La controverse avec les donatistes ne portait pas seulement sur la notion de l’Église, elle portait encore sur les conditions de validité des sacrements. Elle a donc donné à saint Augustin l’occasion de s’expliquer et d’émettre sur ce sujet une série de vues qui ont amené, dans la théologie des sacrements, un progrès décisif.
Le sacrement, pour saint Augustin, est avant tout le signe sensible d’une chose sainte : « (Signa) cum ad res divinas pertinent, sacramenta appellantur. » Il y a donc dans tout sacrement deux éléments, un objet matériel, visible qui signifie, et un objet invisible, spirituel qui est signifié et symbolisé : « Ideo dicuntur sacramenta quia in eis aliud videtur, aliud intellegitur. » C’est la distinction entre sacramentum, dont notre auteur restreint souvent la signification à désigner seulement l’élément matériel, le signe, et res, virtus sacramenti qui désigne la réalité spirituelle et sainte : « Nam et nos hodie accipimus visibile cibum… sed aliud est sacramentum, aliud virtus sacramenti. »
Or, entre ces deux éléments il y a un rapport de similitude : l’élément matériel symbolise d’une certaine manière, par sa nature même, la réalité dont il est le signe : « Si enim sacramenta quamdam similitudinem earum rerum quarum sacramenta sunt non haberent, omnino sacramenta non essent. » Les sacrements, bien qu’ils soient d’institution divine, on le dira, ne sont donc pas des signes purement conventionnels : ils sont, dans une bonne mesure, des signes naturels : la volonté divine qui a définitivement établi le rapport entre le signe et la chose signifiée a trouvé dans la manière d’être ou d’agir du symbole un fondement à son choix.
Un sacrement est donc avant tout, pour saint Augustin, le signe à la fois naturel et conventionnel d’une chose sainte. Il peut n’être que cela, et c’est en ce sens que notre auteur appelle sacrements le sel bénit donné au baptisé, les exorcismes du baptême, la tradition même du symbole et de l’oraison dominicale aux catéchumènes. C’est en ce sens encore que les rites de l’ancienne Loi — sauf la circoncision — qui ne faisaient qu’annoncer le Christ et le salut, sans les apporter, étaient des sacrements. Mais, outre cette acception large qui en fait un simple signe, Augustin donne souvent au mot sacrement un sens plus étroit qui en rapproche la conception de notre conception actuelle. Parmi ces rites sacrés, en effet, le saint docteur en distingue un certain nombre qui ne sont pas seulement des signes d’une réalité spirituelle correspondante, mais dont la collation entraîne de plus la production de cette réalité spirituelle d’une façon certaine. Au sacramentum est attachée sa res ou virtus quand il est posé et reçu dans des conditions données. C’est par exemple, pour le baptême la régénération spirituelle, pour la confirmation la personne du Saint-Esprit, pour l’eucharistie la vie, fruit de la nourriture mangée, et d’une manière générale « la grâce qui est la vertu des sacrements ».
