La difficulté n’est pas de l’exciter, mais d’éviter de l’exciter ; car le ridicule se trouve presque partout où est la déraison.
– En vérité, dit Pascal, il est glorieux à la religion d’avoir pour ennemis des hommes si déraisonnables.
– Il faut avouer, disait Boileau, que Dieu a de plats ennemis.
Mais il faut éviter d’exciter le ridicule ; car cette impression est de celles qui ferment l’âme aux émotions religieuses. Il faut se garder d’ériger en motif la peur du ridicule ; car les hommes n’éviteront plus le mal comme mal, mais comme ridicule ; on se repent davantage d’un péché quand ce péché est en même temps une sottise. Il faut s’en garder parce que le ridicule s’attache presque aussi aisément au bien qu’au mal. [L’emploi du ridicule est l’invocation du respect humain, pas autre chose. D’ailleurs, le ridicule peut faire éviter une action, mais il ne corrige pas l’âme. Cela fait voir combien la prétention de corriger les mœurs, castigare mores, par la comédie, est vaine. Si l’emploi du ridicule peut être admis dans le tête-à-tête ou dans un livre, il ne peut l’être devant une assemblée, quand il s’agit de sujets graves. Des hommes rassemblés sont susceptibles d’impressions très diverses, qu’un homme seul ne ressent pas au même degré. Quand on emploie la réduction à l’absurde, il faut donc se garder d’aller trop loin.]