1.[1] La loi veut qu'aux frais publics[2] on immole chaque jour des agneaux du même âge au commencement et à la fin du jour[3] ; mais le septième jour, qui s'appelle sabbata, on en égorge deux à chaque sacrifice, le sacrifice se faisant, d'ailleurs, de la même façon. A la néoménie, outre les sacrifices quotidiens, on offre encore deux bœufs avec sept agneaux âgés d'un an et un bélier, plus un bouc pour le pardon des péchés, au cas où on aurait péché par oubli[4].
[1] Nombres, XXVIII, 2.
[2] C'est l'opinion des Pharisiens, fondée sur Nombres, XXVIII, 2 : « Vous observerez pour me l'offrir, etc. » Les Sadducéens croyaient que les sacrifices quotidiens pouvaient être offerts par un particulier à cause du verset 4, qui emploie le singulier : « Tu prépareras le premier agneau, etc. » Cf. Mehanot, 65 ; Meguillat Taanit, I.
[3] Dans Antiquités, XIV, 4, 3, Josèphe précise l'heure du soir ; il dit « vers la neuvième heure ». La même heure environ est indiquée dans la Mishna de Pesahim, V, 1 : « Le sacrifice perpétuel, dit ce texte, est immolé à la 8e heure et demie et offert à la 9e heure et demie ». Cf. aussi C. Apion, II, § 105.
[4] D'après le Talmud (Schebouot, I, 1, et 9 a), le bouc offert aux néoménies (et aux trois fêtes) est destiné à expier les péchés dont on n'aurait eu jamais nulle connaissance et que Dieu seul connaît.
2.[5] Le septième mois, que les Macédoniens appellent Hyperbérétée[6], outre ce qui vient d'être dit, on immole encore un taureau, un bélier et sept agneaux, plus un bouc pour les péchés.
[5] Nombres, XXIX, 1.
[6] Le premier du mois ; les mots qui expriment cette date ont dû être sautés par les copistes. Josèphe ne donne pas non plus ici le nom hébreu du septième mois, à savoir Tisri ; mais on le trouve ailleurs (Antiquités, VIII, § 100).
3.[7] Le dix du même mois lunaire, on jeûne jusqu'au soir et on[8] immole ce jour-là un taureau, deux béliers[9], sept agneaux et un bouc pour les péchés. On offre, en outre, deux boucs, dont l'un est envoyé vivant hors du pays vers le désert et à pour but de détourner et d'expier les péchés du peuple tout entier ; l'autre, on l'amène devant la ville, dans un endroit parfaitement pur, et là on le brûle avec la peau elle-même, sans rien nettoyer du tout. On brûle en même temps un taureau qui n'est pas offert par le peuple, mais qui est donné à ses frais[10] par le grand-prêtre. Une fois ce taureau égorgé, après avoir introduit dans le sanctuaire de son sang ainsi que du sang du bouc, il en asperge sept fois[11] de son doigt le plafond ainsi que le plancher, et autant de fois encore le sanctuaire même et les alentours de l'autel d'or[12] ; le reste, il l'apporte et le répand dans le vestibule. En outre, on dépose sur l'autel les extrémités, les reins, la graisse avec le lobe du foie[13]. Et le grand-prêtre offre encore pour son compte un bélier en holocauste à Dieu.
[7] Nombres, XXIX, 7 ; Lévitique, XVI, XXIII, 26.
[8] Ce que Josèphe rapporte — succinctement — c'est le cérémonial tel qu'il a pu le voir encore au temple de Jérusalem. De son temps, le grand-prêtre n'offrait que les sacrifices propres à la solennité ; les prêtres ordinaires faisaient le reste. Mais d'après les sources rabbiniques, tout le service était effectué anciennement par les grands-prêtres (baraïta de Toma, 32 b ; Houllin, 29 b ; Horayot, 22 b).
