Apollinaire, né aux environs de l’an 310, était fils du prêtre Apollinaire dit l’Ancien, qui professait la grammaire à Laodicée de Syrie. Le jeune Apollinaire fit des études excellentes, se rompit à la dialectique aristotélicienne, et enseigna d’abord la rhétorique tout en exerçant à l’église les fonctions de lecteur. Nicéen ardent, il reçut chez lui Athanase à son retour d’exil en 346 et, vers 360-361, devint évêque de Laodicée ou plutôt des orthodoxes de Laodicée, les ariens ayant, de leur côté, choisi Pélage. C’est à cette époque d’ailleurs qu’il commença à répandre son erreur. Elle se formulait en opposition au diophysisme exagéré de Diodore de Tarse, et consistait essentiellement à dire qu’en Jésus-Christ il n’avait pas existé d’âme humaine raisonnable et que le Verbe en tenait lieu. Le Verbe était ainsi uni substantiellement au corps de Jésus-Christ, et cette union seule, dans la pensée de l’auteur, pouvait faire que Jésus-Christ fût vraiment un. En 362 le concile d’Alexandrie s’occupa de cet enseignement ; mais grâce à son orthodoxie trinitaire bien connue, c’est en 373 seulement qu’Apollinaire devint sérieusement suspect. Condamné en 377 par le pape Damase, il vit son système rejeté encore par le concile général de 381. On croit qu’il mourut entre 385-392.
Les anciens écrivains s’accordent à présenter Apollinaire comme un homme remarquablement doué, ardent au travail, d’une érudition profane et sacrée peu commune, pieux d’ailleurs et d’une vertu au-dessus de tout soupçon. Il lui a manqué sur la nature et la personne des distinctions qui ne furent définies que plus tard, et qui l’auraient probablement empêché de verser dans le monophysisme. Au moins a-t-il eu le mérite de poser nettement, le premier, le problème christologique.
Apollinaire, comme on va le voir, avait beaucoup écrit. De ce qui reste de ses œuvres quelques parties nous sont parvenues sous son nom, d’autres sous des noms empruntés. Après les décrets impériaux qui ordonnaient de détruire ses livres, en effet, ses disciples, pour les conserver, en firent circuler un certain nombre sous le nom de docteurs orthodoxes, les papes Jules et Félix, saint Grégoire le Thaumaturge, saint Athanase, etc. Saint Cyrille d’Alexandrie se laissa prendre à cette fraude, et son autorité ne contribua pas peu à l’accréditer. Cependant, après le concile de Chalcédoine, on commença à la soupçonner et, au vie siècle, un auteur inconnu, en qui on a vu quelquefois Léonce de Byzance, la dévoila dans le livre Contre les fraudes des apollinaristes (Advenus fraudes apollinaristarum). Ce travail critique, repris de nos jours, a permis de discerner assez exactement les ouvrages d’Apollinaire sous les faux noms qu’ils portent.
I. Exégèse.
Saint Jérôme qui reçut, en 374, des leçons d’Apollinaire, lui attribue « d’innombrables ouvrages sur les Saintes Écritures » (Vir. ill., 104). Et de fait, il mentionne de lui en divers endroits un commentaire sur l’Ecclésiaste, un sur Esaïe, deux sur Osée, un sur Malachie, d’autres sur d’autres prophètes, un sur saint Matthieu, un sur la première épître aux Corinthiens, un sur l’épître aux Galates, un sur l’épître aux Éphésiens. Ces commentaires, généralement courts, expliquaient littéralement le texte et s’attachaient à en faire ressortir les leçons de morale. Il n’en reste que des citations et fragments qui n’ont pas tous été réunis et édités.
II. Apologie.
On connaît surtout deux apologies d’Apollinaire : l’une était une réfutation de Porphyre en trente livres ; l’autre (Sur la vérité) réfutait Julien l’Apostat. Celle-ci a péri entièrement ; de la première, fort estimée, saint Jérôme a conservé un morceau In Daniel., 9.24).
III. Polémique et dogmatique.
Les premiers écrits polémiques et dogmatiques d’Apollinaire eurent pour objet la doctrine trinitaire. Il avait composé un ouvrage Contre Eunomius (Vir. ill., 120), un autre contre Marcel d’Ancyre (ibid., 86), un ou deux écrits Contre Origène et un Contre Denys d’Alexandrie, ces derniers visant probablement le subordinatianisme qui était reproché à ces deux auteurs. Tous ces écrits sont perdus.
Puis, dans la seconde phase de son activité, Apollinaire s’attaqua à la question christologique, et dirigea contre les docteurs d’Antioche trois traités : un Discours syllogistique contre Diodore (Λόγος συλλογιστικὸς κατὰ Διοδώρου) ; un ouvrage divisé en chapitres encore contre Diodore (Πρὸς Διόδωρον ἢ κατὰ κεφαλαίον βιβλίον) ; un autre Contre Flavien, probablement le futur évêque d’Antioche. Il reste des citations de ces trois ouvrages, surtout du second.
