Nous retrouvons ici le cadre ordinaire des épîtres de Paul :
- un préambule de nature épistolaire ; 1.1-16
- le corps de l’écrit, renfermant l’exposé complet du sujet traité ; 1.17 à 15.13
- une conclusion de nature épistolaire, renouant avec le préambule ; 15.14 à 16.27.
L’adresse et l’action de grâces ont, dans cette lettre, un cachet particulier, en rapport avec la nature de la relation qui existait entre Paul et les lecteurs.
1.1-7. L’adresse. — Le premier terme, celui qui désigne la personne de l’auteur, est très longuement développé (v. 1-6). Ecrivant à une église qu’il n’a point fondée et qu’il n’a pas même visitée, l’apôtre se sent obligé de justifier sa démarche, et il le fait en rappelant aux lecteurs la vocation divine d’apôtre des Gentils qui lui a été conférée et qui l’autorise à s’adresser à eux comme il le fait dans cet écrit. Car ce Jésus ressuscité, qui l’a appelé, n’est pas seulement roi d’Israël, en tant que fils de David ; il est établi Seigneur universel, comme Fils de Dieu, et en vertu de ce fait Paul a reçu de lui mission auprès de tous les Gentils. — On comprend que Paul n’associe ici aucun autre nom au sien, lors même que Timothée est auprès de lui (16.21). Il s’agit d’une œuvre reposant sur un titre qui lui est complètement personnel. — Le v. 6 est évidemment destiné à faire rentrer l’église de Rome dans le cercle des chrétiens de la gentilité confié spécialement à l’apôtre Paul. — Le second terme de l’adresse, celui par lequel sont désignés les lecteurs (v. 7a), est formulé de manière à renfermer non seulement les chrétiens-païens qui forment le gros de l’église, mais tous ceux qui à Rome, Juifs ou païens, sont adoptés de Dieu et appelés au salut.
1.8-16. L’action de grâces. — La joie qu’éprouve l’apôtre de l’existence d’une église à Rome s’exprime par les actions de grâces continuelles qu’il rend à Dieu pour ce grand fait de plus en plus connu dans tout le monde, ainsi que par le désir ardent qu’il éprouve depuis longtemps de jouir lui-même de la vue de cette œuvre divine et de concourir à son extension. Car s’il n’est pas venu plus tôt à Rome, comme prédicateur de l’Evangile, ce n’est pas qu’il rougisse de son message et qu’il craigne de le publier dans la grande ville. Il se sent au contraire débiteur de l’Évangile envers tous, cultivés et ignorants, car il en connaît la vertu divine ; il sait que c’est là le moyen choisi de Dieu pour sauver tous les croyants, Juifs et païens. Cette tournure donnée à la fin de son action de grâces amène tout naturellement l’indication du sujet qu’il se propose de traiter.
Le sujet de l’épître est formulé au v. 17 : C’est le salut par la foi à la justice de Dieu, révélée dans l’Évangile, conformément à la prophétie d’Habacuc. Le développement de ce thème forme le corps de l’écrit. Il comprend deux parties : la première, 1.18 à 11.36, peut être intitulée : le salut par la foi ; la seconde (12.1 à 15.13) : la vie dans le salut.
Le salut par la foi (1.18 à 11.36)
Ce grand sujet peut être considéré sous deux aspects : au point de vue des individus à sauver (1.18 à 8.39), et au point de vue du développement général de cette œuvre de salut dans l’humanité (ch. 9 à 11).
Le salut comme fait individuel (1.18 à 8.39)
Considéré au point de vue de l’individu, le salut par la foi comprend trois faits :
- La délivrance de la colère et le don gratuit de la justice ; c’est le sujet développé dans les ch. 1 à 5.
- L’enlèvement du péché et la communication de la sainteté, 6.1 à 8.17.
- La cessation des misères de la vie et le don de la gloire, 8.18-30. C’est là ce qui constitue le salut complet accordé à tout croyant. Ces trois actes divins, la justification, la sanctification et la glorification, marquent les trois degrés de sa réalisation.
- En terminant, Paul célèbre la plénitude de ce salut (v. 31-39).
I.) Ch. 1 à 5. La justification par Christ, sans la loi.
S’il y a salut, c’est qu’il y a péril. D’où vient ce péril ? De la colère divine qui pèse sur l’humanité et qui doit être détournée (1.18 à 3.20). Comment ce danger est-il écarté par l’Évangile ? Par la sentence de justification rendue en vertu de l’œuvre de propitiation accomplie par Christ ; œuvre reçue par la foi, offerte sans exception à tous les hommes et valable même dans le jugement (3.21 à 5.11).
A. 1.18 à 3.20 : La colère de Dieu sur l’humanité.
On en contemple, comme à l’œil, le déploiement dans le monde païen (1.18-31), et on doit s’attendre avec certitude à un jugement non moins sévère sur le peuple juif (2.1 à 3.8) ; de sorte que le monde entier doit être envisagé comme étant sous la condamnation (3.9-20).
1. Le monde païen est sous le poids d’un jugement ; 1.18-32.
a) La raison pour laquelle il est l’objet de la colère divine est exposée v. 18-23 : C’est que les païens ont foulé aux pieds la révélation de Dieu qui leur était accordée dans la nature et, au lieu de s’élever à l’idée et à l’adoration du Créateur, l’ont dégradé en le représentant et en l’adorant sous l’image des créatures, même les plus ignobles.
b) La preuve du fait de la colère divine est donnée v. 24-32. C’est d’abord le jugement par lequel Dieu a livré les païens, en rétribution de la dégradation qu’ils lui ont infligée, à la dégradation de leur propre personne par les vices les plus honteux (v. 24-27) ; puis la perversion de leur sens moral, qui non seulement éclate par le déluge des désordres moraux dans lesquels le monde païen est plongé, mais qui est arrivée au point que les plus grandes abominations trouvent des flatteurs pour les applaudir (v. 28-32).
