Trois vocables qui ont chacun leur raison d’être particulière, et que les écrivains inspirés ont toujours distingués. πλύνειν veut dire invariablement laver des choses inanimées, c’est-à-dire distinctes d’objets vivants ou de personnes ; le plus souvent des vêtements (εἵματα, Hom., Il. 22, 155 ; ἱμάτιον, Plato, Charm. 161.e ; et dans les Septante continuellement, ainsi στολάς, Apocalypse 7.14) ; mais non exclusivement des vêtements comme l’ont affirmé quelques-uns ; ainsi Luc 5.2, prouve que πλύνειν peut s’appliquer au lavage des filets (δίκτυα : cf. Polybius, 9.6, 3). Quand David s’écrie : πλῦνόν με ἀπὸ τῆς ἀνομίας (Psaumes 51.3), ce n’est pas une exception à la règle, car l’hysope, qui est mentionnée plus loin, montre bien que le monarque repentant avait en vue les aspersions cérémonielles qui se faisaient sur les vêtements des personnes souillées (Lévitique 14.9 ; Nombres 19.6-7), quoique David, à travers ces aspersions, ait pu contempler quelque chose de meilleur et qui est au delà !
Νίπτειν et λούειν expriment l’acte de laver des personnes vivantes ; mais avec cette différence que νίπτειν (remplacé dans la période postérieure de la langue par le mot attique νίζειν) et νίψασθαι expriment presque toujours le lavement d’une partie du corps, — des mains (Marc 7.3 ; Exode 30.19), des pieds (Jean 13.5 ; Plut. Thes. 10), de la face (Matthieu 6.17), des yeux (Jean 9.7), du dos et des épaules (Hom. Od. 6.224) ; tandis que λούειν, qui ne signifie pas tant laver que « baigner » (λοῦσθαι signifie « se baigner »), implique toujours, non le nettoyage d’une partie du corps, mais du corps tout entier (ainsi λελουμένοι τὸ σῶμα, Hébreux 10.22 ; cf. Exode 29.4 ; Actes 9.37 ; 2 Pierre 2.22 ; Apocalypse 1.5 ; Plato, Phœd. 115.a). Cette limitation de νίπτειν aux personnes considérées comme distinctes des choses — limitation qu’observe toujours le N. T. — ne règne point ailleurs sans des exceptions, quoiqu’elles soient très rares ; ainsi, δέπας (Hom. Il. 16.229) ; τραπέζας (Od, 1.112) ; σκεῦος (Lévitique 15.12). Un seul verset dans les Septante (Lévitique 15.1) nous fournit tous les trois vocables et tous employés dans leur vrai sens : καὶ ὅσων ἐὰν ἅψηται ὁ γονοῤῥυὴς καὶ τὰς χεῖρας αὐτοῦ οὐ νένιπται ὕδατι πλυνεῖ τὰ ἱμάτια καὶ λούσεται τὸ σῶμα ὕδατι.
