Aberdeen, 1637
Madame,
J’attendais avec impatience des nouvelles de votre état spirituel, espérant apprendre que vous avancez vers votre patrie. Vos jours s’enfuient peu à peu, et bientôt vous aurez dépassé les limites du temps présent. Notre vie ici-bas n’est qu’un relais de poste, toutes nos joies sont mêlées de larmes. N’avez-vous pas vu sans cesse le péché enfanter le sourire, puis se terminer dans des pleurs ? et la cause de cette grande misère, quelle est-elle ? sinon cette grande corruption qui empoisonne toutes nos jouissances ici-bas. Oh ! que ne suis-je déjà entré dans ces demeures éternelles où le péché ne régnera plus, où nous ne serons plus retenus dans des liens de fer comme à cette heure ! Seigneur, relâche tes pauvres prisonniers ! Quel est l’enfant de Dieu qui, sur un point ou un autre, n’ait pas quelque raison de reconnaître qu’il a pris part aux vains plaisirs de cette vie, alors même que plus tard il a éprouvé le besoin de s’en éloigner, afin de goûter les joies du repos ! Alors même que le festin actuel serait abondant et somptueux encore, aurions-nous raison de soupirer après ce qui nous attend par-delà ? Crions donc à Dieu, afin que les âmes en souffrance trouvent en Lui le repos qu’elles réclament. O saint et durable repos en Christ, viens me donner ce qui m’est nécessaire, afin que j’en jouisse dans la communion de mon Sauveur ! Heureuses les âmes qui ont franchi le fleuve et dont Jésus-Christ a payé le péage ! elles ont achevé leur fatigant apprentissage ; en liberté dans la cité d’en haut, qui est la nouvelle Jérusalem, elles sont heureuses pour l’éternité.
Oh ! qu’il est triste de se plaire dans ses fers, dans cette vie de péché, dans cette prison, loin de notre Seigneur et de la demeure paternelle ! Que ne pouvons-nous briser la chaîne qui nous lie à ces vanités terrestres, qui ne sont jamais que songes et ombres passagères ! Le ciel alors nous apparaîtrait, et nos cœurs chercheraient plus joyeusement le cher trésor qui s’y trouve caché. Nous aimons la fumée de la terre, parce que nos cœurs et nos pensées y sont attachés ; mais si nous nous élevions à Dieu, nous respirerions l’air céleste ; les habitants des cieux seraient nos frères, et ceux d’ici-bas nous deviendraient étrangers. Les croix que nous avons à porter ne nous sembleraient plus aussi lourdes lorsque nos pensées seraient fixées aux cieux.
J’ignore quel est le genre d’obligations que nous devons à la terre, puisqu’elle n’a que fumée à nous offrir pour toute nourriture. La part qui nous est accordée de ce repas est presque nulle : sommes-nous battus, nous n’osons nous plaindre ; le Seigneur seul sait ce que nous souffrons et comment nous devons suivre notre route. Dieu soit béni de ce qu’il en est ainsi et de ce que nous pouvons encore le prier de nous accorder, au sortir de cette demeure de boue, l’entrée de celle de notre Père céleste. Nous recueillons les meilleurs fruits de la croix, quand, du sein de l’épreuve, nous crions à Dieu de nous admettre dans les célestes demeures, nous étrangers, fatigués, opprimés. Allons donc à Christ, qui est notre héritage. Plions notre tente, posons-la sur nos épaules et rendons-nous dans notre vraie et sainte demeure, car sur cette terre nous n’avons point de cité permanente.
Plein d’espérance, j’attends ce que le Seigneur voudra faire de moi ; qu’Il agisse selon son bon plaisir ; tout ce que je désire, c’est que toute gloire Lui soit rendue. Dans la pleine espérance d’être à Lui, je ne veux agir que sous sa direction. Je demeure son éternel débiteur, car que puis-je faire pour Lui ? Assurément rien. Priez donc pour moi, chère Madame, afin qu’il plaise au Seigneur de m’accorder l’entrée de sa maison, et que je puisse le servir selon ses vues sur moi.
Que la grâce soit avec vous.