Voilà, au sens augustinien, le sacrement strictement dit. Nous examinerons plus loin si le lien qui rattache ainsi l’existence du don spirituel au signe sensible est proprement un rapport de causalité. Portons pour le moment notre attention sur le rite matériel : il signifie la grâce et est lié à sa production. Qu’est-ce qui, pratiquement et immédiatement, l’élève à cette dignité et lui communique cette vertu : qu’est-ce qui fait par exemple que l’eau touche le corps et purifie le cœur : « Unde ista tanta virtus aquae ut corpus tangat et cor abluat ? » Le saint docteur répond : C’est la parole : « Quare non ait (Christus) : mundi estis propter baptismum quo loti estis, sed ait : propter verbum quod locutus sum vobis, nisi quia et in aqua verbum mundat ? Detrahe verbum, et quid est aqua nisi aqua ? Accedit verbum ad elementum, et fit sacramentum, etiam ipsum tanquam visibile verbum. » On a vu dans ce texte la preuve que saint Augustin admettait que le rite sacramentel lui-même — par opposition à sa res ou virtus — se composait de deux éléments, une matière ou un geste visible et des paroles : les paroles donnant au geste ou à la matière sa vertu sanctificatrice. Et sans doute le texte de saint Augustin n’exclut pas cette explication ; mais il est à croire que l’auteur ne restreignait pas aux seules paroles qui accompagnent la collation du rite — et que nous appelons la forme — la vertu sanctificatrice du sacrement. Pour lui, comme pour saint Ambroise, ce qui rend l’eau capable de purifier le cœur dans le baptême, c’est d’abord la bénédiction préalable qu’elle reçoit : « Quia baptismus id est salutis aqua non est salutis, nisi Christi nomine consecrata, qui pro nobis sanguinem fudit, cruce ipsius aqua signatur ». La formule trinitaire a sa part dans cette action sanctificatrice, mais elle ne vient qu’en second lieu. Il n’est donc nullement certain que dans le passage cité plus haut le mot verbum désigne et surtout désigne uniquement l’invocation de la Trinité qui accompagne l’effusion baptismale ; il peut désigner aussi la bénédiction préalable de l’eau, et même il peut désigner la récitation du symbole faite par le baptisé. Saint Augustin n’ajoute-t-il pas au même endroit : « Unde ista tanta virtus aquae ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo : non quia dicitur sed quia creditur ? Nam et in ipso verbo aliud est sonus transiens, aliud virtus manens… Mundatio igitur nequaquam fluxo et labili tribueretur elemento, nisi adderetur in verbo. »
Les sacrements ainsi composés — rite visible et don spirituel qui y est attaché — ont pour auteur Jésus-Christ. Le saint docteur ne mentionne expressément, il est vrai, comme institués par lui que le baptême et l’eucharistie, mais il ajoute : « et si quid aliud in Scripturis canonicis commendatur. ».
Quant au nombre des sacrements proprement dits de la Nouvelle Loi, on comprend que saint Augustin n’ait pas songé à le fixer. Cependant, si l’on excepte la pénitence et l’extrême-onction, on trouve chez lui désignés par le mot de sacrement tous les rites que nous connaissons sous ce nom : le baptême, la confirmation et l’eucharistie, l’ordination, qui est comparée au baptême, et enfin le mariage. Mais le baptême et l’eucharistie sont les sacrements principaux, parce qu’ils sont ceux de l’initiation chrétienne et sortirent du côté ouvert du Rédempteur : « Inde sacramenta manarunt quibus credentes initiantur ».
Les sacrements ont pour but général de relier entre eux par des signes sensibles les membres de la communauté religieuse. Ceux de l’ancienne Loi avaient de plus celui d’annoncer le Christ : « praenuntiativa erant Christi venturi ». Ils différaient d’ailleurs de ceux de la Nouvelle en ce qu’ils étaient nombreux, onéreux, et d’efficacité moindre, ceux de l’Église de Jésus-Christ étant « virtute maiora, utilitate meliora, actu faciliora, numero pauciora ». Parmi les premiers, le saint docteur distingue la circoncision qui pour les anciens tenait lieu de baptême.
Plusieurs des points de la doctrine résumée jusqu’ici ont été fixés par l’évêque d’Hippone à l’occasion de la controverse donatiste. Cette controverse cependant avait un objet spécial qu’il faut maintenant aborder. Saint Cyprien et les rebaptisants avaient requis dans le ministre du sacrement, pour la validité de ce sacrement, la foi : les donatistes exigeaient de plus la sainteté au moins extérieure. Ni les uns ni les autres d’ailleurs ne distinguaient entre la validité et l’efficacité sacramentelle. Saint Augustin devait donc déterminer quelle part revenait, dans la production et l’action du sacrement, au ministre qui le donne, et dire si cette part était aussi grande que le prétendaient les adversaires. Mais il se trouvait dès lors entraîné aussi à déterminer sur ces mêmes points la part qui revient au sujet et au rite sensible. C’était la question de la validité et de l’efficacité sacramentelle dans toute son ampleur qui se posait devant lui. L’évêque d’Hippone l’a traitée en ayant spécialement en vue les deux sacrements du baptême et de l’ordre, objet particulier du débat avec les donatistes ; mais les principes qu’il énonce, comme ceux d’ailleurs qu’on lui opposait, sont généraux et s’appliquent à tous les rites assimilables aux deux précédents.
