C’est pourquoi il faut bien entendre ces vieux titres qu’on donne à quelques-uns, quand on les nomme saints, comme Saint Paul, Saint Pierre, Saint Jérôme, qui, sans doute, étaient des pécheurs, et, à proprement parler, il n’y a que Dieu qui soit saint ; mais ceux que nous appelons saints, le sont par une justice et par une sainteté étrangères ; savoir, par la sainteté de Jésus-Christ qui est la sainteté de la pure miséricorde de Dieu. Car comme Pierre était saint, ainsi le suis-je aussi, et comme je le suis, ainsi l’était le Larron sur la croix ; car en cette sainteté tous les fidèles sont un, il n’y a point de différence entre eux, et il n’importe point que Pierre et que Paul aient fait de plus grandes choses que moi ou que toi. Il suffit qu’eux et nous soyons tous pécheurs de notre nature, et que nous ayons besoin de la miséricorde et des compassions de Dieu ; car quoique les apôtres soient moins tombés que nous dans des péchés extérieurs, pourtant ils sentaient souvent dans leurs cœurs les aiguillons de la présomption ; ils sentaient souvent du dégoût, des mouvements de défiance et d’éloignement de Dieu, et d’autres pensées qui sont des suites de l’infirmité humaine ; de sorte qu’il n’y a dans la nature de l’homme rien de saint, rien de bon, comme ce psaume qui dit : Dieu a regardé des cieux sur les fils des hommes, et voici, il n’y en avait pas un qui fit le bien, non pas même un seul (Psaumes 14). — Que s’il n’y en a point de bons et de saints parmi les fils des hommes, où sont-ils donc ?
Ne parlons donc point de sainteté et de saints ; mais voici les vrais sanctifiés ; savoir, ceux qui de pécheurs impénitents et insensibles deviennent pécheurs pénitents et sensibles, qui ne présument rien de leur propre justice qu’ils reconnaissent n’être qu’une chimère, et qui commencent à avoir un cœur illuminé pour se connaître et pour connaître Dieu ; savoir, que tout ce qui vient d’eux est mauvais et corrompu et qu’il faut qu’il soit pardonné et couvert par la miséricorde gratuite et les compassions de Dieu. Il faut nécessairement que nous et tous les saints nous nous rejetions dans ce sein de la miséricorde, ou bien il faut être perdu et damné. C’est pourquoi aussi Dieu a envoyé son Fils au monde afin qu’il manifestât ces compassions de Dieu et cette excellente doctrine de la miséricorde que, de sa nature, le cœur] de l’homme ignore, et c’est cette doctrine que David nous propose quand il confesse ses péchés et que pourtant il a recours à une miséricorde plus grande que ses péchés.
Que tous les hommes donc apprennent à chanter avec David ces paroles : O Dieu, aie pitié de moi, etc. ; qu’ils se reconnaissent pécheurs et qu’ils sachent que Dieu est juste, c’est-à-dire miséricordieux, et enclin à justifier le pécheur repentant. Cette confession de notre misère et de la miséricorde de Dieu est un sacrifice à Dieu auquel David nous invite. Car il veut que cette doctrine qu’il nous propose soit généralement reçue dans tout l’univers ; que quand le diable, ou notre conscience nous accuse sur nos péchés, nous avouions et confessions librement que nous avons de grands péchés ; mais que pourtant nous ne désespérions pas pour cela, car quoique nos péchés soient grands et en grand nombre, nous apprenons ici que la miséricorde de Dieu et ses compassions sont grandes et en grand nombre. C’est avec ces armes que tous les saints se sont de tout temps défendus contre Satan ; de sorte que quoiqu’ils aient été pécheurs, pourtant par cette connaissance, ils ont été sanctifiés, selon cette parole d’Esaïe : Mon Serviteur juste en justifiera plusieurs par la connaissance qu’ils auront de lui. (Esaïe ch. 53)