2. Le peuple juif court à son jugement ; 2.1 à 3.8.
a) En face de cette gentilité coupable et condamnée, il y a là un personnage qui, parce qu’il juge sévèrement les crimes des païens, s’imagine pouvoir échapper au jugement divin. Mais, si Dieu patiente encore à son égard, c’est pour lui laisser le temps de se repentir. Sinon, lui aussi sera jugé par le Dieu qui fera moissonner un jour à chacun le fruit de ses œuvres, au Juif aussi bien qu’au Grec (v. 1 à 10). Car Dieu est impartial ; ce n’est pas d’entendre et de connaître la loi qui rend juste à ses yeux, c’est de la faire. Autrement les païens seraient justifiés au jour du jugement aussi bien que les Juifs, puisque eux aussi entendent et accomplissent souvent la loi, telle qu’elle est écrite dans leur cœur, et savent discuter aussi habilement que les Juifs sur son application aux divers cas de la vie (v. 14-16).
b) Que résulte-t-il de là ? Que toi, Juif, qui prétends enseigner les païens et juger leur conduite, tu ne rendras pas moins compte qu’eux des fautes semblables que tu commets (v. 17-24). Et si tu comptes sur ta circoncision pour échapper à ce juste jugement, tu es dans l’erreur. Tandis que le païen qui accomplit la loi (par quel moyen ? Paul ne le dit pas ; il le montrera au ch. 8), change par là son état d’incirconcis en circoncision, le Juif qui transgresse la loi, change par là sa circoncision en état d’incirconcision (v. 25-29).
c) Ici s’élève une objection : Le Juif n’a-t-il donc aucun avantage sur le païen ? Non, pas au point de vue de l’exemption du jugement. Son privilège essentiel est d’avoir reçu les révélations divines ; car, si même, par son incrédulité envers le Messie, il a annulé cet avantage, il n’en est pas moins certain que la fidélité de Dieu aura le dernier mot et triomphera un jour de cette incrédulité de son peuple, après qu’il en aura tiré sa gloire (voir comment cela arrivera au ch. 11). Le Juif alléguera-t-il pour se disculper de son péché que si Dieu en tire sa gloire, il n’a plus le droit de s’irriter contre lui pour ce fait-là ? Ce raisonnement n’aboutirait à rien moins qu’à nier tout jugement. Car, puisqu’il n’y a pas un seul péché que Dieu ne fasse tourner finalement en bien, tout pécheur pourrait alléguer la même excuse et le jugement tomberait par là même. Il ne resterait plus à l’homme qu’à pécher le plus possible pour que Dieu se glorifie le plus possible, selon l’idée que prêtent à Paul ses détracteurs, qui subiront le châtiment de cette calomnie (3,1-8).
3. Le monde entier est donc sous la condamnation ; 3.9-20.
a) Au point de vue du jugement, les Juifs n’ont aucun avantage sur les païens ; tous sont sous la condamnation du péché.
b) Paul confirme ce résultat par une série de déclarations scripturaires qui, quoique se rapportant en partie aux païens, sont aussi valables pour les Juifs à qui elles ont été adressées, de sorte que tout homme a la bouche fermée devant Dieu et que nul ne saurait être déclaré juste au moyen de son accomplissement de la loi. La loi, en effet, a été donnée non pour ôter le péché, mais pour amener l’homme à le connaître et à en chercher le remède. Cette remarque, jetée ici par anticipation, sera développée, 7.7 et suiv.
B. 3.21 à 5.21 : La justice de Dieu offerte en Christ à tous les pécheurs.
Le thème de toute cette section est formulé dans les v. 21 et 22. Trois traits essentiels caractérisent cette justice nouvellement révélée :
- Elle ne dépend d’aucune œuvre de l’homme, mais uniquement de la foi en l’œuvre de Jésus,
- tout en étant cependant parfaitement conforme à la loi et à la prophétie ;
- elle est par cette raison acquise en droit à tous et appliquée de fait à tous les croyants. Ces trois traits sont développés dans ce qui suit, le premier, v. 23-26 ; le second, 3.27 à 4.25 ; le troisième, 5.12-21a.
- Entre ces deux derniers traits, Paul intercale 5.1-11 le développement de l’idée que cette justice donnée de Dieu n’est pas amissible comme celle de la loi ; elle n’a à redouter aucune épreuve, pas même celle du jugement final.
a – J’ai précédemment fait du parallèle entre Adam et Christ le couronnement du contraste entre les deux premières sections : la condamnation universelle (1.18 à 3.20) et la justification universelle (3.21 à 5.11). Je crois maintenant plus conforme à l’idée de Paul de faire rentrer ce parallèle dans la seconde section (B) et d’y voir le développement des mots : pour tous et sur tous ceux qui croient en Jésus, 3.21.
1. (3.23-26) Dieu a rattaché le don de la justice à la foi en l’acte propitiatoire éternellement décrété par sa grâce et accompli en Jésus-Christ en vue de la manifestation de sa justice qu’avait voilée sa longue tolérance envers le péché.
2. (3.27 à 4.25). Ce mode de pardon, qui met le salut à la portée de tous, est conforme :
a) Au monothéisme qui fait le fond de la loi et qui ne permet pas que les Juifs soient sauvés autrement que les païens (v. 27-31).
b) A l’exemple fourni par la justification d’Abraham, le prototype du salut (4.1-25).
