Etymologiquement, il est assez probable que le mot hébreu Kadosch, קדוש saint, signifie premièrement « pur, brillant, qui se fait remarquer par son éclata » ; en sorte que dans Ésaïe 10.17, le Saint et la Lumière d’Israël sont deux expressions parallèles. La sainteté serait donc la suprême pureté de Dieu, comme s’exprime Quenstedt. Il y a cela certainement dans la sainteté de Dieu ; mais il y a plus aussi. Faisons l’histoire de cette grande idée.
a – Kadosch serait parent de Rhadosch (comme Katsav de Rhatsav, Katsaph de Rhatsaph, Katsar de Rhatsar) et aurait pour racine Dasch, briller.
Elle n’apparaît que lors de la délivrance d’Israël et de l’établissement de la théocratie : « Qui est comme Toi illustre en sainteté ? » s’écrie Moïse dans le cantique que lui inspirent les hauts faits qui ont signalé la sortie d’Egypte. A cela répond le nom de peuple saint que reçoit Israël dès le moment où Dieu a fait alliance avec lui (Exode 19.6). Tout ce qui se passe lors de l’établissement de la théocratie porte à un tel point le sceau de la sainteté, que Exode 19.10,14 parle de sanctification à propos du même acte que Genèse 35.2 avait désigné comme une simple purificationb. Toutes les ordonnances mosaïques reposent sur le grand principe de la sainteté de Dieu. « Soyez saints, car je suis saint ! » (Lévitique 11.44 ; 19.2 ; 20.8 ; 21.8).
b – Cette remarque est d’Achélis.
Le peuple avec lequel Dieu a fait alliance est un peuple saint. Cela veut dire d’abord qu’il est séparé du reste du monde, puis ensuite qu’il appartient en propre à Dieu, que Dieu se l’est acquis. Ce n’est jamais par nature qu’aucune créature ni aucun objet n’est saint. Rien n’est saint en soi. On peut être par nature pur ou impur. Mais la sainteté ou le défaut de sainteté, c’est encore tout autre chose. La sainteté d’une créature quelconque remonte toujours à un acte de la volonté divine, à un décret d’élection ; elle est toujours le fait d’une avance faite par Dieu à la créature pour se l’attacher, tandis qu’en hébreu le mot profane signifie : délié, abandonné.
[חל.ֻל, -הל, Rhol, Rhillel. — Nous parlerons plus tard (§ 82. 2) de la sainteté du peuple de Dieu. — Quelques mots seulement sur la sainteté qui est attribuée à certains lieux et à certains temps. Nulle localité n’est sainte avant que Dieu s’y soit révélé. Le sol qui entoure le buisson ardent est appelé saint, c’est le premier endroit qui ait cet honneur dans la Bible. La Genèse aurait employé le mot de redoutable (Genèse 28.17). Puis le tabernacle est saint, mais uniquement parce que l’Éternel le remplit de sa gloire et que c’est de là qu’il communique avec son peuple (Exode 29.43). D’après Deutéronome 23.14, le camp est saint, parce que Jéhovah marche au milieu de son peuple. Il en est de même des temps et des jours mis à part pour le culte ; ainsi que des cérémonies par lesquelles le peuple consomme sa consécration à son Dieu, et des objets qu’il Lui voue. C’est donc bien à Dieu que remonte toute sainteté. — Quant à la notion même de sainteté, Hofmann nous paraît dans l’erreur quand il dit que tout ce qui ne rentre pas dans le cours ordinaire de la vie, est saint. Il cite à l’appui de son opinion l’expression de « sanctifier la guerre, » qu’il explique en disant que la guerre est une chose à part. Mais cette expression s’explique bien mieux par le fait que, dans les passages où elle se rencontre, il est question d’une guerre pour Dieu ou pour l’exécution de ses jugements (Joël 3.9 ; Michée 3.5).]