[9] Celui dont il est parlé dans Lévitique, XVI, 5, et celui qui est offert pour le peuple, selon Nombres, XXIX, 8. Josèphe se trouve résoudre ainsi comme R. Eléazar bar R. Simon, contre Rabbi, la question de savoir si ces deux passages désignent le même sacrifice ou deux sacrifices différents (voir la baraïta citée dans Toma, 3 a et 70 b). La tradition ultérieure a, au contraire, accepté plutôt l'opinion de Rabbi (v. Maimonide, Hil. Abodat Yom Hakkippourim, I, 1).
[10] Telle est aussi l'opinion du Talmud (Shebouot, 14 a) : « Le kohen l'offre à ses frais, et non aux frais de la communauté » ; cette règle est fondée sur la triple répétition des mots ascher lô (Lévitique, XIII, 6 et fin), que les LXX traduisent chaque fois par : « pour ses fautes ».
[11] La Halacha (Yoma, V, 4, 5) dit que l'aspersion se faisait une fois seulement en haut et sept fois en bas.
[12] Le verset (Lévitique, XVI, 18) dit : « l’autel qui est en face de l'Éternel ». La Mishna de Yoma (V, 5) explique aussi que ces mots désignent l'autel d'or.
[13] Le verset (Lévitique, XVI, 25) dit seulement que le grand-prêtre faisait fumer les graisses du hattat sur l'autel. L'énumération est empruntée à Lévitique, IV, 8-10.
4.[14] Le quinze du même mois, comme la saison s'acheminait désormais vers l'hiver, Moïse ordonne qu'on construise des tentes[15] dans chaque famille afin de se mettre en garde et de se protéger contre le froid de l'année. Et lorsqu'ils auront leur patrie, une fois parvenus dans cette ville qu'ils tiendront pour métropole à cause du temple, pendant huit jours ils célébreront une fête, et offriront alors des holocaustes et des sacrifices de reconnaissance à Dieu, en portant dans leurs mains un bouquet de myrte[16] et de saule avec une branche de palmier et le fruit de la perséa[17]. Ils devront, le premier jour[18], sacrifier comme holocaustes treize bœufs, autant d'agneaux plus un, et deux béliers avec un bouc en sus pour le pardon des péchés. Pour les jours suivants, on sacrifie le même nombre d'agneaux et de béliers avec un bouc, en retranchant chaque jour un bœuf de façon à arriver à sept. On s'abstient de tout travail[19] le huitième jour, et l'on sacrifie à Dieu, comme nous l'avons déjà dit, un veau, un bélier, sept agneaux et un bouc pour le pardon des péchés. Tels sont les usages, consacrés par les ancêtres, que les Hébreux observent pour la fête des tentes.
[14] Lévitique, XXIII, 34.
[15] Josèphe parait faire de l'obligation de construire des tentes une prescription momentanée et omettre ainsi le verset du Lévitique (XXIII, 42). D'après ce qu'il dit plus loin et ce qu'il dit ailleurs de la fête de la scénopégie ou construction des tentes (Antiquités, VIII, § 100), l'on voit que la rédaction est ici inexacte. Selon le Midrash (Tanhouma sur le même verset), Moïse aurait aussi ordonné aux Israélites dans le désert de construire des tentes pour s'abriter contre le froid.
[16] Lévitique, XXIII, 40. Josèphe est conforme a la tradition (Soukka, 32 b), qui explique l'hébreu anaf èç abot par haddas = myrte. Les LXX sont moins exacts.
[17] La tradition appelle ce fruit, — désigné vaguement dans l’Écriture —, etrog, qu'on traduit par cédrat, sorte de citron. Le bouquet formé des quatre espèces devait être porté dans la main, selon l'opinion des Pharisiens, qui est celle de Josèphe ; selon les Sadducéens, il servait à orner la tente (v. Graetz, Geschitche der Juden, III, note 10).
[18] Nombres, XXIX, 13.
[19] Lévitique, XXIII, 36 ; Nombres, XXIX, 35. En hébreu, açéret = clôture ou arrêt.
