Théologie Systématique – III. Dogmes Purs

4. Culte Divin

A) Enseignements ; — B) Faits. — Récapitulation des caractères de divinité dont l’Écriture environne Jésus-Christ.

De toutes les données précédentes, la raison théorique et pratique conclut spontanément que le culte divin est dû à Jésus-Christ ; et l’Écriture le lui attribue en effet.

Nous rangeons en deux classes les passages que nous avons à examiner sous ce quatrième chef, selon qu’ils contiennent des enseignements ou des faits, nous portant ou la doctrine évangélique ou la pratique apostolique, qui est aussi notre lumière et notre règle.

A) Enseignements. — Jean 5.23 — : Il faut que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Ce témoignage que Jésus-Christ se rend à lui-même et le précepte qu’il prescrit décident tout pour qui a appris à lui dire, avec Thomas : Mon Seigneur et mon Dieu ! On a cherché à éluder la force de ce passage par des distinctions subtiles que repousse la majestueuse et sévère simplicité des Écritures. On a dit : a) qu’il s’agit là d’un hommage de respect et non de culte. Mais la nature de cet hommage est fixée par le texte ; c’est l’honneur dû à Dieu, le même honneur : Il faut que, etc. Et les mots honorer Dieu signifient constamment dans l’Écriture l’adorer, le servir, se confier en lui, rapporter à sa gloire ce qu’on est ou ce qu’on fait. C’est une des expressions usuelles du culte divin ; b) que Christ étant envoyé de Dieu, nous devons avoir pour sa parole la même vénération, la même soumission que pour un oracle sortant de la bouche de Dieu lui-même, et que c’est en ce sens que nous devons entendre l’honneur divin qu’il réclame. Mais à ce titre, les prophètes, les apôtres auraient pu dire d’eux ce qu’il dit de lui. Et où trouvons-nous un mot, un seul mot, qui ressemble à une déclaration de ce genre ? Ils repoussent, avec une sainte indignation, les hommages religieux qu’on veut leur rendre (Actes 10.25-26 ; 14.15), les anges font de même (Apocalypse 19.10 ; 22.8). S’ils demandent qu’on respecte leur parole en tant que Parole de Dieu (1 Thessaloniciens 2.13) ; s’ils disent : Celui qui méprise ceci… rejette Dieu qui a mis son Esprit en nous (1 Thessaloniciens 4.8) ; c’est le Seigneur, c’est sa vérité, c’est sa grâce qu’ils magnifient, et, quant à eux, ils ne font que porter ce trésor dans des vases de terre (2 Corinthiens 4.7). D’ailleurs il s’agit moins Jean 5.23 de la doctrine de Jésus-Christ que de sa personne (Jean 5.17-22). C’est pour le rapport de nature qu’il s’attribue avec le Père que les Juifs l’accusent de se faire égal à Dieu. Et loin de retirer sa déclaration ou de prouver qu’on en déduit de fausses conséquences, il la confirme au contraire en affirmant que tout ce que Dieu fait il le fait aussi, qu’il a la vie en lui-même, comme Dieu, qu’il juge et qu’il ressuscite, comme Dieu : unité d’opération qui implique l’unité d’essence et sur laquelle il fonde la déclaration qu’il faut que tous, etc.

Matthieu 18.20: Là où deux ou trois, etc., je suis au milieu d’eux. Nous avons cité cette parole du Sauveur comme prouvant qu’il est partout avec les siens : nous la reproduisons comme établissant qu’il doit être l’objet de leur culte. La promesse contient un précepte. On ne peut douter qu’il y soit question de réunions de prières, ni que ces prières se rapportent à Jésus-Christ, qui, par là, les autorise et les prescrit.

