse (Lévitique 19.4 ; 26.1), des morts (Psaumes 106.28). Il est bien naturel d’après ceci que le nom de Dieu vivant joue un grand rôle dans la polémique des prophètes et des Psaumes contre le paganisme (Jérémie 10.10 ; 1 Samuel 17.36 ; Ésaïe 37.4-14 et sq.). Pas de formule de serment plus terrible que celle-ci : Jéhovah vit ! car rien de plus propre que cette pensée, à épouvanter le coupable et à rassurer l’innocent.
e – Elilim vient de Alal, n’être rien. Mais c’est en même temps un diminutif de El : petits dieux.
3° Jéhovah est le Seigneur, Haadon, האדון. Adonaï, אדוני mon Seigneur. L’idée exprimée par le nom de Seigneur se rapproche beaucoup de celle de Jéhovah ; c’est pour cela que ces deux noms se trouvent souvent ensemble, et que dans les derniers siècles du Judaïsme les voyelles de Adonaï ont été données aux consonnes de Jéhovah. Adonaï est le pluriel de Adon, qui vient du verbe doun, דון juger, gouverner. Ce pluriel s’explique comme celui de Elohim (§ 36). Le i final n’est pas le signe du pluriel, comme on l’a souvent prétendu, — rien de plus problématique que l’existence d’une semblable marque du pluriel — mais c’est le suffixe de la première personne, ponctué avec un kamets (אֲדוֹנָי), pour distinguer Adonaï appliqué à Dieu, de Adonaï ponctué avec un patach (אֲדוֹנַי) et signifiant : Mes Seigneurs (Genèse 19.2).
[Une autre marque à laquelle on peut reconnaître que le nom de Adonaï s’applique à Dieu, c’est que dans ce cas, il y a élision entre ce mot et les préfixes dont il peut être précédé : Vadonaï veut dire : Et le Seigneur ; Ladonaï, au Seigneur ; tandis que Laa-donénou signifie à nos seigneurs.]
Dans le Pentateuque et dans le livre de Josué, le mot d’Adonaï ne se trouve que dans la bouche de personnes qui s’adressent à Dieu, et le suffixe conserve son sens ; Genèse 15.2,8 ; 18.3.27-30 ; 20.4 ; Exode 34.9 ; Nombres 14.17 ; Deutéronome 3.24 ; 9.26, sont autant de passages où il faudrait traduire Adonaï par : Mon seigneur. Adonaï est souvent précédé de la particule Bi, « je te prie » (Exode 4.10,13 ; Josué 7.8). Dans les mêmes six premiers livres de la Bible, lorsque l’on ne s’adresse pas directement à Jéhovah, on ne se sert pas du mot Adonaï, mais de Aadon, le Seigneur (Exode 34.23) ou de l’expression : Le Seigneur des Seigneurs (Deutéronome 10.17) ou : Le Seigneur de toute la terre (Josué 3.13). Plus tard en revanche, le sens du suffixe s’est peu à peu émoussé, en sorte que Adonaï est employé là même où l’on parle de Dieu à la troisième personne. Mais jamais, cela se comprend, Dieu ne s’applique à lui-même ce nom. Ni Job 28.28, ni Ésaïe 8.7, ne font exception à cette règle générale, car dans le premier de ces passages il faut, avec la plupart des manuscrits et les plus anciennes éditions, lire Jéhovah et non pas Adonaï ; et dans le second, ce n’est pas l’Éternel qui parle, mais c’est le prophète qui a repris la parole.
Adonaï signifiant : mon Maître, mon Seigneur, donner ce nom à Dieu, c’est le reconnaître, non seulement pour le souverain Maître de toutes choses, mais aussi et spécialement pour son propre maître ; c’est Lui dire qu’on lui appartient, c’est exprimer ce sentiment qu’avait le peuple élu, et qu’éprouvaient surtout les personnes qui étaient auprès de leurs compatriotes les organes de la révélation, — que Dieu les protégeait et qu’il les conduisait d’une manière toute spéciale. On s’est donc complètement trompé quand on a conclu du fréquent retour du mot de Seigneur dans la Bible, que la religion de l’ancienne alliance est la religion de la crainte et même de la peur ; c’est un sentiment de confiance qui est au fond de ce nom et qui a engagé les serviteurs de Dieu à s’en servir. Plus tard seulement, quand le suffixe aura perdu son importance, le nom d’Adonaï désignera la toute-puissante souveraineté de Dieu (Ésaïe 8.7 ; 40.10 et sq.)f.
f – Le mot Adonaï revient 134 fois dans l’A. T. — On l’a rapproché de l’Adonis phénicien. Ces deux divinités n’ont absolument que le nom de commun.