En effet, tout ce qu’a obtenu Abraham, il l’a obtenu par la foi et non par les œuvres : 1° la justification que, d’après Genèse 15.6, il a due, aussi bien que David, uniquement à la grâce et qui lui a été accordée bien avant qu’il eût reçu la circoncision ; ce qui montre qu’il est le père des incirconcis croyants aussi bien que des circoncis croyants (v. 1-12) ; 2° la promesse de l’héritage du salut messianique, préfiguré par la possession de Canaan ; ce don, Dieu l’a fait dépendre uniquement de la justice de la foi, parce qu’il savait bien que toute condition d’œuvre le ferait échouer (v. 13-16) ; 3° la naissance de son fils et héritier ; elle a été due uniquement à la foi, par laquelle Abraham, en dépit de toutes les circonstances extérieures, a saisi la promesse divine (v. 17-22). De même donc la foi en Jésus immolé et, ressuscité nous obtiendra le don de la justice avec tous ses effets salutaires (v. 23-25).
3. (5.1-11). Cette justice obtenue par la foi nous procure une paix avec Dieu absolument durable et dans le sentiment de laquelle nous nous félicitons déjà par avance de la possession assurée de la gloire. Les épreuves mêmes par lesquelles nous passons ici-bas ne peuvent abattre cette espérance, et ne servent qu’à la faire mieux éclater. En effet, l’expérience que nous faisons, par le Saint-Esprit, de l’amour dont Dieu nous a aimés dans notre état de péché ne saurait aboutir à une déception, puisque Dieu, qui nous a aimés comme pécheurs et ennemis, ne nous aimera pas moins à l’avenir, une fois réconciliés avec lui. Paul fait ici allusion à une œuvre nouvelle par laquelle Dieu achèvera en nous, en tant que réconciliés, celle qu’il a commencée, en nous réconciliant par la mort du Christ. Cette œuvre nouvelle, c’est la communication de la vie de Christ, qui rend stable jusqu’à la fin la réconciliation fondée sur sa mort. L’apôtre ne fait qu’indiquer ici cette pensée qu’il développera ch. 6 à 8.
4. (5.12-21.) Le parallèle entre Adam et Christ.
C’est ici, si je ne me trompe, le développement du dernier trait formulé dans le thème 3.21-22 : une justice εἰς πάντας, destinée à tous, καὶ ἐπὶ πάντας τοὺς πιστεύοντας, et accordée à tous les croyantsb.
L’œuvre d’un seul homme a-t-elle réellement pu procurer la justice à l’humanité tout entière ? Paul tire la réponse à cette question du fait, de la chute, avec lequel seul peut être mis en parallèle celui du salut. Quatre pensées principales dans ce morceau :
b – Voir la note précédente.
a) 5.12-14 : La mort de tous est provenue d’un seul. Ce qui prouve bien en effet que ce seul a transmis la mort à tous, c’est que les faits démontrent qu’il leur a transmis à tous le péché, ἐφ’ ᾧ πάντες ἥμαρτον (comme cela ressort de ce que tous ont fait acte de péché). Or le péché n’est puni de mort que lorsqu’il est la violation d’une loi positive. Mais une telle loi n’existait pas entre Adam et Moïse, et cependant l’on mourait. Les hommes meurent donc, non par l’effet de leur propre péché, mais par l’effet de la sentence prononcée sur le premier péché. Et c’est précisément en quoi il y a parité entre Adam et le Christ.
b) 5.15-17 : En dedans de cette parité, il y a cependant une double différence à remarquer. D’abord, quant aux causes agissantes des deux côtés : du côté d’Adam, une simple faute ; du côté de Christ, un double facteur, la grâce, l’amour plein de compassion de Dieu, et le don fait par Dieu aux hommes d’un autre amour, d’un être, homme comme eux et plein lui-même d’amour pour eux. On comprend que l’action de cette double puissance a dû non seulement s’étendre aussi loin que l’action de la faute d’Adam, mais infiniment prévaloir (περισσεύειν) sur elle. Il n’aurait pas suffi en effet qu’il y eût du côté du salut autant de force que du côté de la chute ; cette égalité eût amené une lutte, mais non fondé la victoire (v. 15).
Et cela d’autant plus que l’effet à obtenir par l’œuvre du Christ est infiniment plus considérable que celui qu’avait produit le péché d’Adam. Ici, un seul péché frappé d’une condamnation ; là, une justification à obtenir, non seulement pour ce seul péché, mais encore pour chacun de ces innombrables péchés ajoutés au premier par les descendants d’Adam dans le cours des âges (v. 16). Or telle a été la justification obtenue par Christ. En effet, si la condamnation qui a frappé la faute unique est certaine (comme le prouve le règne de la mort qui en est résulté), d’autre part, chez ceux qui saisissent ces deux causes de salut infiniment supérieures en force : la surabondance de la grâce et le don gratuit de la justice, doit résulter de là plus certainement encore leur justification personnelle, comme le montre le règne de vie qu’ils exerceront tous, par l’œuvre de ce seul Jésus-Christ (v. 17).
En tenant compte de ces deux différences de causes agissantes et d’effets produits, l’apôtre peut maintenant achever le parallèle commencé au v. 12 et interrompu dès le v. 15.
c) 5.18-19. Reprise et conclusion du parallèle. L’universalité de la justification, qui enlève l’universalité de la condamnation, est donc réelle (v. 18). Comme celle-ci repose sur un acte (un fait moral), la désobéissance d’un seul, qui a constitué tous les hommes pécheurs, celle-là repose également sur un acte, l’obéissance d’un seul, qui constitue justes tous ceux qui se l’approprient (v. 19).
d) 5.20-21. Le rôle de la loi.