Il distingue d’abord nettement la validité du sacrement de son efficacité ou du fruit qu’on en retire, distinction — il le remarque — dont l’omission avait causé l’erreur de saint Cyprien : « Non distinguebatur sacramentum ab effectu, vel usu sacramenti ». « Aliud est non habere, aliud non utiliter habere. » Le sacrement peut donc exister, être valide, sans que le sujet reçoive la grâce qui devrait l’accompagner.
Or, pour la validité du sacrement ni la foi ni la sainteté du ministre ne sont requises. Saint Augustin établit cette proposition d’abord par cette coutume de l’Église de ne réitérer ni le baptême ni l’ordre à ceux qui, ayant reçu une fois ces deux sacrements, ont passé ensuite au schisme ou à l’hérésie, puis sont revenus à l’Église. Si on ne les leur administre pas de nouveau, c’est donc qu’ils ne les avaient pas perdus dans leur désertion ; s’ils ne les avaient pas perdus, ils pouvaient donc toujours en exercer les prérogatives, et dès lors il est vrai que le prêtre ou l’évêque dissident baptise validement, confère validement les ordres.
Ceci est une première raison ; notre auteur en tire une seconde de la doctrine du caractère. On ne réitère pas dans l’Église le baptême et l’ordination : pourquoi ? Parce que l’un et l’autre impriment en celui qui les reçoit un caractère indélébile qui persiste même dans le péché et l’hérésie : « Nulla ostenditur causa cur ille qui ipsum baptismum amittere non potest, ius dandi potest amittere. Utrumque enim sacramentum est, et quadam consecratione utrumque homini datur ; illud, cum baptizatur ; istud cum ordinatur ; ideoque in catholica utrumque non licet iterari. » Ce caractère est comparable à l’empreinte mise sur les monnaies impériales, à la nota militaris du soldat, au signe dont on marque les brebis d’un troupeau : c’est une consécration qui ne s’efface pas ; et dès lors, la conclusion est la même : le ministre une fois validement ordonné baptise et ordonne lui-même validement, même séparé de l’Église ou se trouvant en état de péché.
Mais le pécheur public ou l’hérétique sont-ils capables cependant de dispenser les dons spirituels que sont les sacrements ? Ici saint Augustin, continuant la pensée de saint Optat et enfonçant davantage dans le sujet, touche à la raison dernière de sa thèse. Ces sacrements que confère le ministre indigne ne sont pas les siens, mais ceux de Dieu, ceux de l’Église, et son état moral ne fait pas que ce qu’il confère ne soit pas le don de Dieu, le don de l’Église : « Qui autem solo sacramento sacerdos est… quamvis ipse non sit verax, quod dat tamen verum est si non det suum sed Dei. » Ce ministre indigne n’est pas ministre principal du sacrement ; il n’est qu’un instrument dont se sert Jésus-Christ : c’est Jésus-Christ qui, en réalité, baptise par les mains de Pierre, de Paul ou de Judas ; et l’indignité de l’instrument ne saurait paralyser son action. Bref, la validité des rites sacramentels ne dépend pas de l’état moral du ministre humain, de sa foi ou de son état de grâce.
Si leur validité n’en dépend pas, leur efficacité en dépendrait-elle ? Il y a ici, dans les réponses de saint Augustin, des nuances à remarquer. Il affirme sans hésiter que tout sacrement reçu dans la vraie Église par un sujet bien disposé produit en lui tout son effet quel que soit l’état de péché et de perversité du ministre qui le confère ; la plus grande sainteté ou indignité du ministre n’influe pas sur l’étendue de la grâce reçue, toujours par cette raison qu’il n’est qu’un instrument entre les mains du Christ : « Illud quod dictum est unum est, nec impar propter impares ministros, sed par et aequale propter Hic est qui baptizat. » Saint Augustin maintient cette même réponse dans le cas où un mourant bien disposé reçoit le baptême de la main d’un hérétique, c’est-à-dire en dehors de l’Église : son baptême lui remet ses péchés. Mais notre auteur n’est plus aussi affirmatif lorsque le cas d’extrême nécessité n’existant pas, un catéchumène de bonne foi se fait baptiser dans l’Église schismatique : il le considère comme « blessé, et gravement par le sacrilège du schisme ». L’évêque d’Hippone est ici impressionné par la doctrine de saint Cyprien, doctrine qu’il a faite sienne, sur l’Église organe unique de la sanctification et unique lieu de salut et de rémission des péchés. Le baptême des schismatiques est au fond celui de l’Église, et ainsi le baptême vrai ne se trouve pas que dans l’Église, mais en elle seule il se trouve d’une façon efficace pour le salut : « nec in qua sola (Ecclesia) unus baptismus habetur, sed in qua sola unus baptismus salubriter habetur ».