Appliquée à Dieu la sainteté est d’abord quelque chose de négatif : Dieu est séparé de tout, élevé au-dessus de tout. En tant que saint, Jéhovah est opposé à toutes les autres prétendues divinités : Exode 15.11. « Qui est comme Toi parmi les dieux, ô Jéhovah, magnifique en sainteté ! » — et à toutes les créatures (Ésaïe 40.25) ; en deux mots, à tout ce qui n’est pas Lui. En d’autres termes, par sa sainteté Dieu est l’Etre élevé par excellence (Psaumes 99.2-5). Voyez dans Ésaïe 5.16, l’alliance des deux idées de sainteté et d’élévationc. C’est ainsi que la sainteté de Dieu ramène à l’unité de Dieu (1 Samuel 2.2). « Nul n’est saint comme Jéhovah, car il n’y en a point d’autre que Toi ! » Si l’on voulait exprimer, non pas sous une forme négative, mais d’une manière positive cette élévation souveraine, cette grandeur unique de Jéhovah, il faudrait dire qu’il demeure toujours fidèle à soi-même, qu’il se conserve toujours lui-même, qu’il se maintient constamment à l’abri de toute influence étrangère, sans se désister jamais d’aucune partie de sa divinité, ni rien accueillir en soi d’étranger à son essenced.
c – « L’Éternel des armées sera élevé par le jugement, et le Dieu fort et saint sera sanctifié par la justice. »
d – Sur ce côté de la sainteté qui consiste à se garder, à se conserver soi-même, voyez : Schmieder. Considérations sur la prière sacerdotale : 1848, ouvrage trop peu apprécié.
Menken s’élève fortement contre cette manière de comprendre la sainteté de Dieu. Il prétend qu’elle ne consiste pas tant dans la gloire incomparable de l’Éternel, que bien plutôt dans sa grâce compatissante et dans son amour qui le porte, non pas à se renfermer en soi-même, mais au contraire à s’ouvrir et à se communiquer à ses créatures. Il s’appuie pour cela sur le fait que le Psaume 103, où David loue la bonté de Dieu, se donne au premier verset pour un hymne en l’honneur de la sainteté divine. Voyez aussi Psaumes 105.3 ; 22.4 ; 33.21 ; Osée 11.8. — Mais il n’est pas difficile de montrer que toutes les fois que Dieu manifeste sa sainteté, le premier sentiment de l’homme est un sentiment de crainte (Exode 3.5 ; 1 Samuel 6.20 ; Ésaïe 6.5 ; 5.15). Les Septante ont eu raison d’avoir recours ici au mot ἅγιος, qui vient de ἅζομαι, vénérer, avoir un sentiment de crainte. — Néanmoins il y a quelque chose de vrai dans l’opinion de Menken. La sainteté ne consiste pas uniquement pour Dieu à se conserver tel qu’il est. Dieu manifeste aussi sa sainteté en opérant un triage dans le monde pour réaliser ses vues, en se choisissant un peuple parmi tant d’autres, en en faisant sa propriété, en donnant aux ordonnances et aux destinées de ce peuple un caractère tout particulier qui doit en faire une nation distincte de toutes les autres. Lévitique 20.26 : « Vous me serez donc saints, car je suis saint, moi, Jéhovah, et je vous ai séparés d’avec les autres peuples, afin que vous soyez à moi. » C’est dans ce sens que le Saint d’Israël est celui qui l’a formé (Ésaïe 45.11), son Rédempteur (Ésaïe 49.7), son Libérateur même, car c’est au nom de sa sainteté que Dieu veut, en rétablissant son peuple dans son territoire, abolir la contradiction qu’il y a entre l’état de réjection des Israélites et le décret d’adoption en vertu duquel Dieu s’est engagé à les protéger (Ezéchiel 36.16-23 ; 37.26-28). C’est dans ce sens encore que le Dieu de sainteté est le Dieu des merveilles (Exode 15.11 ; Psaumes 77.14 ; 98.1).
Ainsi donc il y a ces deux choses dans la sainteté de Dieu : l’opposition au monde et l’enlèvement de cette opposition par le choix qu’il fait au sein des hommes d’un peuple qu’il fait entrer en rapport avec Lui. C’est là la double pensée qu’exprime si bien le prophète : « Ainsi a dit Celui qui est haut et élevé, qui habite dans l’éternité et duquel le nom est saint : j’habite dans le lieu haut et saint, et avec Celui qui a le cœur brisé et qui est humble d’esprit » (Ésaïe 57.15). Voici la meilleure explication des passages cités par Menken. Toutes les manifestations de la grâce et de la bonté du Dieu de l’alliance découlent de sa sainteté ; le monde, en dehors de la théocratie, ne connaît point la sainteté de Dieu ; mais dès qu’il entre en relation avec le règne de Dieu, il l’éprouve d’une manière claire et certaine.