Entre ces deux économies universelles et opposées de mort et de salut, que devient la loi, cette institution qui a joué un si grand rôle dans l’histoire de l’humanité, qui était même le moyen de salut, au point de vue juif ? Entre ces deux époques qui se partagent l’histoire, elle semble disparaître. Et, en effet, la loi n’a eu qu’un rôle subordonné, transitoire ; sa mission a été d’amener le péché à son plus haut degré de manifestation, afin que la grâce pût se déployer aussi dans toute sa richesse. Elle a ainsi, pendant la période du règne du péché et de la mort, frayé la voie au règne de la vie par la justice.
Aucune épître de saint Paul, aucun écrit humain peut-être, ne renferme un chef-d’œuvre de dialectique pareil à celui que présente ce morceau.
II.) 6.1 à 8.17. La sanctification en Christ, sans la loi.
Ce morceau est le complément du précédent. Il montre comment la mort de Christ, tout en nous affranchissant de la condamnation et nous donnant la justice, nous délivre en même temps du péché et nous conduit à la sainteté. Et, en effet, s’il en était autrement, l’état de péché, persistant comme auparavant, ferait renaître la condamnation et ne laisserait rien subsister de la justification momentanément reçue (voir 6.16,23 et 8.13). L’apôtre introduit ce nouveau sujet par une objection qu’il se fait à lui-même.
Le pardon gratuit accordé à la foi, tel que Paul vient de l’exposer, ne peut-il pas conduire le croyant à persévérer en toute sécurité dans le péché et même à s’y complaire, afin de faire abonder d’autant plus la grâce ? comparez l’accusation à laquelle Paul a fait allusion 3.8. La réponse à cette supposition est renfermée dans ces trois chapitres :
Il y a pour le croyant, dans la mort de Christ, une puissance de mort au péché et dans sa résurrection une puissance de consécration à la sainteté, et cela sans qu’il soit besoin de l’assistance de la loi (6.1 à 7.6). — La loi, bien loin de donner la mort au péché, maintient l’homme sous le joug du péché (7.7-25). — La victoire effective sur le péché est l’œuvre du Saint-Esprit accordé au croyant justifié (8.1-17).
1.) 6.1 à 7.6. La mort au péché.
a) La foi à la mort de Christ pour nos péchés, professée comme elle l’est dans le baptême, implique une rupture radicale de la volonté avec le péché, mort suivie d’une union vivante avec le Christ ressuscité et d’une vie en Dieu semblable à la sienne, de sorte que d’instrument de péché, le corps du croyant se trouve transformé en un instrument de justice (6.1-14).
b) Cette conséquence de la grâce s’impose avec la puissance d’une nécessité morale comparable à celle avec laquelle la vieille nature imposait à l’homme l’esclavage du péché. Vouloir s’y soustraire serait se replonger dans la mort, salaire du péché, tandis que le don de Dieu, c’est la vie (v. 15-23).
c) Nous avons donc le droit de rompre sans crainte avec le régime légal et de chercher dans l’union avec Christ la source d’une nouvelle vie, aussi vrai que d’après la loi elle-même, une femme séparée de son premier mari par la mort peut en épouser un second ; et même nous le devons : car notre union avec la loi ne produisait que des fruits impurs, tandis que notre union avec Christ par le Saint-Esprit a pour fruit une vie de sainteté (7.1-6).
2.) 7.7-25. L’état d’esclavage sous la loic. Quoique non mauvaise en soi, la loi, rencontrant les mauvaises dispositions du cœur naturel, les excite par son opposition. Avant ce contact — c’est l’expérience de Paul — l’enfant juif vit heureux dans la communion de son Dieu. Mais quand la loi survient avec ses exigences et ses douloureuses révélations, le péché s’éveille, la révolte s’allume et la mort, la séparation d’avec Dieu, se consomme (v. 7-13). Et dès lors qu’est la vie ? une lutte continuelle et impuissante entre le désir d’accomplir la loi à laquelle l’entendement donne raison, et le péché intérieur, qui entraîne l’homme à faire le contraire de ce qu’il sait être bien ; un esclavage honteux et douloureux aboutissant à ce cri désespéré : Qui me délivrera ?
c – L’apôtre ne tombe pas ici dans une répétition avec le ch. 3. Là, il s’agissait de l’impuissance de la loi pour justifier ; ici, il s’agit de l’impuissance de la loi pour sanctifier.
Et même maintenant encore, ajoute l’apôtre, dès que je suis réduit à moi-même et que je m’isole de Christ, je me retrouve dans ce même état : par l’intelligence, applaudissant au contenu de la loi ; par la chair (l’instinct égoïste), obéissant au péché (v. 14-25).
3.) 8.1-17. La victoire par la puissance de l’Esprit.
L’apôtre, après ce retour sur sa vie passée sous la loi, reprend l’exposé de l’acte d’affranchissement décrit dans le premier morceau, 6.1 à 7.6. Il venait de développer l’expression vieillesse de lettre ; il développe maintenant le terme nouveauté d’esprit (7.6). Au ch. 6, il avait présenté l’affranchissement du croyant, par rapport au péché, au point de vue du changement qui s’opère dans l’état intérieur du fidèle : il meurt, il ressuscite, connaissant… croyant… sachant… (v. 4, 6, 8, 9) ; ici, il présente ce changement en insistant sur le facteur divin qui le produit, le Saint-Esprit accordé à celui qui a cru en Jésus-Christ. Cet Esprit de vie lui donne la force d’accomplir ce que la loi ne pouvait que lui commander. Ce que Jésus a accompli dans sa chair, la pleine victoire sur le péché condamné en sa personne, son Esprit le reproduit dans les fidèles, en leur donnant de vivre non plus de la vie de la chair, qui est la mort, mais de celle de l’Esprit qui seule est la vraie vie, et il prépare ainsi la résurrection du corps lui-même chez les croyants (8.1-11).
