La version anglaise rend ces deux, mots par « restc » (fr. repos) ; ἀνάπαυσις Matthieu 11.29 ; 12.43 ; et ἄνεσις 2 Corinthiens 2.13 ; 7.5 ; 2 Thessaloniciens 1.7. Personne ne peut objecter à ce sens ; néanmoins, à un examen plus attentif, nous nous apercevons qu’à la base des vocables grecs, il y a différentes images, et que l’on considère le repos qu’ils expriment sous différents points de vue. Ἀνάπαυσις, d’ἀναπαύω, implique une suspension ou une cessation de travail (Apocalypse 4.8) ; c’est le mot constamment employé dans les Septante pour signifier le repos du sabbat ; ainsi Exode 16.23 ; 31.15 ; 35.2, et souvent. Ἄνεσις d’ἀνίημι, implique le relâchement, ou l’action de détendre les cordes qui ont auparavant été trop tendues : sa véritable antithèse est ἐπίτασις (de ἐπιτείνω) ; ainsi Platon (Rep. 1.349.e) : ἐν τῇ ἐπιτάσει καὶ ἀνέσει τῶν χορδῶν ; et Plutarque (De Lib. Ed. 13) : τὰ τόξα καὶ τὰς λύρας ἀνίεμεν ἵνα ἐπιτεῖναι δυνηθῶμεν ; et encore (Lyc. 29) : οὐκ ἄνεσις ἦν ἀλλ ἐπίτασις τῆς πολιτείας ; cf. Philo, De Incorr. Mun. 13. Moïse, l’année du jubilé, donna, selon Josèphe (Ant. 3.12.3), ἄνεσιν τῇ γῇ ἀπό τε ἀρότρου καὶ φυτείας. Mais aucun passage n’éclaire aussi bien ἄνεσις que le suivant tiré du traité indiqué ci-dessus, et qui passe pour être de Plutarque (De Lib. Ed. 13) : δοτέον οὖν τοῖς παισὶν ἀναπνοὴν τῶν συνεχῶν πόνων ἐνθυμουμένους ὅτι πᾶς ὁ βίος ἡμῶν εἰς ἄνεσιν καὶ σπουδὴν διῄρηται. καὶ διὰ τοῦτο οὐ μόνον ἐγρήγορσις ἀλλὰ καὶ ὕπνος εὑρέθη. οὐδὲ πόλεμος ἀλλὰ καὶ εἰρήνη. οὐδὲ χειμών ἀλλὰ καὶ εὐδία. οὐδὲ ἐνεργοὶ πράξεις ἀλλὰ καὶ ἐορταὶ… καθόλου δὲ σώζεται σῶμα μέν ἐνδεία καὶ πληρώσει. ψυχὴ δὲ ἀνὲσει καὶ πόνῳ. Platon établit la même opposition entre ἄνεσις ; et σπουδή (Leg. 4.724.a) ; tandis qu’ailleurs Plutarque (Symp. 5.6) établit un contraste entre ἄνεσις et στενοχωρία, le premier signifiant une vaste demeure au lieu d’une chambre étroite et longue. Employé dans un sens figuré, ἄνεσις exprime ce qu’en nous servant exactement de la même image, nous appelons le relâchement des mœurs (Philo, De Cherub. 27 ; De Ebriet. 6 : ἄνεσις, ῥᾳθυμία τρυφή, De Merc. Meret. 2).
c – Nos traductions françaises rendent le mot par « repos », « relâche », « soulagement d’esprit ». Trad.
On s’apercevra d’emblée de l’excellent choix qu’a fait St. Luc de ἔχειν ἄνεσιν, dans Actes 24.23 pour désigner ce que l’Évangéliste veut y rapporter. Félix, qui juge maintenant l’affaire de Paul d’une manière plus favorable, donne ordre au centenier qui avait la garde de l’apôtre, d’adoucir la sévérité de son emprisonnement et de le tenir plutôt en une honorable incarcération qu’en une prison véritable : or ce relâchement partiel des liens du captif, c’est exactement ce qu’implique ἔχειν ἄνεσιν, cf. Siracide 26.10.
Elle est donc évidente la distinction entre ἄνεσις et ἀνάπαυσις. Quand notre Seigneur promet l’ανάπαυσις à ceux qui, fatigués et chargés, viennent à Lui (Matthieu 11.28-29), sa promesse signifie qu’ils obtiendront la cessation de leurs labeurs et qu’ils ne consumeront plus leurs forces pour ce qui ne rassasie point. Quand Paul exprime sa confiance que les Thessaloniciens, alors persécutés, trouveront pourtant l’ἄνεσις, en la journée de Christ (2 Thessaloniciens 1.7), il prévoit pour eux, non pas tant le repos après le travail, mais le relâchement des cordes de la patience, alors si fortement tendues. Il est vrai que cette promesse et ce relâchement en eux-mêmes ne sont pas deux choses distinctes, mais une seule et même chose ; malgré tout cela, ils présentent la félicité que Christ procurera aux siens sous différents aspects et au moyen de différentes images, et chaque mot a un sens spécial à la place qu’il occupe.