Je pense qu’il seroit superflu de traitter derechef plus au long de la divinité de Jésus-Christ, puis qu’elle a esté desjà assez prouvée par bons et certains tesmoignages de l’Escriture. Il reste doncques de veoir comment ayant vestu nostre chair, il a accompli l’office de Médiateur. Or jadis les Manichéens et Marcionites ont tasché d’anéantir la vérité de sa nature humaine. Car les seconds imaginoyent qu’il avoit prins un fantosme au lieu d’un corps : les premiers imaginoyent que son corps estoit céleste. Mais l’Escriture résiste en plusieurs passages à tels erreurs. Car la bénédiction n’a pas esté promise ou en une semence céleste, ou en une masque d’homme, mais en la semence d’Abraham et de Jacob Gen. 12.2 ; 17.2-8 ; 26.4. Et le throne éternel n’est point promis à un homme forgé en l’air, mais au fils de David, et au fruit de son ventre. Dont Jésus-Christ estant manifesté en chair, est nommé fils de David et d’Abraham Mat. 1.1 : non pas seulement pour avoir esté porté au ventre de la vierge Marie, et qu’il n’eust pas esté procréé de sa semence : mais pource que selon l’interprétation de sainct Paul, il a esté fait de la semence de David selon la chair : comme en un autre passage il dit qu’il est descendu des Juifs selon la chair. Parquoy le Seigneur mesme ne se contentant point du nom d’homme, s’appelle souventesfois Fils d’homme, voulant plus clairement exprimer qu’il est homme vrayement engendré de lignée humaine. Veu que le sainct Esprit a tant de fois et par tant d’organes, et en telle diligence et simplicité exposé une chose laquelle n’estoit point trop obscure de soy, qui est-ce qui eust pensé que jamais homme mortel eust esté si impudent, de répliquer à l’encontre ? Et toutesfois il s’offre encore d’autres tesmoignages, si on désire d’en avoir plus grande quantité : comme quand sainct Paul dit que Dieu a envoyé son Fils fait de femme : et quand il est récité par-cy par-là, qu’il a eu faim et soif, et froid, et a esté sujet aux autres infirmitez de nostre nature Gal. 4.4. Mais d’un nombre infini qu’on pourroit amasser, il nous est utile de choisir principalement ceux qui peuvent servir à édifier nos âmes en foy et en vraye fiance de salut. Comme quand il est dit qu’il n’a jamais fait cest honneur aux Anges de prendre leur nature, mais qu’il a prins la nostre, afin de destruire en la chair et au sang celuy qui obtenoit l’empire de mort Héb. 2.16. Item, que par telle communication nous sommes réputez ses frères. Item qu’il a falu qu’il fust semblable à ses frères, pour estre fidèle Intercesseur, enclin à miséricorde Héb. 2.11-12, 17. Item, que nous n’avons point un Sacrificateur sans compassion et pitié de nos infirmitez, veu qu’il en a esté tenté : et semblables passages Héb. 4.15. A quoy aussi se rapporte ce que nous avons touché cy-dessus, qu’il estoit requis que les péchez du monde fussent effacez en nostre chair, comme sainct Paul l’afferme clairement Rom. 8.3. D’avantage, tout ce qui a esté donné à Jésus-Christ par son Père, nous appartient : d’autant qu’il est le chef, duquel tout le corps estant lié par ses jointures, prend son accroissement Ephés. 4.16. Mesmes ce qui est dit, que l’Esprit luy a esté donné sans mesure, afin que nous puisions tous de sa plénitude Jean 1.16, ne conviendroit pas sinon qu’il eust esté vray homme : d’autant qu’il n’y auroit rien plus contraire à raison, que de dire que Dieu ait esté enrichi en son essence de quelque don nouveau. Pour laquelle raison aussi il dit, qu’il s’est sanctifié soy-mesme pour nous Jean 17.19.