L’habitation de l’Esprit de Christ en eux montre qu’ils sont fils de Dieu et par conséquent ses héritiers (v. 12-17). Cette dernière idée forme la transition à la troisième partie de l’exposé du salut individuel : la possession de la gloire.
III.) 8.18-30. La glorification du croyant.
C’est le fait futur par lequel l’état extérieur du fidèle sera mis en harmonie avec son état intérieur. L’apôtre ne veut pas entrer dans ce domaine qui n’appartient pas spécialement à son évangile. Il fait ressortir la certitude de ce couronnement du salut plutôt qu’il n’en décrit la beauté.
1. Le salut est encore incomplet ; quoique spirituellement accompli par la justification et la sanctification, il est encore objet d’espérance quant à l’état extérieur ; témoin le triple soupir qui monte incessamment vers le ciel, soit du sein de la nature souffrante et soumise avec l’homme à la vanité, soit du cœur des fidèles eux-mêmes, malgré les arrhes de l’Esprit qu’ils possèdent déjà, soit des profondeurs de l’Esprit saint lui-même, qui, connaissant le plan divin, en réclame, dans le cœur des fidèles par des soupirs inexprimables, l’accomplissement (v. 18-27).
2. Mais, quoique encore à venir, le salut est et reste certain. Toutes choses, les tribulations mêmes, servent dans le plan divin à y conduire les élus. Car tous ceux que Dieu a connus d’avance comme croyants, il a décidé de les rendre parfaitement semblables à son Fils ; pour cela, il les a appelés, puis, une fois croyants, il les a justifiés, et, une fois justifiés, il les a glorifiés (v. 28-30).
IV.) 8.31-39. La plénitude du salut.
Ce dernier mot : glorifier, transporte l’apôtre au terme du plan divin. De là, il regarde en arrière pour contempler cette échelle de grâces dont il vient de gravir les degrés et clore par un cri d’assurance et de gratitude cet exposé du salut : Nous avons désormais Dieu pour nous, et non plus contre nous. En nous donnant le Fils, il nous a tout donné : justification, sanctification, victoire sur les souffrances du temps présent, sur le martyre même. Devant nous, union indissoluble avec le Dieu dont l’amour nous a étreints pour toujours en Jésus-Christ !
Le salut comme fait humanitaire (ch. 9 à 11)
Cette joie de l’assurance du salut que vient d’exprimer Paul au nom de tous les croyants, est troublée par un fait qu’il ne saurait oublier un instant : l’exclusion d’Israël de ce bonheur. Sans doute, il en est privé par sa propre faute ; il a été rejeté par l’effet de son incrédulité. Mais ce sujet de tristesse n’en subsiste pas moins pour l’apôtre des Gentils, Juif lui-même et d’origine et de cœur. Ce fait mystérieux soulève en outre les plus graves problèmes sur la conduite de Dieu envers son peuple et envers les hommes. Est-il possible que Dieu ait consenti à ce que son peuple élu fût privé du salut pour lequel il l’avait si spécialement préparé ? Quel motif a-t-il pu avoir pour en agir de la sorte envers lui ? A quoi peut servir une telle dispensation ? L’apôtre résout ces questions dans les trois chapitres suivants ; et c’est ainsi qu’il en vient à jeter un regard sur toute l’histoire du salut au sein de l’humanité. Il défend d’abord la liberté de Dieu (9.1-29) ; il justifie ensuite l’usage que Dieu en a fait en cette circonstance (9.30 à 10.21) ; il montre enfin les conséquences salutaires que Dieu a eues en vue dans cette dispensation (ch. 9).
1.) 9.1-29. La liberté de Dieu en face de sa propre alliance.
a) L’apôtre exprime la douleur sans bornes que lui cause le fait qui va l’occuper et qu’il n’a pas même le courage d’énoncer. Cette douleur est proportionnée à la sublimité des prérogatives dont Dieu avait doté le peuple qu’il vient de rejeter pour adopter celui des croyants (9.1-5).
b) Plusieurs antécédents dans l’histoire sainte, comme les exclusions successives d’Ismaël et d’Esaü, deux descendants d’Abraham selon la chair, faisaient déjà comprendre que Dieu n’est point lié par le privilège de la filiation charnelle (v. 6-13).
c) Dieu en effet reste toujours libre dans ses dons, comme dans ses châtiments, en ce sens que nul, pas même Moïse, ne peut dire qu’il a droit à ses faveurs, encore moins se croire de droit exempt d’un châtiment semblable à celui dont Dieu a frappé Pharaon. La distance entre le Créateur et la créature est trop grande pour que celle-ci puisse discuter sur le droit de Dieu vis-à-vis d’elle, pas plus que l’argile, si elle pouvait penser, ne pourrait critiquer la destination que le potier trouve bon d’assigner aux différentes parties de la masse qu’il a en mains. Aussi, lorsqu’il plaît à Dieu d’agir comme il le fait maintenant, soit en déployant envers Israël sa juste colère longtemps contenue, soit en faisant miséricorde aux païens, appelés au salut aussi bien que les Juifs, pour former le corps des élus, lorsqu’il en agit de la sorte, comment pourrions-nous juger ses décrets ? (v. 14-24).
d) Cette conduite est parfaitement conforme, d’ailleurs, à tout ce qu’il avait annoncé à l’avance par Osée et par Ésaïe à l’égard des uns et des autres (v. 25-29).
2.) 9.30 à 10.21, La faute d’Israël.
