Aberdeen, 10 mai 1637
Respectable Monsieur,
J’ai appris par vous, avec une vraie joie, que notre Seigneur a commencé l’œuvre extérieure de la délivrance de cette pauvre Église opprimée. Oh ! puisse enfin le soleil luire sur Sion ! Quant à moi, j’attends ce qu’il plaira au Seigneur de faire, espérant que mon doux Maître me donnera de reparaître au milieu de vous. Ce m’est un avant-goût du ciel, que d’user ma vie à réunir des âmes au troupeau de Christ. Rester les bras croisés au milieu d’une moisson abondante qui réclame partout des ouvriers, est une chose accablante ; mon silence m’oppresse. Mais je sais que la volonté de l’Éternel est au-dessus de la nôtre, et que ses jugements passent tout entendement. Il ne m’appartient ni de connaître ni de suivre les voies étonnantes du Seigneur, elles sont insondables en tout ce qui concerne la Providence. Mon Sauveur est devant moi, et je suis tellement enchaîné que je ne puis le suivre : Il est derrière moi, et je ne puis me retourner ni le voir ; Il est au-dessus de moi, mais sa gloire m’éblouit de telle sorte que je ne puis Le considérer en face ; Il est à ma droite, à ma gauche, au dedans de moi ; en route avec moi, Il me suit partout, et sa présence n’est qu’un songe, car je le cherche encore. Je ne puis Le saisir, parce qu’Il est toujours ou plus haut ou plus bas, plus au large ou plus à l’étroit que je n’avais pensé. Ah ! qui suis-je, moi, pour obtenir davantage ? les anges eux-mêmes attendent la manifestation d’une volonté qu’ils ne comprennent pas. Les archanges, qui voient le Seigneur face à face, n’aperçoivent que le bord de son infinité. Ils sont avec Dieu, et ils ne savent rien de Lui.
Quant à moi, c’est un bonheur d’allumer mon sombre flambeau à sa brillante lumière, et de jouir comme un voyageur de sa clarté sur la route, sans qu’elle soit cependant ma propriété.
Je ne cherche et ne désire plus que quelques gouttes d’eau qui humectent mes lèvres, et un sourire parfois de cette céleste physionomie qui s’est révélée à moi. Apercevoir Dieu, est le festin après lequel mon âme soupire. Que n’ai-je les miettes qui tombent de la table du Seigneur ! Un seul éclat brisé du rayon qui l’illumine serait pour moi comme la rosée de mai, comme un soleil d’été qui apparaît joyeux sur les collines, apportant le reflet d’une gloire éternelle. Oh ! si je possédais Christ de quelque manière, si j’éprouvais seulement la pression d’un de ses doigts ! Oh ! si mon Sauveur daignait avoir pitié de ma misère, et m’accordait la moindre parcelle du salut qu’il porte sur ses ailes ! Qu’est-ce pour cette mer infinie et cette source d’un amour inépuisable, que de remplir ces mille milliers de petits vases imperceptibles qui, depuis la création, y puisent sans relâche. Jésus, bien-aimé de mon âme, où es-tu ? Toi qui n’es jamais assez admiré, comment la boue humaine peut-elle s’attacher à toi ? Quelle douleur que l’abîme soit si profond entre le péché et le Seigneur des seigneurs, entre l’âme qui donnerait tout au monde pour être à Christ et vivre avec Lui ! Puisse, du moins, cet amour si faible, si terne, qui est en nous, rencontrer le flot de celui qui est du ciel, qui est infini, et être absorbé en Christ ! Oh ! si nous tous, faibles et petits que nous sommes, pouvions être réunis au Seigneur Jésus-Christ ! Ce qui fait défaut en nous serait vite comblé par ce qui surabonde en Jésus.
Que la grâce soit avec vous.