Mon Dieu, combien j’ai peu de confiance en toi ! Dans chaque jour de mon passé, tu m’as donné même le superflu, et cependant, par moment, je crains de manquer du nécessaire dans l’avenir ! Tu m’as tiré cent fois d’un danger imminent, et je tremble encore pour des dangers imaginaires. Tu as réjoui mon cœur par la foi, et je doute des joies célestes. Tu m’as donné le témoignage de ton Esprit, et je te demande encore des preuves. Comblé de tes bienfaits, je me plains, je gémis sous leur poids, comme sous le poids des privations et de l’adversité ! Ah ! peut-être des privations pénibles, une adversité profonde me vaudraient-elles mieux, et je tremble à la pensée que peut-être je les ai rendues nécessaires et que tu vas me les envoyer. Alors, du moins, je prierais, je serais humilié, et dès lors, par la prière et l’humiliation, j’arriverais à plus de confiance en toi. Alors me seraient rendus sensibles les biens que tu m’aurais retirés ; alors je reconnaîtrais mon ingratitude et ta bonté ; je soupirerais après le passé, et je saurais me contenter de tes dons !
Mais non, Seigneur, ne permets pas que je rende l’épreuve nécessaire ; donne-moi de sentir mieux tes bienfaits du moment, de les sentir même jusque dans tes refus. Ah ! si tu m’exauçais dans tous mes désirs souvent insensés, que de maux j’appellerais sur moi, sans m’en douter ! Si tu mettais ma destinée terrestre à ma disposition, ce serait le glaive entre les mains d’un enfant ! N’es-tu pas plus sage que moi ? Ne sais-tu pas mieux que moi ce qui m’est bon et ce qui me serait funeste ? Et si tu le sais, comment puis-je croire que, dans ta miséricorde, tu m’enverras ce qui m’est mauvais et me refuseras ce qui m’est profitable ? Oui, c’est folie de ma part. Pardonne-moi ; donne-moi plus de confiance en celui qui nourrit les oiseaux de l’air, revêt l’herbe des champs et conduit l’univers.