Mais Dieu n’a pas agi arbitrairement en rejetant Israël, qui s’est lui-même attiré ce châtiment.
a) Uniquement préoccupé d’établir sa propre justice, fondée sur l’œuvre légale, il a méconnu la fin de l’économie mosaïque dont la venue du Messie était le signal. Et cependant Moïse lui-même avait déjà préparé le peuple à une justice tout autre que celle de la loi, à un salut dont l’homme n’est pas l’artisan, mais qu’il reçoit tout accompli par Celui qui est monté au ciel et descendu aux enfers pour nous, salut gratuit que nous n’avons plus qu’à accepter par la foi du cœur et à professer de la bouche (9.30 à 10.11).
b) De cette inintelligence de la gratuité du salut divin, il est résulté qu’il n’a pas compris non plus la destination universelle de ce salut et le devoir de le prêcher à tous les peuples. Comment les hommes, en effet, y croiraient-ils, s’il ne leur était prêché ? Ce postulat a été rempli ; il l’a été envers Israël comme envers tous les autres peuples. Voudrait-on excuser l’inintelligence d’Israël en disant qu’il ne pouvait s’attendre à ce que le salut fût ainsi offert gratuitement à tous ? Mais Moïse avait déjà annoncé que l’appel des païens serait le moyen par lequel Dieu stimulerait les Juifs à jalousie. Et Ésaïe n’avait pas manqué de mettre en garde Israël contre sa résistance opiniâtre aux appels de son Dieu (v. 12-21).
Israël s’est donc mis en travers du plan divin par son orgueilleuse prétention de maintenir le régime légal et par les entraves qu’il n’a cessé d’apporter à la prédication du salut aux païens : voilà la raison pour laquelle Dieu a dû le mettre de côté.
3.) ch. 11. Les limites et les bienfaisantes conséquences du rejet d’Israël.
Après avoir justifié l’exclusion d’Israël au point de vue de la liberté et de la justice de Dieu, Paul explique cette dispensation inattendue en faisant voir son utilité pour le règne de Dieu, dans la mesure où il a plu à Dieu de la décréter. Le rejet d’Israël n’est pas absolu ; car il n’est ni total, ni définitif. C’est une mesure partielle et temporaire, qui prendra fin avec l’entrée des païens dans le règne de Dieu.
a) Il est si vrai que le rejet d’Israël n’est que partiel, que Paul lui-même, tout Juif qu’il est, a été l’objet de l’appel divin. Israël ne voulait absolument pas consentir à lâcher sa loi. Qu’a fait Dieu ? Il l’a aveuglé dans la majorité de ses chefs et de ses membres, afin qu’il méconnût son Messie ; il s’est ainsi trouvé par le fait même en dehors du règne divin (v. 1-10).
b) Mais ce rejet partiel n’est lui-même que temporaire. Il est destiné d’abord à ouvrir toute large aux païens la porte du salut, en dégageant l’Évangile de toute enveloppe légale ; puis à y ramener les Juifs eux-mêmes. Car leur réintégration est certaine ; elle doit même être le moyen d’une résurrection spirituelle dans le monde entier. Aussi Paul, en remplissant sa mission d’apôtre des païens, ne perd-il jamais de vue l’influence salutaire que leur conversion doit exercer sur Israël, comme aussi celle non moins bienfaisante que la conversion d’Israël doit avoir sur l’humanité tout entière (v. 11-15).
c) Ici Paul s’interrompt pour avertir les païens de ne pas se livrer, vis-à-vis de l’ancien peuple de Dieu maintenant rejeté, à un orgueil semblable à celui qui a perdu celui-ci. Car ce peuple est saint par sa divine élection et sa consécration originaire, tandis que les païens sont de nature profane. Par conséquent, l’orgueil qui a perdu les uns, ne manquerait pas de perdre aussi les autres, et la loi qui sauve ces derniers peut à plus forte raison sauver encore les premiers (v. 16-24).
d) Enfin, le plein jour jeté par la révélation divine sur toutes ces dispensations successives : Il arrivera que, dès que la totalité des païens sera entrée dans l’Église, Israël sera relevé de sa chute, et que, comme Israël a été momentanément rejeté en vue de faciliter la conversion des païens, la conversion des païens sera à son tour le moyen que Dieu emploiera pour ramener Israël. Et ainsi toute la famille du Père sera reconstituée au complet. Tels sont les voies et les jugements de Dieu : Tous les peuples successivement humiliés par une phase de désobéissance, afin que tous deviennent successivement les objets de la miséricorde (v. 25-32).
A la fin de ce tableau des desseins de Dieu dans le développement général du salut, l’apôtre s’arrête pour contempler ce vaste plan, comme il l’avait fait à la fin du ch. 8 en terminant l’exposé du salut individuel, et il rend hommage à Dieu, qui dirige toutes choses pour sa gloire (v. 33-36).
Cet exposé du salut individuel et de l’histoire du salut au sein de l’humanité laisse-t-il quelque chose à désirer ?
Le salut par la foi et le mode inattendu de son développement dans l’histoire, voilà les deux grands sujets qui constituent à proprement parler l’évangile de Paul. Mais l’apôtre n’en restait pas là dans son enseignement oral. Il montrait encore à ceux qui avaient cru, la manière dont ils devaient vivre, une fois sauvés. Sur ce point-là aussi il possédait une lumière apostolique (12.3). C’est ce nouveau côté de la vérité évangélique qu’il expose dans les ch. 12 et 13, suivis d’un supplément (14.1 à 15.13). L’on se trompe fréquemment en ne voyant dans les ch. 12 et 13 qu’une série de préceptes isolés qui se suivent plus ou moins accidentellement. Si l’on comprend bien cet exposé de la conduite du croyant sauvé, on reconnaît qu’il n’est pas moins méthodiquement et rationnellement ordonné que toute la partie de l’épître que nous avons étudiée jusqu’ici.
