Tous ces mots sont traduits, dans les versions ordinaires, les uns occasionnellement, les autres toujours, par « lumière » ; ainsi, φῶς (Matthieu 4.16 ; Romains 13.12, et souvent) ; φέγγος, (Matthieu 24.29 ; Marc 13.24 ; Luc 11.33 ; il ne se représente plus) ; φωστήρ (Philippiens 2.15 ; Apocalypse 21.11 ; il ne se retrouve pas ailleurs) ; λύχνος (Matthieu 6.22 ; Jean 5.35 ; 2 Pierre 1.19, et ailleurs) ; quoique souvent on le rende par « chandelle » (Matthieu 5.15 ; Apocalypse 22.5) ; et λαμπὰς (Actes 20.8), quoique ailleurs on le traduise par « lampe » (Matthieu 25.1 ; Apocalypse 8.10) et par « flambeau », « torche » (Jean 18.3).
Les vieux grammairiens distinguaient entre φῶς et φέγγος (qui ne sont que des formes différentes issues d’un seul et même mot). Φῶς est la lumière du soleil ou du jour ; φέγγος, la lumière de la lune.
Les écrivains de l’Attique auxquels doit revenir cette distinction, si elle revient à quelqu’un, ne la maintiennent eux-mêmes qu’imparfaitement. Ainsi dans Sophocle φέγγος est trois ou quatre fois attribué au soleil (Antig. 800 ; Ajax, 654, 840 ; Trachin. 597) ; tandis que dans Platon nous rencontrons φῶς σελήνης (Rep. 7.516.b ; cf. Esaïe 13.10 ; Ézéchiel 32.7). Les grammairiens ont raison en ceci, que φέγγος indique le plus souvent la lumière de la lune et des autres astres de la nuit, φῶς celle du soleil ou du jour ; ainsi Platon (Rep. 6.508.c) oppose l’un à l’autre ἡμερινὸν φῶς et νυκτερινὰ φέγγη. Ceci, comme tant d’autres fines distinctions dans la langue grecque, est si bien observé dans le N. T., que la lumière de la lune (dans les seuls cas où il en soit question) est rendue par φέγγος (Matthieu 24.29 ; Marc 13.24 ; cf. Joël 2.10 ; 3.15), celle du soleil par φῶς (Apocalypse 22.5). Il s’ensuit que φῶς plutôt que φέγγος forme l’exacte antithèse de σκότος (Plato, Rep. 7.518.a ; Matthieu 6.23 ; 1 Pierre 2.9) ; et que généralement φῶς représente la désignation la plus absolue de la lumière ; ainsi Habakuk 3.4 : καὶ φέγγος αὐτοῦ [τοῦ Θεοῦ] ὡς φῶς ἒσται. Voir Dœderlein, Lot. Syn. vol. 2, p. 69.
Φωστήρ, comme nous l’avons dit, est traduit par « lumière » dans nos versions ; ainsi, dans Philippiens 2.15 : « Parmi lesquels vous brillez comme des lumières dans le monde (ὡς φωστῆρες ἐν κόσμῳ). » Il serait difficile de dire mieux, et cependant cela ne rend pas avec une entière précision la pensée de St. Paul. Les φωστῆρες sont ici les corps célestes, « luminaria » (Vulg.), « Himmeislichter » (De Wette), et principalement le soleil et la lune, les « lumières », ou « grandes lumières (« luces », Cicero, Poet), dont parle Moïse, Genèse 1.14, 16, où מְאֹרוֹת est rendu par φωστῆρες dans les Septante. Comparez Sira.43.7, où la lune est désignée par φωστήρ ; et Sagesse 13.2, où l’expression φωστῆρες οὐρανοῦ est exactement équivalente à φωστῆρες ἐν κόσμῳ ici ; en effet, le κόσμος de cet endroit-ci c’est le monde matériel, c’est le στερέωμα ou firmament, et non le monde moral déjà rendu par γενεὰ σκολιὰ καὶ διεστραμμένη. Il serait difficile de mieux traduire que ne le font les versions ordinaires, qui rendent Apocalypse 21.11, par : « sa lumière [ὁ φωστὴρ αὐτῆς] était semblable à une pierre très précieuse ». Le mot « éclat » donnerait une fausse idée ; cependant « sa lumière » n’est pas tout à fait satisfaisant, car il y règne une certaine amphibologie. Cela peut signifier « la lumière que répandait la cité céleste », tandis que φωστήρ signifie « ce qui répandait de la lumière sur la cité céleste », c’est-à-dire son luminaireg. Et quant à ce qu’était ce luminaire, le vers. 23 nous l’apprend : « Sa lumière, c’est l’Agneau » ; ὁ λύχνος αὐτῆς y étant équivalent à ὁ φωστὴρ αὐτῆς dans notre verset.
g – Les versions de Lausanne et de Vevey ont « luminaire », ainsi que celle de Rilliet, mais celle d’Arnaud porte « éclat ».
Quant à λύχνος et à λαμπάς, disons que ce dernier mot doit toujours être rendu par flambeau, et λύχνος par lampe. Λύχνος n’est point une « chandelle » (« candela », de « candeo », la bougie de cire blanche, et ensuite toute espèce de bougie), mais une lampe à main et que l’huile alimente. Λαμπάς n’est pas non plus une « lampe », mais une « torche », et cela, non dans le grec attique seulement, mais encore dans le grec hellénistique de date plus récente (Polyb. 3.93, 4 ; Herodian., 4.2 ; Plutarch., Timol. 8 ; Alex. 38 ; Juges 7.16, 20) ; et, je le crois, toujours dans le N, T. Comme preuve que dans Apocalypse 8.10, λαμπάς doit être traduit par « flambeau » (« Fackel », De Wette), voir Aristote, De Mund. 4. — On peut objecter que dans la Parabole des dix Vierges, les λαμπάδες sont alimentées d’huile et qu’elles doivent être des lampes. Mais il n’en est pas ainsi. Elphinstone montre (History of India, vol. I, p. 333) qu’en Orient, on alimente d’huile une torche aussi bien qu’une lampe. Voici ses paroles : « La vraie manière d’éclairer, pour les Indous, c’est au moyen de torches que tiennent des hommes qui en alimentent la flamme d’huile au moyen d’une sorte de bouteille (l’ἀγγεῖον de Matthieu 25.4) construite à cet effet ».
Bien des passages gagneraient en clarté tout simplement par la distinction de φῶς et de λύχνος.
Dans notre Martin (2 Pierre 1.19), le mot « chandelle » doit être remplacé par « lampe », ainsi qu’il traduit le même λύχνος Jean 5.35.
Dans le cas de Jean-Baptiste, λύχνος a pour antithèse φῶς et dans le passage de l’épître, φωσφόρος. L’opposition est ici transférée dans la sphère la plus élevée du monde spirituel à laquelle songeait le poète, quand il écrivit ces beaux vers :
Night’s candles are burnt out, and jocund Day
Stands tiptoe on the misty mountain topsh.
h – Cette dernière citation (Shakespeare, Romeo and Juliette, 3.5) est donnée par notre auteur ; nous en avons omis, dans ce paragraphe, quelques lignes qui se rapportaient à la version anglaise. (Trad.)