Ils ont bien allégué, quelques passages pour confirmation de leur erreur, mais ils les ont trop lourdement dépravez : et ne profiteront rien, quoy qu’ils s’efforcent, en voulant eschapper de ce que nous avons allégué. Marcion a pensé que le corps de Jésus-Christ n’estoit qu’un fantosme, pource qu’il est dit qu’il a esté fait en similitude de l’homme, et qu’il a esté réputé comme homme en figure Phil. 2.7 : mais il a très mal regardé à ce que sainct Paul traitte là. Car il n’enseigne pas quel corps Jésus-Christ a prins : mais que comme ainsi soit qu’à bon droict il peust démonstrer la gloire de sa divinité, il est apparu en forme et condition d’homme mesprisé et de nulle valeur. C’est, di-je, l’intention de l’Apostre, de nous exhorter à humilité par l’exemple de Jésus-Christ, veu qu’estant Dieu immortel, il se pouvoit déclairer tel du premier coup : toutesfois qu’il a quitté de son droict, et s’est anéanty de son bon gré, prenant semblance et condition d’un chef, et s’estant abaissé en telle petitesse il a souffert que sa divinité fust cachée pour un temps sous le voile de sa chair. Il ne déduit pas doncques quel a esté Jésus-Christ en sa substance, mais comment et en quelle sorte il s’est porté. Mesmes par le fil du texte il est aisé à recueillir que Jésus-Christ s’est anéanty en la vraye nature humaine. Car que veulent dire, ces mots, qu’il a esté trouvé comme homme en figure, sinon que pour un temps sa gloire divine n’a point relui, mais seulement la forme humaine en condition vile et basse ? Autrement aussi ce que dit sainct Pierre ne conviendrait point : c’est qu’il est mort en chair et vivifié en Esprit 1Pi. 3.18, sinon qu’il eust esté infirme en la nature humaine. Ce que sainct Paul explique plus clairement, disant qu’il a souffert selon l’infirmité de la chair 2Cor. 13.4. Et de là provient ceste hautesse, laquelle sainct Paul notamment exprime que Jésus-Christ a obtenu après s’estre anéanty. Car il ne pouvoit estre exalté, sinon entant qu’il est homme composé de corps et d’âme. Manichée luy a forgé un corps en l’air, d’autant qu’il est nommé le second Adam céleste, estant venu du ciel 1Cor. 15.47 : mais l’Apostre n’introduit point là une substance céleste de la chair de Jésus-Christ, mais sa vertu spirituelle laquelle il espand sur nous afin de nous vivifier. Or nous avons desjà veu que sainct Pierre et sainct Paul la séparent de la chair ; mesmes par ce passage la doctrine que nous tenons avec tous Chrestiens, quant à la chair de Jésus-Christ, est très-bien establie. Car s’il n’avoit une mesme nature de corps avec nous, tous les argumens que sainct Paul ameine et déduit, tomberoyent bas : asçavoir, que si Christ est ressuscité, nous ressusciterons : si nous ne ressuscitons point, que Jésus-Christ n’est point ressuscité 1Cor. 15.14. Quelques cavillations que les Manichéens s’efforcent de chercher, ils ne se despestreront jamais de ces raisons-là. C’est une eschappatoire frivole de ce qu’ils babillent, que Jésus-Christ est nommé Fils de l’homme, à cause qu’il a esté promis aux hommes : Car c’est chose notoire que ceste façon de parler est prinse de la langue hébraïque, en laquelle Fils de l’homme vaut autant comme vray homme, comme par toute l’Escriture les hommes sont nommez fils d’Adam. Et pour ne point chercher preuve de loin, un passage nous suffira. Les Apostres approprient à Jésus-Christ ce qui est dit au Pseaume huitième, Qu’est-ce que de l’homme, que tu as souvenance de luy ? ou le fils de l’homme, que tu le visites ? Par ceste façon de parler la vraye humanité de Jésus-Christ est exprimée, car combien qu’il n’ait pas esté engendré de père mortel à la façon commune, toutesfois son origine est d’Adam. Et de faict, sans cela ce que nous avons desjà allégué ne consisteroit point, qu’il a esté fait participant de chair et de sang pour assembler les enfants de Dieu en un Héb. 2.14. Car par ces mots il nous démonstre qu’il est compagnon de nostre nature. Il y a un mesme sens en ce que l’Apostre adjouste, que l’autheur de saincteté et ceux qui sont sanctifiez sont d’un. Car que cela se doyve