La vie dans le salut (12.1 à 15.13)
I. L’exposé rationnel de la vie du croyant (ch. 12 et 13).
1.) 12.1-2. Le fondement de cette vie, c’est le sacrifice vivant du croyant, consacrant son corps à l’accomplissement de la volonté de Dieu, sous la direction de l’entendement renouvelé qui discerne cette volonté dans chaque cas donné (v. 1 et 2).
2.) 12.3 à 13.10. Ce sacrifice est réalisé par le croyant :
a) Dans le domaine de la vie spirituelle; et cela d’abord sous la forme de l’humilité en vertu de laquelle chaque croyant limite son activité d’après son don (v. 3-8) ; puis sous celle de la charité par laquelle il se donne tout entier à ses frères et même à ses ennemis (v. 9-21).
b) Dans le domaine de la vie civile : d’abord, sous la forme de la soumission aux puissances établies dans l’État (13.1-6) ; puis sous celle de la justice exercée envers chaque prochain, en ne conservant envers personne d’autre dette à payer que celle toujours nouvelle et inépuisable de la charité, ce qui implique le paiement de toutes les autres dettes (v. 7-10).
3.) 13.11-14. Le point d’attraction dans la vie du croyant : la perspective du retour du Seigneur. Le fidèle attend constamment le lever du grand jour, et sa vie est la toilette spirituelle par laquelle il s’y prépare, en déposant les vêtements de nuit et en se revêtant de ceux du jour, c’est-à-dire de Christ lui-même (v. 11-14).
C’est là l’esquisse de l’enseignement moral de Paul :
- Une force d’impulsion : la foi aux compassions de Dieu opérant la consécration du moi ;
- Les deux sphères dans lesquelles se réalise ce sacrifice du moi : celle de la vie religieuse et celle de la vie civile ;
- Une force d’attraction constante : le Christ qui revient.
Cette esquisse de la vie chrétienne laisse-t-elle rien à désirer ?
II. A cet exposé général et systématique, l’apôtre rattache une exhortation particulière, motivée par la situation de l’église de Rome et qui n’est que l’application pratique des principes posés (14.1 à 15.13).
1. Ch. 14. Paul a appris qu’il y a à Rome un certain nombre de croyants qui croient devoir s’abstenir de vin et de viande. De pareilles tendances ascétiques étaient très répandues à cette époque dissolue. L’essénisme juif en offrait l’exemple le plus remarquable. Il est possible que ce petit groupe de chrétiens fût en rapport avec des sociétés non-chrétiennes, juives ou païennes, où régnaient de telles tendances. Ils observaient aussi certains jours particuliers, peut-être les jours de fêtes juives. Paul, tout en laissant entendre qu’il ne partage point ces scrupules, donne à l’église les avertissements qu’il juge nécessaires au maintien de la paix et de l’union.
a) 14.1-12. Il réclame des uns à l’égard des autres une affectueuse tolérance, le jugement sur de pareils points appartenant au Seigneur en vue duquel chaque croyant renonce ou jouit, vit et meurt. Donc ni jugement étroit de la part des uns, ni dédain présomptueux de la part des autres.
b) 14.13-23. A cette exhortation, qui s’adresse à la fois aux deux partis, il ajoute une double recommandation, qui s’applique spécialement à la majorité de l’église qu’il appelle les forts. Avant tout, ils doivent veiller à ne pas froisser le cœur de leurs frères en foulant aux pieds sans aucun égard leurs scrupules (v. 14-18) ; puis ils doivent prendre garde de ne pas les entraîner à les imiter en les poussant à faire une chose contraire à leur conscience et de ne pas leur faire perdre par là le bénéfice du salut que Dieu avait accompli pour eux (v. 19-21). Les v. 22 et 23 résument tout le chapitre : Paul félicite les forts d’être arrivés à une conviction arrêtée et il recommande aux faibles de ne pas dépasser dans leur conduite la mesure de leur propre foi.
2.) 15.4-13. De cette exhortation spéciale à la tolérance mutuelle, l’apôtre passe à une invitation d’une portée plus large, mais en rapport direct avec le sujet précédent. Au nom de l’exemple d’abnégation donné par Christ et du support recommandé par les Écritures, il demande aux croyants qui peuvent différer entre eux une grande condescendance et bienveillance mutuelle (v. 1-7). Et sa pensée se porte naturellement, en parlant ainsi, sur le grand et principal sujet de division entre les chrétiens de cette époque, leur qualité de croyants juifs ou païens. A Rome aussi, quoique la majorité fût décidément d’origine païenne, la dualité existait, comme nous l’avons constaté en étudiant l’adresse. L’apôtre invite ces deux classes de membres à s’accueillir mutuellement comme Christ les a accueillis les uns et les autres, et à unir leurs voix dans une action de grâces commune et pourtant diverse, les uns glorifiant la fidélité de Dieu dans l’accomplissement de ses antiques promesses faites à leurs pères, les autres célébrant sa gratuité, sa miséricorde envers les êtres les plus déchus, les païens, à qui il a tout donné sans leur avoir rien promis. Ainsi s’accomplira le magnifique avenir prédit par les psalmistes et les prophètes. Que l’Esprit du Seigneur l’opère ! (v. 8-13).
Cette conclusion reprend la forme épistolaire abandonnée depuis 1.16. Pour les idées aussi, elle se relie étroitement au préambule, 1.1-16. qu’elle complète, comme nous le verrons.