Matthieu 28.19 : Baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Le baptême est certainement un acte de culte, aussi bien qu’un acte de consécration ; et il s’administre au nom du Fils et du Saint-Esprit, aussi bien qu’au nom du Père. Il n’est même parlé que du nom de Jésus-Christ dans les Actes et dans les Épîtres, quoique tout prouve que la formule d’institution s’était partout conservée (Justin Martyr, 1re Apol. — Tertullien, De baptismo). A cela l’on objecte : a) Que le baptême ne peut être considéré comme un acte de culte proprement dit, puisqu’il n’est pas un acte d’adoration. Mais ce rite d’initiation implique des sentiments religieux correspondant aux grâces dont il est le signe et le gage, sentiments qui ne peuvent se terminer qu’à Celui de qui viennent les bénédictions qu’on invoque. — b) Qu’il est dit que les Israélites furent baptisés en Moïse lorsqu’ils passèrent la Mer Rouge (1 Corinthiens 10.2) ; ce qui enlève à notre argument sa portée en lui enlevant sa base. Mais c’est l’objection qui est sans fondement, car elle ne s’appuie que sur une expression visiblement métaphorique, à laquelle elle prête une signification qu’elle n’a pas et ne peut avoir. Genre d’argumentation qui brouillerait tout. — c) Qu’on ne peut, de l’union de deux noms, conclure l’identité de rang ou d’hommage ; et l’on cite en preuve Exode 14.31 : … et ils crurent à l’Éternel et à Moïse son serviteur ; 1 Samuel 12.18 : … et le peuple craignit fort l’Éternel et Samuel, etc. Mais, dans ces exemples, la distinction à faire entre Dieu et les hommes est évidente par elle-même ; ces textes diffèrent du tout au tout de celui avec lequel on veut les assimiler et où l’unité du nom annonce l’unité de l’être. — d) Que l’authenticité du passage est douteuse. Mais les manuscrits, les versions, les citations des Pères, protestent contre cette assertion. En vain a-t-on dit, pour lui donner quelque ombre de vraisemblance, que si la formule dérivait de Jésus-Christ, elle aurait été répétée dans le reste du Nouveau Testament, qu’elle n’eût pas permis aux apôtres tant d’hésitation sur l’évangélisation des Gentils, etc. Tous ces raisonnements sont sans valeur en face de l’unanimité des documents.

Philippiens 2.9-11  : Afin qu’au nom de Jésus tout ce qui est dans le Ciel et sur la Terre et sous la Terre fléchisse le genou. Ce ne sont pas seulement les disciples, ce sont toutes les créatures terrestres et célestes qui doivent fléchir le genou devant le Seigneur Jésus (Cf. Apocalypse 5.13-14 ; Hébreux 1.6 : Que tous les anges l’adorent… Citation du Psaumes 97.7. (Cf. Psaumes 2.12).

Éphésiens 5.19 : L’expression chantant et psalmodiant du fond de vos cœurs au Seigneur ne peut se rapporter qu’à Jésus-Christ. Nous avons vu que le nom de Seigneur est le nom spécial et en quelque sorte le nom propre de Jésus-Christ chez saint Paul (Éphésiens 5.20,22) (Cf. Colossiens 3.17)… Cette déclaration rappelle ce que nous avons eu occasion de dire des chants religieux adressés à Jésus-Christ dans la primitive Églisea (Pline le Jeune, Justin Martyr, Tertullien).

Actes 2.2 ; 7.59 ; 9.14, 21 ; 22.16 ; Romains 10.11-14 ; 1 Corinthiens 1.2 ; 2 Timothée 2.22. (Invocation de Christ ou du Nom de Christ). Le verbe employé là est επικαλεισθαι. Quel en est le sens ?

a – 4e tome de la Théologie Systématique de Jalaguier, De l’Église.

