Contre Marcion

LIVRE II

Chapitre XIX

Jusque dans le commerce habituel de la vie et au milieu des détails les plus vulgaires, au dedans, au dehors, Dieu leur prescrivit la forme des moindres vases destinés aux ablutions, afin qu’environnés partout de ces observances légales, ils ne perdissent pas un moment de vue la présence de Dieu. En effet, « quelle autre condition de bonheur pour l’homme que de reposer sa volonté dans la loi sainte, et de la méditer et le jour et la nuit ? » N’imputons point à la sévérité de son fondateur la promulgation de cette loi. Elle est l’œuvre d’une bonté souveraine, qui travaillait à dompter la rudesse de son peuple, et soumettait, par des rites multipliés et fatigants, une foi novice encore. Nous ne parlons point ici des sens mystiques de cette loi, toute spirituelle, toute prophétique, symbole auguste de l’avenir. Il suffit pour le moment de démontrer que son but naturel étant d’enchaîner l’homme à Dieu, elle ne peut mériter aucun blâme, sinon celui des pervers qui ne veulent pas servir Dieu.

C’est encore dans ces vues bienfaisantes, bien plus que pour appesantir le fardeau de la loi, que la bonté du Très-Haut suscita dans ses prophètes des prédicateurs d’une morale digne de lui. « Faites disparaître de votre âme la malice de vos pensées : apprenez à faire le bien. Recherchez la justice ; relevez l’opprimé ; protégez l’orphelin ; défendez la veuve ; ne rejetez pas qui vous consulte ; fuyez le contact du méchant ; rompez les liens de l’iniquité ; portez les fardeaux de ceux qui sont accablés ; brisez les contrats injustes. Partagez votre pain avec celui qui a faim ; recevez sous votre toit ceux qui n’ont point d’asile. Si vous voyez un homme nu » couvrez-le, et ne méprisez point la chair dont vous êtes formé. Préservez votre langue de la calomnie, et vos lèvres des discours artificieux. Eloignez-vous du mal ; pratiquez le bien ; cherchez la paix, et poursuivez-la sans relâche. Entrez en colère, et ne péchez pas. » Qu’est-ce à dire, Ne persévérez pas dans votre ressentiment, ou ne vous vengez point. « Heureux l’homme qui n’est point entré dans le conseil de l’impie ; qui ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs, et ne s’est point assis dans la chaire empoisonnée ! » Où donc siégera-t-il ? « Qu’il est bon, qu’il est doux à des frères d’habiter ensemble, en méditant et le jour et la nuit la loi du Seigneur ! Il vaut mieux établir sa confiance dans le Seigneur que dans les hommes, et espérer en lui que dans les princes de la terre. En effet, quelle est la récompense de l’homme qui sert son Dieu ? Il sera comme l’arbre planté près du courant des eaux, qui donne des fruits en son temps, et dont les feuilles ne tombent point. Tout ce qu’il voudra entreprendre lui réussira. Celui qui a les mains innocentes et pures, qui n’a pas reçu son âme en vain, et qui ne s’est jamais parjuré vis-à-vis du prochain, celui-là recevra la bénédiction du Seigneur, obtiendra la miséricorde de Dieu son sauveur. Car voilà que l’œil du Seigneur est ouvert sur ceux qui le craignent, sur ceux qui espèrent en sa miséricorde. Il délivrera leur âme de la mort, » de la mort éternelle, « et il les nourrira dans leur faim, » c’est-à-dire encore dans leur faim de la vie éternelle. « De grandes tribulations sont réservées ici-bas aux justes ; mais le Seigneur les délivrera de tous les maux. La mort de ses élus est précieuse aux yeux du Seigneur. Dieu garde tous leurs os : il n’y en aura pas un seul de brisé : le Seigneur rachète l’a me de ses serviteurs. » Voilà, entre mille, quelques préceptes empruntés aux Ecritures du Créateur. Rien ne manque, j’imagine, au témoignage de son infinie bonté, ni les préceptes de charité qu’il établit, ni les récompenses qu’il promet.

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