1.) 15.14-21. Paul s’excuse de la hardiesse d’une pareille lettre adressée à une église qui possède dans son sein tous les moyens de pourvoir à son édification et à la correction mutuelle de ses membres. S’il en a agi ainsi, c’est qu’il a reçu de Dieu la mission de servir l’Évangile auprès des peuples païens. Cette tâche, il l’a remplie jusqu’ici par un ministère marqué de tous les signes d’un véritable apostolat, et qui l’a conduit de Jérusalem à l’Adriatique, sans que jamais il mît le pied ailleurs que dans des villes et des contrées où le nom de Christ n’avait point encore été annoncé. C’est à ce travail apostolique qu’appartient la lettre qu’il leur adresse en ce moment. Cette explication correspond à celle qu’il avait donnée dans l’adresse, 1.3-6.
2.) 15.22-33. Il fait part de ses plans à ses lecteurs. Le devoir de prêcher l’Evangile partout, où il n’était pas encore connu, est la raison qui l’a empêché jusqu’ici de se rendre à Rome pour y remplir sa mission. Mais maintenant que cette tâche est accomplie en Orient, il a résolu de se rendre en Espagne, où le terrain est encore vierge, et cela en passant par Rome, où il éprouve le vif besoin de visiter l’église déjà fondée. Seulement, auparavant, il doit se rendre à Jérusalem pour y porter le produit d’une collecte qu’ont faite en faveur des pauvres de l’église mère les chrétiens de Grèce. Et comme ce voyage n’est pas sans danger et que l’accueil fait à cette collecte dépend de la bénédiction divine, Paul demande aux Romains de s’associer à sa démarche par leurs prières, afin que son voyage ait un plein succès et qu’il puisse arriver bientôt joyeux au milieu d’eux. Tout ce morceau est le complément de celui dans lequel il avait exprimé dans le préambule son vif désir de les visiter aussitôt que Dieu lui en ouvrirait les voies (1.11-16).
3.) 16.1-2. En attendant, il recommande au bon accueil des Romains une diaconesse de la ville de Cenchrées, le port oriental de Corinthe, car elle lui a rendu personnellement beaucoup de services. Nous comprenons par cette recommandation que c’est elle qui sera la porteuse de cette lettre.
4.) 16.3-16. A cette recommandation, il joint des salutations pour un grand nombre de frères établis à Rome. Nous rencontrons ici vingt-cinq noms, dont six seulement sont d’origine latine, ce qui fait supposer que plusieurs de ces personnes étaient venues du dehors. C’est ce que confirme la manière dont l’apôtre parle des relations personnelles qu’il a soutenues avec la plupart d’entre elles. Comme il n’avait jamais été à Rome, c’était en Orient qu’il devait les avoir connues et avoir joui de leur collaboration. Nous constatons ce fait par les premiers noms indiqués dans cette liste, ceux d’Aquilas et de Priscille, qui avaient travaillé avec lui à Corinthe et Éphèse. D’après cela, il est vraisemblable que nous devons admettre la même chose à l’égard de tous les autres et que c’étaient là des évangélistes des deux sexes, qui, des églises d’Asie et de Grèce, s’étaient transportés à Rome. L’apôtre invite les membres de l’église à leur transmettre ses salutations, puis à se saluer mutuellement par le saint baiser. Il leur transmet à cette, occasion les salutations de toutes les églises d’Orient qu’il a visitées récemment en parcourant encore une fois avant son départ la Grèce et l’Asie.
5.) 16.17-20. Suit une espèce de post-scriptum destiné à mettre les lecteurs en garde contre certains perturbateurs, qui, en apprenant que l’Évangile a pris pied à Rome, ne manqueront pas de chercher à s’introduire aussi dans cette église et à y accomplir leur œuvre de dissolution. Les Romains, qui ne sont pas soupçonneux, pourraient se laisser tromper par leurs belles apparences et leurs doucereuses paroles. Mais qu’ils soient sur leurs gardes : tout en étant simple dans l’appréciation du mal, le croyant doit être circonspect dans celle du bien. S’ils suivent ce conseil, la tentative satanique de ces gens échouera bien vite. C’est ce que l’apôtre attend de la grâce du Seigneur Jésus-Christ agissant au milieu d’eux.
Il est clair que cet appendice a trait aux docteurs judaïsants, qui ont suivi jusqu’alors pas à pas l’œuvre de Paul et qui ne manqueront pas d’arriver à Rome dès qu’ils apprendront qu’il y a là une prise pour leurs intrigues. Cet avertissement se rattache naturellement à ce que l’apôtre avait dit 1.8 et suiv. du bruit que fait dans tout le monde la nouvelle de la fondation de cette église.
6.) 16.21-24. Dans un appendice, l’apôtre ajoute les salutations de quelques-uns des frères qui l’entourent ; puis il laisse la parole à Tertius, son secrétaire, pour adresser lui-même sa salutation aux lecteurs. Le v. 24 est inauthentique.
7.) 16.25-27. Paul ne pouvait terminer une pareille lettre par la salutation du frère Quartus. Il éprouve le besoin en finissant d’élever ses regards et ceux de l’église vers le Dieu qui seul peut accomplir efficacement la tâche qu’il s’est proposée, celle d’affermir ses lecteurs, ainsi qu’il aurait voulu le faire par sa présence (comparez 1.11), en les fortifiant dans la foi en son évangile. Cet évangile renferme le plan éternel de Dieu, tel qu’il a été révélé dans ces derniers temps aux apôtres et qu’il est actuellement publié dans tout le monde pour le salut des Gentils. C’est au Dieu dont la sagesse a conçu ce plan de toute éternité et l’a exécuté par Jésus-Christ que l’apôtre recommande ses lecteurs. Cette doxologie finale répond aux deux premiers versets de l’épître et clôt ainsi l’écrit d’une manière normale.