Mais c’est ici que l’expérience nous apprend combien il est difficile de joindre ces deux choses ensemble, savoir la miséricorde et les bienfaits qui suivent cette miséricorde. Il est bien difficile d’arrêter son cœur et ses yeux uniquement sur cette miséricorde et sur les compassions réelles de Dieu : ah ! ces excellentes paroles et leur efficace ne naissent pas avec nous ; mais elles nous sont apportées du ciel par le Saint-Esprit. Au contraire, voici les épines qui naissent dans nos cœurs : Dieu est un Dieu juste, et moi je suis un misérable pécheur ; ainsi Dieu ne peut pas manquer d’être irrité contre moi ; voilà des épines que la conscience ne peut pas arracher par ses propres forces ; elle ne peut pas représenter à l’homme pécheur un Dieu propice et favorable, mais c’est l’opération et le don du Saint-Esprit, et non de nos forces naturelles ; car sans l’Esprit de Dieu, ou nous endurcissons nos cœurs dans le péché, ou nous tombons dans le désespoir, qui sont deux écarts également contraires à la volonté de Dieu.
Nous voyons David naviguer heureusement et sûrement entre ces deux gouffres de Scylla et de Carybde ; mais comment fait-il ? Il se jette entre les bras infinis de cette vaste et immense miséricorde de Dieu, en disant : Tes compassions, ô Éternel ! sont infinies et en grand nombre ; mais moi je suis un misérable pécheur qui ai mal vécu, qui vis mal et qui serai pécheur pendant que je vivrai ; si donc je veux subsister devant toi, il faut que j’y apporte d’autres pensées que celles que mon cœur me suggère ; je confesse devant toi mes péchés qui sont grands ; mais en confessant mes péchés, je reconnais aussi que tes miséricordes et tes compassions sont infiniment plus grandes que mes péchés, et cette justice par laquelle tu justifies les pécheurs est beaucoup trop infinie pour me laisser désespérer dans mes péchés. Or en disant que les compassions de Dieu sont en grand nombre, il oublie et met de côté toute sa propre sainteté et celle de tous les hommes, car quelle communication peut-il y avoir entre la multitude des compassions et la sainteté humaine ? Si donc les compassions sont si grandes et doivent être si grandes pour sauver l’homme, il n’y a nulle sainteté en lui qui le puisse soutenir ; et c’est une chimère qu’un homme saint, comme c’est aussi un fantôme et une fiction qu’un Dieu pécheur ; ni l’un ni l’autre ne se trouve dans la nature.