5.[20] Au mois de Xanthicos, qui s'appelle chez nous Nisan et qui commence l'année, le quatorzième jour en comptant d'après la lune, quand le soleil est au Bélier, — car c'est en ce mois que nous avons été délivrés de l'esclavage des Égyptiens —, il a institué qu'on devait chaque année offrir le même sacrifice que j'ai dit que nous avions offert jadis au sortir de l'Égypte, sacrifice dit Pascha. Nous l'accomplissons par phratries[21] ; rien des chairs sacrifiées n'est gardé pour le lendemain[22]. Le quinze, la fête des azymes fait suite[23] à la Pâque[24], fête de sept jours pendant laquelle on se nourrit d’azymes, et chaque jour on égorge deux taureaux, un bélier et sept agneaux. Tout cela s'offre en holocauste et on y ajoute encore un bouc pour les péchés, qui sert chaque jour au repas des prêtres. Le deuxième jour[25] des azymes, c'est-à-dire le seize, on prend une partie des fruits qu'on a récoltés, auxquels on n'a pas encore touché[26], et estimant qu'il est juste d'en faire hommage d'abord à Dieu à qui l'on doit la production de ce fruits, on lui offre les prémices de l'orge[27] de la façon suivante. Faisant griller une poignée d’épis qu'on broie, puis purifiant les grains d'orge pour les moudre, on en apporte pour Dieu un assarôn[28] sur l'autel, et après on avoir jeté une poignée unique sur l'autel, on abandonne le reste à l'usage des prêtres. Dès lors, il est loisible à tout le monde soit publiquement, soit individuellement de faire la récolte[29]. On offre aussi, outre les prémices des produits du sol, un agnelet en holocauste à Dieu.
[20] Lévitique, XXIII, 5.
[21] C'est-à-dire par groupes d'au moins dix personnes, selon la tradition (haboura). Voir Pesahim, 91 a. Josèphe donne lui-même des détails conformes à la tradition (Pesahim, V, 1) dans le Bellum, VI, 9, 3, § 423.
[22] Lévitique, XXIII, 5 ; Nombres, XVIII, 17.
[23] Il ne faut pas conclure de ce passage que Josèphe ait cru que l'obligation de se nourrir d'azymes ne s'applique pas au 14 Nisan, car il a dit précédemment que la fête des azymes durait huit jours. Ici, d'ailleurs, il insiste surtout sur la cérémonie de l'agneau pascal, qui a lieu le 14, déjà avant la nuit, tandis que la fête proprement dite des azymes ne commence que le soir, qui compte, au surplus, avec le jour suivant.
[24] Lévitique, XXIII, 9.
[25] Josèphe est d'accord avec la tradition pharisienne pour la date de l'offrande de l'ômer d'orge. Selon lui, les mots obscurs des versets du Lévitique (XXIII, 11, 15) : « le lendemain du sabbat » doivent s'entendre du lendemain du premier jour de fête. Les Sadducéens, au contraire (voir la discussion dans Menahot, 65 a, sqq.), estimaient qu'il fallait prendre ces mots à la lettre, de sorte que l'offrande de l'ômer avait lieu toujours un dimanche, de même que la fête de Schabouot, qui survient cinquante jours après ; opinion adoptée ou conservée plus tard par les Juifs Caraïtes. Philon (II, M.. p. 294) est d'accord avec Josèphe et la Halacha ; il emploie également le même mot pour l'orge.
[26] La Mishna de Menahot (VI, 8) compte seulement cinq espèces de céréales dont il n'est pas permis d'user avant Pâque.
[27] Ce n'est pas l'Écriture, mais la tradition qui établit qu'on offrait de l'orge (voir Menahot, 84 a). La manière de préparer l'ômer est indiquée dans la Mishna de Menahot, VI, 4.
[28] = ômer.
[29] Conforme à Menahot, VI, 8.
