Sonnets Chrétiens


Livre Second — Sonnet IX

Sur les Larmes d’Esaü

Profane, en vain ces pleurs d’une lâche tristesse
Coulent, en ce moment, du canal de tes yeux ;
Et d’un frère béni détestant la finesse,
En vain ta voix éclate en termes odieux.
Misérable chasseur, lorsque la faim te presse,
Dans l’aveugle appétit d’un ventre furieux,
Pour un grossier repas, tu vends ton droit d’aînesse,
Et pour jamais tu perds un bien si précieux.

Infâme ! après cela tu prétends l’avantage,
La promesse, les fruits, la gloire et l’héritage,
Que ta bouche infidèle a cédés lâchement ?
Mais si ton nom toujours fut en horreur aux hommes,
Puis-je pas, aujourd’hui, crier amèrement,
Mon Dieu, que d’Esaüs dans le siècle où nous sommes !


7 : Jacob céda le plaisir d’une viande, et il reçut l’honneur de la dignité. (St. Augustin.) Le droit des aînés, parmi les Hébreux, consistait principalement en trois choses : la seigneurie sur leurs frères, la double portion des biens paternels, et l’office de la sacrificature jusqu’au temps du sacerdoce lévitique. 14 : Esaü représente tous les hommes charnels, animaux et sensuels, qui pour les biens du siècle méprisent ceux de l’éternité. (St. Augustin)

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