rapporter à la mesme nature que le Fils de Dieu a commune avec nous, il appert par ce qu’il adjouste incontinent : asçavoir qu’il n’a point de honte de nous appeler Frères Héb. 2.12. Car si au paravant il eust dit que les fidèles sont de Dieu, Jésus-Christ n’auroit nulle occasion d’avoir honte en nous acceptant : mais pource que selon sa grâce infinie il s’accompagne avec nous, qui sommes bas et contemptibles, voilà pourquoy il est dit qu’il n’en a point honte. C’est en vain que les adversaires répliquent que par ce moyen les incrédules seroyent frères de Jésus-Christ : veu que nous sçavons que les enfans de Dieu ne sont point nais de chair et de sang, mais du sainct Esprit par foy. Pourtant la seule chair ne fait point une conjonction fraternelle. Or combien que l’Apostre face cest honneur aux fidèles tant seulement, d’estre d’une substance avec Jésus-Christ, il ne s’ensuit pas que les incrédules n’ayent une mesme origine de chair, comme quand nous disons que Jésus-Christ a esté fait homme pour nous faire enfans de Dieu, cela ne s’estend pas à tout chacun : car la foy doit entrevenir au milieu, pour nous enter spirituellement au corps de Jésus-Christ. Ils se monstrent aussi bien bestes, en arguant que Jésus-Christ, puis qu’il est appelé premier-nay entre ses frères Rom. 8.29 devoit donc estre le fils aisné d’Adam, et devoit naistre dés le commencement du monde, pour avoir telle primogéniture. Car ce nom ne se rapporte point à l’aage, mais à la dignité et éminence de vertu que Jésus-Christ a par-dessus tous. Quant à ce qu’ils disent que Jésus-Christ a prins la nature des hommes, non pas des Anges, pource qu’il a receu à soy en amitié le genre humain Héb. 2.16 : ceste échappatoire ne leur sert de rien. Car l’Apostre, pour amplifier l’honneur que Jésus-Christ nous a fait, nous compare avec les Anges, lesquels ont esté inférieurs à nous en cest endroit. Mesmes si on poise droictement le tesmoignage de Moyse, où il dit que la semence de la femme brisera la teste du serpent Gen. 3.15, il suffit pour décider toute ceste dispute : car il n’est pas là question seulement de Jésus-Christ, mais de tout le genre humain. Pource que la victoire acquise par Jésus-Christ nous appartient, Dieu prononce en général que ceux qui seront descendus du lignage de la femme, seront victorieux par-dessus le Diable. Dont il s’ensuit que Jésus-Christ a esté engendré de la race humaine, veu qu’un tel bien est fondé en luy. Car l’intention de Dieu estoit de consoler Eve à laquelle il parloit, de peur qu’elle ne fust accablée de tristesse et désespoir.
Ces brouillons aussi monstrent leur sottise autant que leur impudence, enveloppans en allégories ces mots tant clairs, que Jésus-Christ est la lignée d’Abraham, et le fruit du ventre de David. Car si ce nom de semence eust esté mis en tel sens, sainct Paul ne l’eust pas dissimulé, quand il prononce clairement et sans figure, qu’il n’y a point plusieurs rédempteurs de la lignée d’Abraham, mais Jésus-Christ seul Gal. 3.16. Autant vaut ce qu’ils prétendent qu’il n’est appelé Fils de David, sinon pource qu’il luy avoit esté promis, et a esté manifesté en son temps. Car sainct Paul après l’avoir nommé Fils de David, adjoustant ce mot, Selon la chair Rom. 1.3, spécifie sans doute la nature d’homme. Pareillement au chapitre 9, après avoir dit qu’il est Dieu bénit éternellement, il met à part qu’il est descendu des Juifs selon la chair. D’avantage s’il n’estoit vrayement engendré de la race de David, que signifieroit ceste façon de parler, qu’il est le fruit de son ventre ? et qu’emporteroit ceste promesse, Il descendra successeur de tes reins, qui demeurera ferme en ton throne Ps. 132.18 ? Ils brouillent aussi par vaine sophisterie le récit que fait sainct Matthieu de la généalogie de Jésus-Christ. Car combien qu’il ne raconte