Cette dernière hésitation de saint Augustin n’empêche pas qu’il ne regarde très nettement dans l’ensemble la validité et l’efficacité des sacrements comme indépendantes des dispositions du ministre qui les confère. En est-il de même des dispositions du sujet qui les reçoit ?
Sans aucun doute, en ce qui regarde la validité : « Nihil interest ad baptismi sanctitatem quanto quisque peior id habeat, et quanto peior id tradat ; potest tamen tradere separatus, sicut potest habere separatus, sed quam perniciose habere tam perniciose tradere. » Le même principe vaut pour l’ordination. Mais naturellement, l’effet de grâce n’est produit qu’autant que le sujet est bien disposé. Que si le sujet d’abord impénitent ou schismatique se convertit plus tard et rentre dans l’unité, alors le sacrement dont la vertu avait été en quelque sorte paralysée par ses mauvaises dispositions revivra et donnera ses fruits de salut : « Et ideo si ab illa perversitate correctus et a separatione conversus venerit ad catholicam pacem, sub eodem baptismate quod acceperat eius peccata dimittuntur, propter vinculum charitatis, sub quo baptismate peccata eius tenebantur propter sacrilegium divisionis. »
Est-ce donc que les bonnes dispositions du sujet sont proprement la cause de la production de la grâce dans la réception du sacrement ? Le langage même dont se sert saint Augustin écarte cette explication ; mais elle est écartée plus radicalement encore par sa doctrine sur l’efficacité du baptême et de l’eucharistie chez les enfants. Ces enfants ne reçoivent pas seulement validement le baptême, ils le reçoivent salubriter. Ils n’ont cependant pas même la foi actuelle, mais ils ne lui opposent aucun obstacle positif, et cela suffit : « etiamsi fidem nondum habeat in cogitatione, non ei tamen obicem contrariae cogitationis opponit, unde sacramentum eius salubriter percipita ». Cette explication est encore écartée par une singulière théorie de notre auteur sur la reviviscence des péchés. Il est tellement préoccupé de sauvegarder l’efficacité objective du baptême et de la rendre indépendante même des dispositions du sujet qu’il ne condamne pas l’hypothèse faite par les donatistes que, en un sujet schismatique ou mal disposé, les péchés seraient d’abord effacés par le baptême, mais pour revivre aussitôt par suite de l’impénitence du baptisé.
a – Epist. 98.10. Non obicem opponere, c’est le mot qui sera consacré plus tard pour désigner les dispositions suffisantes du sujet.
La grâce conférée dans le sacrement ne vient donc pas des dispositions du sujet : celles-ci sont une condition sine qua non de son obtention, elles n’en sont pas la cause méritoire ou productrice. Comme cette grâce ne vient pas davantage du ministre, il semble que la conséquence soit qu’elle vient du rite lui-même, du sacrement. Oui, sans doute, en ce sens que la position du rite, dans les conditions voulues, entraîne toujours la collation de la grâce ; mais non en ce sens que le rite lui-même soit la cause de la grâce. Saint Augustin ne pousse pas ses déductions aussi loin. N’oublions pas que pour lui, le ministre n’est que l’instrument de Jésus-Christ qui agit par ses mains. La collation du sacrement est donc un acte de Jésus-Christ, et le sacrement lui-même, le rite sensible, un signe sous lequel le Christ glorieux, mais vivant toujours dans l’Église, cache son action sanctificatrice : Hic est qui baptizat. Le sacrement est encore une enveloppe extérieure qui couvre l’opération intime du Saint-Esprit : « Aqua igitur exhibens forinsecus sacramentum gratiae, et Spiritus operans intrinsecus beneficium gratiae, solvens vinculum culpae. » On peut le comparer à la parole du prédicateur servant de véhicule à l’action de Dieu dans les âmes. Dans ces conceptions, le rôle du rite est de symboliser, de signifier extérieurement l’effet de grâce directement produit par le Saint-Esprit ou par Jésus-Christ plutôt que d’en être proprement la cause.