Les unitaires soutiennent que τον Κυριον, τον Χριστον, το ονομα του Χριστου, signifie simplement être appelé ous’appeler du nom de Christ. Cette interprétation a contre elle le témoignage constant des versions et des Pères, ce qui suffirait à la juger. Il est d’ailleurs aisé de se convaincre, pour peu qu’on étudié ces textes eux-mêmes, qu’elle est absolument inadmissible. L’Ancien Testament a une formule spéciale pour exprimer l’idée que les unitaires veulent voir dans nos passages. Ainsi Ésaïe 43.7 : Tous ceux qui sont appelés de mon nom. Ce passage, et les autres du même genre, diffèrent essentiellement de ceux dont nous avons à nous rendre compte : l’hébreu a le passif, et dans les LXX le verbe est construit avec le datif… (Cf., 2 Samuel 6.2 : le nom de l’Éternel invoqué sur l’Arche ; 2 Chroniques 7.14 : sur le peuple ; Jacques 2.7 ; Actes 15.17).

Le Nouveau Testament renferme des textes, étrangers à la question dogmatique, où la locution, objet de notre examen, ne peut s’entendre que conformément à l’opinion commune, et qui, par cela même, en détermineraient à eux seuls la véritable acception. Ainsi 1 Pierre 1.17 : Si vous invoquez comme votre Père (ει πατερα επικαλεισθε) celui qui, etc ; 2 Corinthiens 1.23 : J’invoque Dieu comme témoin (μαρτυρα τον Θεον επικαλουμαι). Ces textes, où l’explication que nous discutons est décidément inapplicable, nous donnent le sens réel de ceux qu’il s’agissait d’éclairer ; sens qu’on n’aurait contesté nulle part, tant il ressort du fond des choses, si l’un des grands dogmes chrétiens n’y eût été intéressé.

Les passages relatifs à Jésus-Christ ne sont pas moins exprès pour qui les aborde sans prévention. Prenez Actes 2.21 ; Romains 10.13 (citation de Joël 2.32) et où la signification incontestée de l’hébreu ne saurait laisser de doute sur celle du grec. Lisez encore Actes 7.59 : Ils lapidaient Etienne invoquant (ou priant, επικαλουμενον) et disant : Seigneur Jésus, reçois mon esprit !

L’interprétation unitaire est, non seulement inadmissible, mais impossible. Et puis, pressée jusqu’au fond et poussée à bout, elle finit par rendre témoignage à l’opinion commune. Si επικαλεισται χριστον ou το ονομα Χριστου a signifié : être chrétien, c’est que l’invocation de Christ était le trait caractéristique du Christianisme. On disait les adorateurs de Christ, comme on disait les adorateurs de Jéhovah, ou de Baal, ou des idoles.

.Cette classe de textes est importante, parce qu’elle donne une de ces expressions générales où se reflète avec clarté la croyance des temps apostoliques, et, par conséquent, la doctrine apostolique elle-même.

La place que tient le nom de Christ à côté du nom de Dieu dans l’économie évangélique, impliquait, appelait, si je puis ainsi dire, ces actes d’invocation et d’adoration religieuse. Le premier fait donné, le second s’ensuivait si naturellement, si nécessairement, que la logique et la conscience chrétiennes y auraient conduit l’Église, lors même qu’il n’eût pas été appuyé sur des enseignements exprès.

Un autre principe évangélique qui devait amener une conséquence ou une pratique semblable, c’est que tous les sentiments de la piété sont exigés pour Jésus-Christ, au même sens et au même degré qu’ils le sont pour Dieu : foi (passages innombrables), confiance (Jean 14.1 ; 2 Timothée 1.12, etc.), espérance (Éphésiens 1.12 ; 1 Timothée 1.1 ; 1 Corinthiens 15.19, etc.), obéissance (Romains 14.18 ; Jean 12.26, etc.), amour (Matthieu 10.37 ; Éphésiens 6.24, etc.). Or, c’est là le culte véritable, le culte intérieur et spirituel, le culte du cœur, que Dieu demande avant tout. C’est l’essence même de la religion, dans l’esprit des Écritures. Mettre son espoir, sa confiance, son recours en autre chose que Dieu est une idolâtrie ; tout ce qui devient l’objet prédominant des affections de notre âme est une idole. Et ces affections, notons-le bien, sont réclamées pour Jésus-Christ à ce degré supérieur où Dieu veut qu’elles se rapportent à lui seul.