6.[30] Quand la septième semaine qui suit ce sacrifice est passée, — toutes ces semaines font quarante-neuf jours —, le cinquantième jour, que les hébreux appellent Asartha[31] — ce mot désigne la Pentecôte —, on offre à Dieu un pain composé de deux assarôns de farine de froment mélangés de levain et, comme sacrifice, deux agneaux. Tout cela, offert selon la loi à Dieu, est destiné uniquement au repas des prêtres et il n'est pas permis d'en rien laisser pour le lendemain[32]. On immole aussi comme holocaustes trois veaux, deux béliers, quatorze agneaux et deux boucs pour les péchés[33]. Il n'est pas de fête où l'on n'offre d'holocaustes et où l'on ne donne de relâche aux fatigues du travail ; dans chacune la loi prescrit un genre de sacrifice et un repos exempt de toute peine, et c'est en vue de célébrer des festins qu'on fait ces sacrifices.
[30] Lévitique, XXIII, 15 ; Nombres, XXVIII, 26.
[31] Asartha est le mot araméen açarta = héb. acéret, par lequel on désigne dans la littérature post-biblique la fête de la Pentecôte.
[32] D'après la Mishna de Menahot (XI, 9), les deux pains faits la veille de la fête ne pouvaient durer que ces deux jours, à moins que la fête ne survint le lendemain d'un samedi : en ce cas, les pains duraient trois jours.
[33] Josèphe parait avoir additionné à peu près les données divergentes des deux passages du Lévitique et des Nombres relatifs aux sacrifices de la Pentecôte. Le Lévitique énumère sept agneaux, un bœuf, deux béliers, un bouc expiatoire, et deux agneaux d'actions de grâces. Les Nombres ont sept agneaux, deux bœufs, un bélier, un bouc expiatoire. Josèphe signale d'abord les deux agneaux qui finissent la première liste comme sacrifice spécial de la fête concurremment avec les pains ; puis il additionne les agneaux des deux listes, ainsi que les bœufs (ou les veaux) et les boucs expiatoires ; il ne garde que les deux béliers du Lévitique. C'est ainsi qu'il résout la difficulté qui naît de la comparaison de ces deux passages du Pentateuque. Le système de Josèphe est, d'ailleurs, parfaitement d'accord avec celui de R. Akiba (Menahot, 45 b), qui discute contradictoirement avec R. Tarfon (Tannaïm du commencement du IIe siècle) sur nos deux textes et qui admet que les sacrifices énumérés dans le Lévitique sont prescrits comme accompagnement aux deux pains, tandis que ceux des Nombres sont additionnels (mousafim) et, par conséquent, indépendants des premiers.
7.[34] C'est le peuple qui fournit le pain cuit sans levain ; on y emploie vingt-quatre assarôns. On les cuit deux par deux en les séparant la veille du sabbat ; le sabbat, au matin, on les apporte et on les pose sur la table sacrée en deux séries opposées de six pains. Et, après qu'on a en placé par-dessus deux planchettes chargées d'encens, ils y demeurent jusqu'au sabbat suivant. Alors à leur place on en apporte d'autres ; les premiers sont donnés aux prêtres pour leur nourriture, tandis qu'on fait fumer l’encens sur le feu sacré dont on se sert pour tous les holocaustes et l'on met à sa place d'autre encens au-dessus des pains. Le prêtre offre à ses propres frais[35], et il le fait deux fois par jour, de la farine pétrie dans de l'huile et durcie par une courte cuisson[36] ; il y entre un assarôn de farine dont une moitié est mise sur le feu le matin et l'autre vers le soir. Mais nous avons encore à nous expliquer sur ce sujet avec plus de détails : je crois que, pour le moment, ce que j'en ai déjà dit peut suffire.
[34] Lévitique, XXIV, 5.
[35] C'est ce que la Halacha (Menahot, IV, 6) nomme havité kohen gadôl.
[36] Le Sifra (sur Lévitique, VI, 14) explique le mot hébreu du verset comme s'il y avait « elle sera bouillie » : il semble résulter de là, contrairement à Josèphe, que le gâteau en question se cuisait longtemps et devait avoir plutôt une consistance molle.