Reste enfin la question de l’intention du ministre et du sujet requise pour la validité du sacrement. La solution en devenait embarrassante dans certains cas mentionnés par saint Augustin à la fin de son traité De baptismo (vii, 101, 102). On se demandait ce qu’il fallait penser du baptême reçu d’une façon fictive et purement extérieure, soit que le sujet eût voulu tromper les assistants, soit qu’il s’agît uniquement d’une comédie (utrum fallens, sicut in Ecclesia, vel in ea quae putatur Ecclesia ; an iocans, sicut in mimo) ; ce qu’il fallait penser aussi du baptême conféré par un ministre qui n’a pas l’intention de vraiment le donner, soit que le sujet n’ait pas non plus l’intention de le recevoir, soit dans le cas où l’acteur, subitement converti, voudrait sincèrement le recevoir de l’autre acteur qui le lui donne en se jouant. A toutes ces difficultés, saint Augustin répond que l’Église n’a pas donné de solution. Que si on exige son avis particulier, le voici : 1° : « Nequaquam dubitarem habere eos baptismum qui ubicumque, et a quibuscumque, illud verbis evangelicis consecratum, sine sua simulatione, et cum aliqua fide accepissent » (102). L’intention du ministre n’est donc pas requise pour la validité du baptême ni dans l’Église, ni chez les hérétiques. 2° : « Sicut iam praeteritis maiorum statutis, non dubito etiam illos habere baptismum, qui quamvis fallaciter id accipiant, in Ecclesia tamen accipiunt, vel ubi putatur esse Ecclesia, ab eis in quorum societate id accipitur » (102). L’intention du sujet n’est donc pas requise non plus pour sa validité, quand le baptême est reçu dans une communauté chrétienne. 3° : Que si la chose se passait en dehors de toute Église « totum ludicre et mimice et ioculariter », il faudrait demander à Dieu une révélation pour savoir si l’on doit, oui ou non, accepter un pareil baptême (102).
On s’est étendu un peu longuement sur les principes généraux relatifs aux sacrements répandus dans les écrits de saint Augustin, parce qu’ils constituent la première ébauche de la synthèse sacramentaire réalisée par le moyen âge. Il est temps d’en venir aux sacrements en particulier.
Sur le baptême, l’évêque d’Hippone a écrit deux traités de polémique contre les donatistes, le De baptismo, en sept livres, et le De unico baptismo contra Petilianum, respectivement de 400 et 410.
Le baptême est le sacrement qui donne la vraie foi, le sacrement de la régénération (sacramentum nativitatis ; vulva matris aqua baptismatis), symbolisé par l’eau sortie du côté ouvert de Jésus en croix. On le confère avec de l’eau préalablement bénite et la formule in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.
Ses effets sont de remettre tous les péchés « omnia peccata… prorsus omnia ». Il remet en particulier le péché originel : aussi l’enfant baptisé qui meurt avant l’âge de raison échappe-t-il à la condamnation commune portée contre l’humanité. Quant à la concupiscence, le baptême n’en délivre pas, mais il lui enlève sa culpabilité, son reatus, et jette dans l’âme le principe de sa disparition au jour de la résurrection. De plus, il est la condition pour les chrétiens de la rémission des péchés qu’ils commettront dans la suite de leur vie, et de la valeur de leurs prières et de leurs aumônes pour les effacer. Tout ceci cependant ne représente que le côté en quelque sorte négatif de l’efficacité baptismale. Positivement, le baptême communique à celui qui le reçoit l’esprit de foi et de charité, une vie nouvelle ; il lui imprime un caractère. L’enfant est incorporé à Jésus-Christ. Le corps même du baptisé est sanctifié et reçoit les arrhes de l’incorruptibilité future. Sans le baptême, on ne saurait participer aux autres sacrements et notamment à l’eucharistie.