Prenez l’amour. Il doit aller envers le Sauveur aussi haut et aussi loin que nous puissions le porter, jusqu’au sacrifice de nos biens : Si quelqu’un ne renonce pas à tout ce qu’il a, etc., de nos affections les plus chères : Si quelqu’un aime son père, etc., de notre vie : Celui qui voudra sauver sa vie, etc. Et cet amour suprême, dont Dieu se montre si jaloux, qui ne saurait se partager, est non seulement autorisé mais commandé à l’égard de Jésus-Christ ; il remplit le cœur des premiers disciples (Jean 21.15-17) ; il est la vie de leur vie, l’âme de leur âme (2 Corinthiens 5.15 ; Galates 2.20, etc.), et, plus ils aiment le Seigneur Jésus, plus ils sont aimés de Dieu (Jean 14.23 ; 16.27). Ah ! c’est que le donner à Jésus-Christ, cet amour, c’est en réalité le donner à Dieu. Comme les œuvres divines : création, résurrection, jugement, révélation, rédemption, etc., n’ont au fond qu’un seul et même principe, quoiqu’elles soient attribuées tantôt à Jéhovah, tantôt à Christ, ainsi les sentiments religieux des fidèles, les actes de leur foi, de leur piété, de leur charité, n’ont qu’un seul objet, soit qu’ils se rapportent directement à Dieu ou à Jésus-Christ : Moi et mon Père nous ne sommes qu’un.

Le dogme de la divinité du Sauveur ressort par tous les côtés de la révélation évangélique, à mesure qu’on la sonde: il se forme par la dialectique des choses, si je puis dire dans la conscience chrétienne, à mesure que la lumière et la vie s’y développent. Là est peut-être l’argument le plus décisif. Du moins devrait-il, ce semble frapper vivement ces nombreuses écoles qu’on peut désigner sous la dénomination générale de théologie de la conscience. Mais il devrait les forcer à reconnaître en Jésus-Christ une divinité réelle et non cette divinité abstraite, impersonnelle, idéale, qu’elles condensent ou vaporisent à leur gré, par leur principe panthéistique de la pénétration réciproque de l’humain et du divin. Le Christ du Nouveau Testament en en lui ce qui lui attire les adorations de l’Église ; il l’a apporté du Ciel d’où il est descendu. Verbe éternel, par qui toutes les choses ont été faites, il était en forme de Dieu, et il a pris la forme de serviteur. Le culte dont il est objet est bien celui que l’Eternel s’est réservé par cette parole, partout proclamée ou impliquée dans les Écritures : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul. Tout repousse cette sorte de divinisation morale ou mystique à laquelle l’humanitarisme de nos jours réduit la déité du Sauveur, et qui aboutirait à quelque chose comme la distinction du culte de dulie et du coule de latrie.

Nous avons insensiblement mêlé les deux parties du témoignage biblique que nous nous étions proposé de présenter séparément, savoir les enseignements et les exemples relatifs à l’adoration de Jésus-Christ. Les principes et les faits s’unissent si souvent et si intimement dans les Livres saints, qu’il est fort difficile de les distinguer toujours. Du reste, il n’y a pas grand mal à une confusion qui marque notre recherche de l’empreinte des Écritures. Venons à l’exposé plus spécial des faits.

B). Faits. — Dans les bénédictions et les salutations par lesquelles les apôtres commencent et terminent leurs Épîtres, ils demandent que la grâce, la miséricorde, la paix, soient données aux Églises avec la foi et la charité, de la part de Dieu le Père et de la part de Jésus-Christ ; souvent même, surtout dans les salutations, Jésus-Christ seul est nommé. Saint Paul finit constamment par cette parole : Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous ! C’est sa formule finale ou sa signature. Or, ces vœux sont de véritables prières ; et les apôtres les adressent à Jésus-Christ aussi bien qu’à Dieu. Eux et les Églises attendaient donc de Jésus-Christ les divines bénédictions qu’ils y implorent.

