Luc 22.49-51 ; Matthieu 26.51 ; Marc 14.47 ; Jean 18.10
Ce récit est rapporté par les quatre évangélistes, mais saint Luc seul mentionne le fait de la guérison. Il avait peut-être un double intérêt à parler de cette œuvre de grâce ; comme médecin, cette guérison, la seule de ce genre que le Seigneur ait opérée, devait attirer son attention spéciale ; en outre, rien ne pouvait être plus cher à saint Luc que de dépeindre la douceur, la miséricorde de Jésus. L’évangéliste savait très bien qui avait fait la blessure en question, mais il n’a pas jugé bon de nous le dire ; saint Matthieu et saint Marc gardent le même silence sur ce sujet. Saint Jean seul nous apprend ce que nous eussions pu deviner sans peine, à savoir que c’était Pierre, qui voulait défendre son Maître ; c’est lui aussi qui nous dit le nom du serviteur du grand-prêtre ; « il s’appelait Malchus. » Ce dernier peut bien avoir été inconnu des autres évangélistes, tandis que saint Jean connaissait la famille du grand-prêtre.
Dans la circonstance qui nous occupe ici, le caractère de Pierre se révèle encore avec toute son ardeur ; il est plus prompt à agir que les autres apôtres. Ceux-ci disent : « Seigneur, frapperons-nous de l’épée ? » ils sont partagés entre leur instinct naturel de défense et l’amour pour leur Maître, d’une part, et, d’autre part, le devoir de renoncer à toute vengeance. Pierre n’attend pas la réponse, mais, poussé par son ardeur naturelle, il frappe celui qui le premier ose porter des mains profanes sur la personne sacrée de son Seigneur. C’était « le serviteur du grand-prêtre, » agissant dans le même esprit que son maître ; quant à Pierre, il avait une bonne intention, il voulait simplement repousser l’agresseur ; par une dispensation de Dieu, le coup fut dirigé autrement ; rasant la tête du serviteur, il lui emporta l’oreille droite.
Les paroles par lesquelles le Seigneur réprima le zèle intempestif de son disciple sont rapportées diversement par les évangélistes ; ils en citent chacun une partie. Lorsque Jésus dit que celui qui se sert de l’épée périra par l’épée, il fait allusion à la loi ancienne : « Celui qui répand le sang de l’homme, son sang sera répandu » (Genèse 9.6). L’application de ces paroles : « Tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée » n’a pas toujours été bien comprise ; on a cru que Jésus, pour tranquilliser Pierre, voulait dire : Il n’est pas nécessaire que tu te charges de châtier ces hommes violents ; ils ont pris l’épée, et, par un juste jugement de Dieu, ils périront par l’épée. Mais la défense de prendre l’épée se rattache d’une manière si intime à l’ordre de la remettre à sa place, et le sens du verset suivant (Matthieu 26.53) est si clair (Penses-tu que j’aie besoin d’un aussi faible secours que le tien, tandis que mon Père pourrait m’envoyer douze légions d’anges ?) qu’il est impossible d’admettre l’explication précédente. Ce passage peut servir de parallèle à 2 Rois 6.17 ; il y a ici un plus grand qu’Elisée ; par sa parole, Jésus peut ouvrir l’œil spirituel de son disciple et lui montrer la montagne de Dieu, pleine de chariots et de chevaux de feu, d’armées célestes qui campent autour de son Maître ; il suffirait d’un signal pour les faire descendre. Le Seigneur sentit peut-être qu’il y avait là pour lui une tentation, mais il la repoussa, car autrement le plan de Dieu n’eût pas été réalisé (Zacharie 13.7).
Saint Jean nous parle, sous une autre image, de l’entière soumission de la volonté de Jésus à celle du Père : « Ne boirai-je pas la coupe que mon Père m’a donnée à boire ? » Cette image est fréquente dans l’Écriture (Matthieu 20.22-23 ; 26.39 ; Ésaïe 51.17, 22 ; Psaumes 11.6 ; Jérémie 25.15, 17 ; Apocalypse 14.10). Les paroles suivantes : « Laissez, arrêtez ! » signifient : Cessez toute résistance ; après avoir réprimé le zèle de ses disciples, Jésus toucha l’oreille de l’homme blessé et le guérit. Alors Pierre et les autres, après cet élan de courage tout humain, abandonnèrent leur divin Maître aux mains de ses ennemis.