On admettait longtemps avant saint Augustin que tout chrétien, même hérétique, pouvait baptiser, et l’on a vu ce qu’il pensait lui-même de la valeur du baptême des dissidents. Mais un infidèle pouvait-il validement conférer le baptême ? Notre docteur voudrait avoir sur cette question la décision d’un concile général : il incline cependant à la résoudre par l’affirmative, pourvu, bien entendu, que le rite soit intégralement appliqué.
Il regardait comme une tradition des apôtres et de Jésus-Christ l’usage de l’Église de baptiser les enfants nouveau-nés, et il en concluait, ainsi qu’on le dira plus tard, l’existence en ces enfants du péché originel, puisqu’ils sont baptisés pour la rémission des péchés et pour leur rédemption. Les pélagiens objectaient en vain à cela que le baptême n’avait dans les enfants aucun effet médicinal et qu’il leur donnait droit seulement à l’entrée dans « le royaume des cieux » ; le saint docteur leur répondait que, dans le baptême, les enfants étaient pénitents habitu, et que sans lui ils ne pouvaient être sauvés. Cette nécessité du baptême pour le salut est d’ailleurs générale : par lui, on meurt au péché quel que soit son âge, et les plus parfaits mêmes qui ne l’auraient pas reçu, s’il s’en trouve, sont tenus de s’y soumettre. Il peut cependant être suppléé par le martyre ou encore par la foi et la conversion du cœur (fidem, conversionemque cordis) si le temps manque pour s’en approcher.
Quant à l’intention et aux dispositions requises dans le sujet du baptême, l’évêque d’Hippone incline, en cas de doute et de nécessité, vers le parti miséricordieux. Ainsi, encore qu’il ne blâme point l’autre manière de faire, il est d’avis que l’on baptise, en danger de mort, le catéchumène qui ne peut ni manifester sa volonté, ni professer lui-même sa foi : « Multo satius est nolenti dare quam volenti negare. » Bien plus, il est d’avis de baptiser, dans les mêmes circonstances, le catéchumène engagé dans un commerce adultère, puisqu’on peut présumer qu’il avait l’intention de s’en retirer au moins au dernier moment, et de recevoir le sacrement. Et il ajoute : « Quae autem baptismatis eadem reconciliationis est causa, si forte paenitentem finiendae vitae periculum praeoccupaverit. »
Immédiatement après le baptême, se donnait régulièrement la confirmation. Saint Augustin la mentionne plusieurs fois, et la met en rapport avec ce qui est raconté Actes.8.15-17. Il lui attribue comme matière l’imposition de la main, à laquelle s’ajoutait peut-être un signe de croix tracé sur le front. Son effet est de donner le Saint-Esprit. Or le Saint-Esprit est amour. D’où il suit, d’une part, que les schismatiques, qui n’ont pas la charité, peuvent bien donner le matériel du sacrement, mais non pas le Saint-Esprit qu’il contient ; et, d’autre part, que le meilleur moyen pour les fidèles de savoir s’ils ont reçu le Saint-Esprit est de se demander s’ils aiment leurs frères : « Ergo si vis nosse quia accepisti Spiritum sanctum, interroga cor tuum, ne forte sacramentum habeas et virtutem sacramenti non habeas ». Là même saint Augustin affirme enfin de ce sacrement qu’on le donne aux enfants, et, comme on le voit, qu’il est valide, reçu dans le schisme ou avec de mauvaises dispositions, bien qu’il ne soit pas alors fructueux. Il semble bien par là lui attribuer la production d’un caractère.
[Contra litt. Petiliani, ii, 239. On remarquera que saint Augustin distingue nettement la confirmation, qui comportait l’imposition de la main de l’évêque, de la cérémonie par laquelle on réconciliait les hérétiques et qui n’était qu’une imposition des mains. Celle-ci n’était, à son avis, que oratio super hominem et pouvait se réitérer (De baptismo, iii, 21.)]