Nous avons un autre fait de la même nature dans les doxologies, ces mouvements de gratitude religieuse que les écrivains sacrés mêlent çà et là à leurs enseignements. La doxologie est une des formes de l’adoration ; c’est une prière de louange ou d’actions de grâce, comme la bénédiction et la salutation sont des prières de requête. Jésus-Christ en est plusieurs fois l’objet (Hébreux 13.21 ; 1 Pierre 4.11 ; 2 Pierre 3.18). Les doxologies de l’Apocalypse sont surtout remarquables. Quelquefois ces adorations du Ciel s’adressent tout ensemble au Père et au Fils, et les mêmes titres y sont donnés à l’un et à l’autre (Apocalypse 1.5-6 ; 5.8-14 ; etc.).

A ces formes générales de prière et de culte, joignons quelques exemples particuliers.

Il est souvent dit dans les Évangiles qu’on adora Jésus. Mais cette expression, qui serait décisive dans notre langue, ne l’est pas dans celle des Écritures. Le verbe προσκυνεω, ordinairement employé dans ces occasions, signifie se prosterner en signe de respect ou de supplication, selon la coutume orientale. Il peut désigner l’hommage religieux, l’adoration proprement dite. Ainsi Matthieu 4.9-10 ; Jean 4.20-24 ; Actes 7.43 et plusieurs fois dans l’Apocalypse. Mais il peut aussi marquer l’hommage civil, le simple respect. Ainsi Matthieu 18.26 ; Marc 15.19… Quoique l’usage religieux du mot prédomine de beaucoup, on ne saurait pourtant le poser par cela seul dans les textes relatifs à Jésus-Christ, puisqu’il pourrait ne désigner là, comme ailleurs, que l’hommage civil.

Il semble, en effet, que c’est en ce sens qu’il faut le prendre en divers cas ; celui du lépreux (Matthieu 8.2), celui du chef de la synagogue (Matthieu 9.18), de la Cananéenne (Matthieu 15.25), de la mère des Zébédés (Matthieu 20.20). — Cependant, même dans ces exemples, il se manifeste des indices d’un respect ou d’un honneur plus qu’ordinaire. En général, ces personnes voyaient plus ou moins en Jésus le Christ, et certaines idées de divinité s’attachaient à ce titre chez les Juifs. Aussi, parmi les faits de cet ordre, en est-il plusieurs où l’on ne peut méconnaître les caractères de l’adoration religieuse. Celui des Mages (Matthieu ch. 2). Tout indique qu’ils virent un Être divin dans l’enfant vers lequel les avait conduits le météore céleste. Celui des disciples après la tempête (Matthieu 14.33). Il semble que la vue de Jésus marchant sur les eaux, ou commandant à la mer, leur ait révélé en lui une puissance, une grandeur inattendue, et que leurs hommages aient participé de la nature de cette impression. Celui des femmes et des apôtres après la résurrection (Matthieu 28.7, 17). Celui de l’Ascension (Luc 24.52, … et eux, l’ayant adoré, retournèrent à Jérusalem).

Et puis, ce qui frappe, ce qui déciderait tout, à vrai dire, c’est la manière dont Jésus reçoit ces hommages, où il y aurait eu de l’idolâtrie s’il n’était pas ce que le croit l’Église. Non seulement il ne les repousse point, mais il les autorise. Plus on s’abaisse pour l’exalter, plus il loue et bénit. Il est l’humble de cœur précisément parce qu’il est le saint ; et quel contraste entre sa conduite à cet égard et celle des apôtres (Actes 10.25 ; 14.14) ou des esprits célestes eux-mêmes ! (Comp. Apocalypse 1.17 avec Apocalypse 22.9.)