Le passage où il importe le plus de marquer la distinction entre νίπτειν, laver une partie du corps, et λουειν ou λοῦσθαι, laver tout le corps, et où certainement nos versions perdent quelque chose en clarté par l’absence d’un mot qui puisse exprimer le changement du terme originale, c’est Jean 13.10 : « Celui qui est lavé (ὁ λελουμένος) n’a besoin sinon qu’on lui lave (νίψασθαι) les pieds, puis il est entièrement netf ». Le lavement des pieds était un acte symbolique. Pierre ne s’en était pas aperçu d’abord, et, ne s’en étant pas aperçu, il s’était écrié : « Tu ne me laveras jamais les pieds ! » Mais dès qu’il eut saisi le vrai sens de ce qu’avait fait son Seigneur, lui qui venait de refuser au Seigneur la permission de lui laver même les pieds, il le supplie de le laver en entier ! « Seigneur, non pas mes pieds seulement, mais encore mes mains et ma tête » ! Christ répond que cela n’était point nécessaire : Pierre avait déjà eu part à la grande purification, au pardon qui couvre tout l’homme : il était déjà λελουμένος, et ce grand acte d’absolution n’avait pas besoin d’être répété ; à vrai dire, il ne pouvait l’être : « Maintenant vous êtes déjà purs, à cause de la parole que je vous ai annoncée » (Jean 15.3). Mais, tandis qu’il en était ainsi pour l’apôtre par rapport au pardon qui embrassait tout son être, il avait besoin en même temps de se laver les pieds (νίψασθαι τοὺς πόδας), de toujours se nettoyer (ce qui ne pouvait s’effectuer qu’en permettant à son Seigneur de le laver) des souillures qu’il contractait (quoique justifié et en partie sanctifié) à mesure qu’il traversait un monde pécheur. On pourrait presque supposer ici, comme du reste on l’a fait, une allusion à l’ordonnance lévitique d’après laquelle Aaron et ses fils, employés dans le sacerdoce, devaient se laver une fois pour toutes, de la tête aux pieds, lors de leur consécration à leur charge (Exode 27.4 ; 40.12), et d’après laquelle ils devaient aussi se laver les mains et les pieds dans la cuve d’airain aussi souvent qu’ils officiaient en la présence du Seigneur (Exod.30.19, 21 ; 40.31). Cette interprétation aurait plus de poids, si nous n’y trouvions les mains et les pieds dans la même catégorie, tandis qu’ici ils ne sont pas seulement séparés, mais opposés les uns aux autres (Jean 13.9-10). Quoi qu’il en soit, je ne puis douter que tout le mystère de notre justification, qui a lieu une fois pour toutes, satisfaisant à tous nos besoins, embrassant tout notre être, et le mystère de notre sanctification, qui chaque jour doit s’accomplir en nous, ne soient contenus dans l’antithèse entre les deux mots. Augustin l’a bien clairement expliqué (In Ev. Jon. 13.10) : « Homo in sancto quidem baptismo totus abluitur, non præter pedes, sed totus omnino : verumtamen cum in rebus humanis postea vivitur, utique terra calcatur. Ipsi igitur humani affectus, sine quibus in hac mortalitate non vivitur, quasi pedes sunt, ubi ex humanis rebus afficimur. Quotidie ergo pedes lavat nobis, qui interpellat pro nobis : et quotidie nos opus habere est pedes lavemur in ipsa Oratione Dominica confitemur, cum dicimus, Dimitte nobis débita nostra ».
e – La version de Lausanne porte : « Celui qui a été baigné n’a plus besoin que de se laver les pieds. » Celle de Vevey : « Celui qui a tout le corps lavé, » etc. Arnaud suit les anciennes traductions. Albert Rilliet : « Celui qui s’est baigné n’a besoin d’autre chose que de se laver les pieds… » Trad.
f – Le latin souffre de la même pénurie de mots ; ainsi dans la Vulgate, il y a : « Qui lotus est, non indiget nisi ut pedes lavet. » De Wette a cherché à conserver cette variation dans les termes : « Wer gebadet ist, der braucht sich nicht als an den Füssen zu waschen. »
[Bien que l’homme soit lavé tout entier dans le baptême, et ici nous n’exceptons pas même ses pieds, et nous parlons de sa personne tout entière ; cependant, quand ensuite il vit au milieu des affaires humaines, il est obligé de marcher sur la terre. Alors les affections terrestres sans lesquelles il est impossible de vivre en cette vie mortelle sont comme les pieds par lesquels les choses humaines entrent en contact avec nous, et elles nous touchent; de telle sorte que si nous disons n’avoir pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous. Chaque jour celui qui intercède pour nous nous lave les pieds ; et chaque jour nous avouons que nous avons besoin de nous laver les pieds, c’est-à-dire de redresser même nos démarches spirituelles, puisque dans l’oraison dominicale nous disons : « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ».]