Enfin il était une troisième série d’écrits dans lesquels Apollinaire exposait sa propre doctrine. C’est à ces derniers surtout que l’on a donné de faux noms d’auteurs : une profession de foi détaillée (Ἡ κατὰ μέρος πίστις) qui date de 380, conservée sous le nom de Grégoire le Thaumaturge ; un traité Sur l’union dans le Christ du corps avec la divinité, conservé sous le nom du pape Jules ; un petit écrit Sur la foi et l’incarnation ou Contre les adversaires, conservé en syriaque sous le nom du même pape Jules ; un ouvrage Sur l’unité, en deux livres au moins, dont il ne reste qu’un fragment ; un traité Sur l’incarnation (Περὶ σαρκώσεως) dont Théodoret a sauvé six fragments ; un autre encore Sur l’incarnation ou, comme l’intitule Léonce de Byzance, Εἰς ἀπόδοσιν τῆς ἀποτάξεως καὶ τῆς πίστεως, dont on a deux citations ; une homélie sur la maternité divine de la Vierge (Μαρίας ἐγκώμιον καὶ περὶ σαρκώσεως) : deux citations ; une Démonstration de l’incarnation divine en la ressemblance de l’homme (Ἀπόδειξις περὶ τῆς ϑείας σαρκώσεως τῆς καϑ᾽ ὁμοίωσιν ἀνϑρώπου), un des ouvrages les plus importants d’Apollinaire et qui doit être de 376-380 : à défaut du texte, on en a de nombreuses citations et une analyse suivie dans l’Antirrheticus contra Apollinarium de saint Grégoire de Nysse ; un traité Sur la manifestation de Dieu dans la chair (deux fragments) ; un petit écrit Contre ceux qui disent que le Verbe a assumé un homme (un fragment) ; des Syllogismes qui ont été cités par les auteurs plus récents ; une Récapitulation (Ἀνακεφαλαίωσις), série de syllogismes qui établissent que Jésus-Christ est vraiment Dieu ; un livre cité sous le titre de Discours ; un autre qui comprenait des Dialogues ; de plus, des lettres à Pierre, à Julien, dont il reste peu de chose ; une lettre de 363 à l’empereur Jovien, qui porte le nom de saint Athanase ; une autre à Sérapion de Thmuis, de 371 environ (trois fragments) ; une autre à Terentius, de 375 environ (deux fragments) ; une lettre aux évêques égyptiens exilés à Diocésarée, de 374 environ, entièrement conservée ; deux autres à Denys, un disciple d’Apollinaire probablement : la première s’est conservée sous le nom du pape Jules ; et enfin une lettre synodale (τόμος συνοδικός) que l’on attribue avec vraisemblance à Apollinaire.
IV. Poésie.
Socrate a rapporté (H. E., 3.16) que, lorsque Julien l’Apostat interdit aux chrétiens l’étude des classiques païens, les deux Apollinaire, père et fils, composèrent sur des thèmes chrétiens, et notamment sur la Bible, des ouvrages dans lesquels ils s’efforçaient de reproduire les modèles anciens. C’est ainsi que, d’après Sozomène, Apollinaire le jeune aurait écrit une épopée en vingt-quatre livres sur les origines juives, des tragédies, des comédies, des chants lyriques imités d’Euripide, de Ménandre, de Pindare ; et de plus des chants liturgiques et des cantiques pieux à l’usage privé des chrétiens. Tout cela a péri. La paraphrase en vers des psaumes qu’on lui attribue (P. G., xxxiii, 1313-1538) a peu de chance d’être son œuvre.
Plusieurs des disciples d’Apollinaire ont laissé, comme lui, des écrits que l’on a retrouvés sous de faux noms. Peu de ces pièces toutefois nous sont parvenues entières. Parmi ces dernières il faut mentionner une profession de foi de Vitalis adressée au pape Damase et mise sous le nom du pape Jules ; une lettre de Timothée à Prosdocius, mise encore sous le nom du pape Jules ; une profession de foi de l’évêque Jobius ; un écrit de Valentin contre Timothée et Polémon ; une Encyclique d’un auteur inconnu, attribuée au pape Jules ; un Exposé de foi anonyme, qui est censé l’œuvre d’un des conciles d’Antioche réunis contre Paul de Samosate ; un traité Que le Christ est un, prétendu de saint Athanase ; un autre Sur l’incarnation du Dieu Verbe, mis encore sous le nom d’Athanase ; une troisième lettre censée du pape Jules et un traité De la foi, tous deux conservés en syriaque. Des écrits des autres disciples connus d’Apollinaire, Polémon, Eunomius, Julien, Homonius, il ne subsiste que des fragments ou des citations.