Luc 17.5 : Et les apôtres lui dirent : Seigneur, augmente-nous la foi. C’est bien la vraie prière. Qui peut inspirer ou vivifier la foi que le Maître des cœurs ?

Jean 20.28 (Thomas) : La réunion des deux noms divins rend l’affirmation plus positive et l’emploi du pronom : Mon Seigneur, mon Dieu, est bien le cri de la confiance et de l’adoration.

Actes 7.59-60 : Pendant qu’ils lapidaient Etienne, il priait et disait : Seigneur Jésus, reçois mon esprit… Seigneur, ne leur impute point ce péché. De ce fait, si décisif en soi, on a dit qu’il est unique et ne peut, par conséquent, créer une règle, fonder une doctrine. Ce principe de l’απαξ λεγομενον, dont on a tant usé et abusé, est sans portée ici, lorsqu’on se rappelle que c’est le seul récit de la mort d’un chrétien dans le Nouveau Testament et qu’Etienne, plein de foi et du Saint-Esprit, est évidemment présenté comme modèle. D’ailleurs, il est dit des fidèles décédés qu’ils sont morts en Christ (1 Corinthiens 15.18, etc.), ce qui indique une disposition analogue à celle du premier martyr. On ne remarque pas assez qu’Etienne est accusé d’avoir prononcé des blasphèmes contre Moïse et contre Dieu (Actes 6.11). La pleine prédication du Christianisme pouvait aisément paraître blasphématoire contre Moïse pour des Juifs exaltés, mais comment pouvait-elle le paraître contre Dieu, si ce n’est par le dogme de la divinité de Jésus-Christ, auquel le saint diacre avait peut-être rendu témoignage.

La prière d’Etienne est la prière chrétienne, dans toute la force du mot, car c’est celle de Jésus-Christ sur la croix. Or, cette prière que Jésus-Christ adressait à son Père, Etienne la lui adresse à lui-même.

Actes 14.23 : Ils établirent des anciens… et les recommandèrent au Seigneur, en qui ils avaient cru. Cette recommandation, précédée de prières et de jeûnes, est une invocation des grâces divines (Cf. Actes 20.32 avec 1 Pierre 4.19), et elle s’adresse certainement à Jésus-Christ, car il est bien le Seigneur à qui on avait cru.

2 Corinthiens 12.7-10 : Là, l’apôtre explique lui-même que le Seigneur qu’il a prié est Jésus-Christ.

1Thes.3.11-12 — : Dieu lui-même, qui est Notre Père, et Jésus-Christ, Notre Seigneur, veuillent… Voilà une prière adressée tout ensemble à Dieu et à Jésus-Christ. La demande du v. 12, celle de l’avancement spirituel des Thessaloniciens, se rapporte même spécialement à Jésus-Christ, à qui le titre de Seigneur a été donné dans le verset précédent pour le distinguer du Père, selon la règle de saint Paul (Cf. 2 Thessaloniciens 2.16-17).

L’Apocalypse se termine par une prière à Christ et par une bénédiction au nom de Christ : Oui, Seigneur Jésus, viens. La grâce de Notre Seigneur Jésus Christ soit avec vous tous (Apocalypse 22.20-21).

Dwightb fait sur l’Apocalypse cette remarque frappante : « C’est un fait digne d’attention que Jésus-Christ reçoit les hommages des esprits célestes, soit seul, soit conjointement avec le Père ; mais qu’il ne s’unit jamais à eux dans l’accomplissement de ce devoir où ils puisent leur félicité. La multitude des saints et des anges prennent part aux hymnes des Cieux, se prosternent et adorent l’auteur de toute grâce et de tout don. Mais Jésus-Christ ne paraît que comme objet de ces louanges éternelles ; car elles s’adressent à Celui qui est assis sur le Trône et à l’Agneau. »

bDiscourses.