point le père et les ancestres de Marie, mais de Joseph, toutesfois pource qu’il traitte d’une chose pour lors assez cognue de grans et petis, ce luy est assez de monstrer que Joseph estoit sorti de la lignée de David : veu mesmes qu’on sçavoit que Marie estoit de la mesme famille. Sainct Luc poursuit plus outre : c’est que le salut apporté par Jésus-Christ est commun à tout le genre humain, d’autant qu’il est engendré d’Adam père commun de tous. Je confesse que de la généalogie, comme elle est couchée, on ne pourroit pas conclurre que Jésus-Christ fust fils de David, sinon d’autant qu’il est nay de Marie : mais les nouveaux Marcionites se monstrent bestes, et par trop orgueilleux tout ensemble, quand pour colorer leur erreur, asçavoir que Jésus-Christ s’est fait un corps de rien, ils disent que les femmes sont sans semence : en quoy ils renversent tous les élémens de nature. Or pource que ceste dispute n’est point théologique, mais plustost de Philosophie et de Médecine, je m’en déporte : non pas qu’il soit difficile de les rembarrer, veu que les raisons qu’ils ameinent peuvent estre aisément abatues en trois mots : mais pource que je ne me veux point divertir de l’instruction que j’ay proposé de donner en ce livre. Ainsi pour nous tenir à l’Escriture, quant à ce que ces brouillons allèguent qu’Aaron et Joïadah ont prins femmes de la lignée de Juda : et pourtant si les femmes avoyent semence pour engendrer, que lors la discrétion des lignées eust esté confuse : je respon que la semence virile, quant à l’ordre politique, a ceste prérogative et dignité, que l’enfant prend son nom du père : mais que cela n’empesche point que la femme n’engendre aussi de son costé. Et ceste solution s’estend à toutes les généalogies que récite l’Escriture. Souvent elle fait mention des hommes : est-ce à dire que les femmes ne soyent rien ? Or les petis enfans peuvent juger qu’elles sont comprinses sous les hommes. Tour ceste raison il est dit quelquesfois, que les femmes enfantent à leurs maris : pource que le nom de la famille demeure tousjours vers les masles. Au reste, comme Dieu a donné ce privilège aux hommes pour la dignité de leur sexe, que selon la condition des pères les enfans soyent tenus pour nobles ou vileins, à l’opposite les loix civiles ordonnent que l’enfant, quant à la servitude, suyve la condition de la mère, comme un fruit provenant d’elle : dont il s’ensuit que ce qu’elles portent est procréé en partie de leur semence. Et aussi c’est un langage receu de tous temps et entre tous peuples, que les mères soyent appelées génitrices. A quoy aussi s’accorde la Loy de Dieu, laquelle sans raison défendroit le mariage de l’oncle avec la fille de sa sœur, veu qu’il n’y auroit autrement nulle consanguinité. Il seroit aussi licite à un homme de prendre à femme sa sœur, fille seulement de sa mère : veu qu’elle ne luy seroit point parente. Je confesse bien que les femmes, quant à la génération, sont comme instrumens passifs : mais je di que ce qui est prononcé des hommes, leur est aussi bien attribué, car il n’est pas dit que Jésus Christ soit fait par la femme, mais de la femme Gal. 4.4. Aucuns de ces hérétiques sont si vileins, que d’interroguer si c’est chose décente, que Jésus-Christ ait esté procréé d’une semence qui est sujette au mal qui advient aux femmes : en quoy on voit qu’ils ont perdu toute honte. Je respon simplement en un mot, qu’ils seront contraints de confesser, quoy qu’il en soit, que Jésus-Christ a esté nourri au sang de la Vierge, à quelque povreté qu’il fust sujet. Ainsi la question qu’ils esmeuvent leur est contraire. On peut donc droictement et à bonne raison conclurre des paroles de sainct Matthieu, puis que Jésus-Christ est engendré de Marie, qu’il est créé et formé de sa semence : comme quand il est dit que Booz est