Lave-moi tant et plus de mon iniquité, et me nettoie de mon péché.
Jusques ici David a demandé grâce et la rémission des péchés, et a cherché la faveur de son Dieu, demandant qu’il pardonnât et à lui et à nous tous, et qu’il effaçât le péché par sa grande miséricorde ; car c’est ici la première chose et le premier pas qui se doit faire après la connaissance du péché ; savoir, de recevoir et d’embrasser la grâce de Dieu, d’avoir un Dieu propice et favorable, et, en nous jetant dans le sein de la miséricorde de Dieu, de mettre notre confiance aux glorieuses promesses que Dieu nous fait de sa grâce et de son amour. Ce sont ces promesses que les anciens avaient aussi bien que nous ; ils les avaient dans un Messie promis, comme nous les avons dans le baptême, le sceau d’un Messie et d’un Rédempteur venu. Dans ces paroles-ci où il demande d’être lavé de son péché, il nous propose une autre distinction du péché que nous avons déjà mentionnée ci-dessus. Car nous avons distingué entre le péché qu’on sent et le péché qu’on ne sent point, comme il y a de deux sortes de pécheurs, des pécheurs sensibles à leurs péchés et pénitents et des pécheurs endurcis et impénitents qui étant dans l’aveuglement et dans la sécurité, ne sentent point leurs péchés. Ici David nous montre que ce péché qu’on sent peut être considéré sous un double point de vue, car il peut l’être ou comme péché pardonné et couvert par la grâce, ou comme péché qui est encore restant en la chair dans laquelle il se fait sentir. Le péché considéré comme remis et pardonné, c’est quand le Saint-Esprit nous assure que Dieu, malgré nos péchés, ne veut point nous abandonner pour l’amour de Jésus-Christ, mais qu’il veut nous regarder en ses compassions quoique nous soyons de pauvres pécheurs misérables et perdus. Cette idée seule du péché ne suffit pas, parce que nous retombons souvent dans le péché ; et nous voudrions non seulement que le péché fût remis, mais qu’il fût entièrement aboli. Il y a donc une idée du péché qui, comme le dit Saint Augustin, nous le fait considérer comme demeurant par effet, mais dont la coulpe et la peine passe et est ôtée. C’est-à-dire que la chose même qui est péché demeure et reste encore en la chair des enfants de Dieu, et qu’elle est pardonnée et supportée par la patience de Dieu, quoiqu’elle ne soit pas entièrement morte ; car la tête du serpent est bien brisée, il est vrai, par Jésus-Christ, mais pourtant sa langue se fait encore voir et sa queue se remue aussi pour nous piquer et nous endommager. Le péché ne peut donc plus nous condamner quand la miséricorde et la grâce de Dieu règnent sur nous, ni nous rendre les objets de son indignation et de sa colère ; il demeure pourtant encore dans les âmes justifiées, des restes du péché, comme la concupiscence et d’autres mouvements coupables que notre prophète envisage et découvre en soi comme les liens et les semences du péché : et il prie pour l’entier nettoiement et la parfaite libération du péché, de même qu’il l’avait fait pour la rémission et le pardon.
Voici donc la seconde partie de sa demande, qui nous montre, comme j’ai dit, une seconde division du péché ; savoir, que Dieu veut effacer le péché en le pardonnant, et l’ôter quant à sa condamnation et à sa force et non quant à la chose même et à la nature inhérente du péché. La force du péché c’est d’accuser, de condamner, de ronger et de blesser la conscience, et d’ôter la paix de l’âme, en nous mettant devant les yeux un Dieu courroucé et les peines de l’enfer. C’est cette force du péché qui est abolie et ôtée par la miséricorde gratuite de Dieu ; mais les restes de ce venin demeurent encore dans l’âme. Ainsi, voici deux choses également véritables qui paraissent pourtant contradictoires ; savoir, qu’un vrai chrétien n’a aucun péché et que pourtant tous les vrais chrétiens ont des péchés. C’est de là que naît cette distinction du péché, qu’il y a dans les enfants de Dieu un péché pardonné et couvert, et un péché encore inhérent qu’il faut tous les jours tâcher d’extirper et s’efforcer de nettoyer de plus en plus. Le péché pardonné c’est celui qui est aboli par la foi et par la confiance en la miséricorde, afin qu’il ne puisse plus accuser et condamner ; mais qui cependant cherche toujours à regermer, qui combat dans nos membres pour tâcher de se produire derechef en mauvais fruit comme il faisait auparavant, et pour nous jeter dans la sécurité, dans l’ingratitude et dans le mépris de Dieu, comme nous étions auparavant. Voilà les efforts des restes du péché demeurant en nous, que les saints et les âmes justifiées sentent, mais qu’ils mortifient et surmontent par la force du Saint-Esprit, de sorte qu’ils n’obéissent point au péché dans ses convoitises.