Sur ce quatrième et dernier point de notre recherche, nous trouvons donc qu’il est prescrit de rendre au Fils le même honneur qu’au Père, qu’à lui se rapportent tous les sentiments, tous les actes qui constituent le culte religieux, que la première dénomination publique des chrétiens fut celle d’invocateurs ou d’adorateurs de Christ. Nous avons vu qu’un des principaux caractères sous lesquels Pline les représentait à Trajan, c’est qu’ils se réunissaient pour chanter des hymnes à Christ, comme à un Dieu.

Or, rappelons le grand précepte de l’Ancien Testament répété par Jésus-Christ lui-même : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu le serviras, lui seul.

Rappelons aussi le premier commandement du Décalogue. La norme biblique reconnue, la conclusion du syllogisme d’Athanase s’impose logiquement et religieusement : Dieu seul doit être adoré ; Christ est adoré dans les Écritures, donc il est Dieu.

Récapitulons les caractères de divinité dont l’Écriture environne Jésus-Christ. Il est le Seigneur dans le sens supérieur que les Livres saints ont fait à ce mot. Son Nom tient sous la nouvelle Alliance la place qu’occupe sous l’Ancienne celui de Jéhovah. Ce qui est dit de l’Éternel par les prophètes lui est appliqué mille fois, sans scrupule ni correctif, par les apôtres. Il possède les attributs incommunicables du Dieu souverain, l’éternité, l’immutabilité, la toute-puissance, la toute-présence. Toutes les œuvres qui font que Dieu est notre Dieu, au nom desquelles il sollicite notre respect, notre amour, le don de notre cœur, la consécration de notre vie intérieure et extérieure à son obéissance : la création du monde, le gouvernement de l’Église, la rédemption de l’humanité, la justification et la régénération, la résurrection, le jugement, sont les œuvres de Jésus-Christ. Le culte divin lui est rendu sous des formes nombreuses ; toutes les grâces évangéliques viennent par lui, sont attendues et demandées de lui ; tous les sentiments et les actes constitutifs de la piété sont exigés pour lui ; il est adoré dans le Ciel comme sur la Terre.

Quand on envisage dans leur ensemble ces larges données scripturaires, qui se confirment les unes les autres, est-il possible d’échapper à la conséquence que, d’après le témoignage d’En haut, Jésus-Christ est Dieu ; qu’il l’est, non dans un sens secondaire tel que celui qu’imagina l’Arianisme, ou celui que célèbrent le haut rationalisme et le mysticisme panthéistique de nos jours, mais dans le sens absolu, le seul que connaissent et autorisent les Livres saints ? S’il en était autrement, l’Écriture aurait été rédigée de manière à jeter l’Église dans l’idolâtrie, ce désordre qu’elle réprouve par-dessus tout, et qu’elle avait essentiellement pour but de détruire. Qu’on mette le Nouveau Testament entre les mains de gens désintéressés dans la question ; qu’ils l’étudient comme ils étudieraient les livres sacrés du Brahmanisme ou du Mahométisme, simplement pour s’assurer de ce qu’il enseigne, et nous affirmons qu’ils y reconnaîtront, sinon telle ou telle formule du dogme, du moins le dogme lui-même. Il en est de la divinité de Jésus-Christ comme de toutes ces grandes croyances dont le fond s’est partout maintenu à travers l’incessante variation de la forme, parce qu’il est tellement inhérent à la révélation chrétienne qu’il ne pourrait tomber qu’avec elle, et que s’il disparaît par certains côtés, il reparaît par d’autres. Toujours, ainsi que nous en faisions la remarque et la preuve à l’égard de l’expiation, les hommes qui n’ont nul intérêt systématique à ne pas voir dans le Livre sacré ce qu’il enseigne et à ne pas dire ce qu’ils y voient, ont déclaré que ces croyances (divinité de Jésus-Christ, rédemption par son sang, justification par la foi, etc.) s’y trouvent bien positivement, qu’elles en donnent le contenu substantiel ; et tout en sympathisant avec la théologie qui les rejette, ils se sont étonnés de ses étranges efforts pour prouver qu’elles ne sont point bibliques.

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