engendré de Rahab, une semblable génération est signifiée Matt. 1.5, 16. Et de faict sainct Matthieu n’entend pas de faire seulement de la Vierge un canal, par lequel Jésus-Christ soit passé : mais il discerne cest ordre admirable et incompréhensible d’engendrer, de celuy qui est vulgaire en nature, en ce que Jésus-Christ par le moyen d’une Vierge a esté engendré de la race de David. Car il est dit que Jésus-Christ a esté engendré de sa mère en mesme sens et selon une mesme raison qu’il est dit qu’Isaac a esté engendré d’Abraham, Salomon de David, et Joseph de Jacob. Car l’évangéliste déduit tellement le fil de son texte, qu’en voulant prouver que Jésus-Christ a eu son origine de David, il se contente de ceste raison, qu’il a esté engendré de Marie. Dont il s’ensuit qu’il prenoit ce point pour résolu, que Marie estoit parente de Joseph, et par conséquent de la race de David.
Les absurdités qu’ils mettent en avant contre nous, sont plenes de calomnies puériles. Ils estiment que ce seroit grand opprobre à Jésus-Christ d’estre sorti de la race des hommes, pource qu’il ne pourroit pas estre exempté de la loy commune, laquelle enclost sans exception toute la lignée d’Adam sous péché. Mais la comparaison que fait sainct Paul soud très-bien ceste difficulté : c’est que comme par un homme le péché est entré au monde, et par le péché la mort : aussi par la justice d’un homme la grâce a abondé Rom. 5.12. A quoy respond l’autre passage, Que le premier Adam a esté terrestre de terre, et en âme vivante 1Cor. 15.47 : le second a esté céleste du ciel, et en Esprit vivifiant. Parquoy le mesme Apostre disant que Jésus-Christ a esté envoyé en similitude de chair pécheresse pour satisfaire à la Loy, le sépare notamment du rang commun, à ce qu’estant vray homme il soit sans vice ne macule Rom. 8.3. Ils se monstrent aussi fort badins, en arguant que si Jésus-Christ est pur de toute corruption, en ce qu’il a esté engendré par l’opération miraculeuse du sainct Esprit, de la semence de la Vierge, qu’il s’ensuyvroit que la semence des femmes n’est pas impure, mais seulement celle des hommes. Car nous ne disons pas que Jésus-Christ est exempt de toute tache et contagion originelle, pource qu’il a esté engendré de sa mère sans compagnie d’homme : mais pource qu’il a esté sanctifié du sainct Esprit, afin que sa génération fust entière et sans macule, comme devant la cheute d’Adam. Brief, cela nous demeure tousjours arresté, que toutesfois et quantes que l’Escriture nous parle de la pureté de Jésus-Christ, cela se rapporte à sa nature humaine : pource qu’il seroit superflu de dire que Dieu est parfait et sans macule. La sanctification aussi de laquelle il parle en sainct Jehan, n’a point de lieu en sa divinité. Ce qu’ils répliquent, que nous faisons donc double semence d’Adam, si Jésus-Christ, qui en est descendu, n’a eu en soi nulle contagion, est de nulle valeur. Car la génération de l’homme n’est pas immonde ne vicieuse de soy, mais la corruption y est survenue d’accident par la cheute et ruine. Parquoy il ne se faut esbahir si Jésus-Christ, par lequel l’intégrité devoit estre restituée, a esté séparé du rang commun pour n’estre point enveloppé en la condamnation. Ils usent aussi d’une gaudisserie, en laquelle ils monstrent qu’ils n’ont ne crainte de Dieu ny honnesteté : c’est que si le Fils de Dieu a vestu nostre chair, il auroit esté enserré en une bien petite loge. Car combien qu’il ait uni son essence infinie avec nostre nature, toutesfois c’a esté sans closture ne prison ; car il est descendu miraculeusement du ciel, en telle sorte qu’il y est demeuré : et aussi il a esté miraculeusement porté au ventre de la Vierge, et a conversé au monde, et a esté crucifié, tellement que ce pendant selon sa divinité il a tousjours rempli le monde comme au paravant.