L'Empereur Constance dit :
« Comme vous êtes Chrétien, et Évêque de nôtre ville, nous avons jugé à propos de vous mander et de vous exhorter de ne prendre aucune part à l'extravagance, et à l'impiété d'Athanase. C'est le jugement que l'univers a rendu contre lui, quand il l'a retranché dans un Concile de la Communion de l'Église. »
Libère Évêque a répondu :
« Empereur, les jugements Ecclésiastiques doivent être rendus avec beaucoup de justice ; c'est pourquoi votre piété commandera, si elle l'a agréable que les Juges s'assemblent, et si Athanase mérite d'être condamné, il le sera selon les règles de l'Église ; car il ne m'est pas permis de le condamner sans l'avoir jugé. »
L'Empereur Constance dit :
« L'Univers a condamné son impiété, parce que dès le commencement il a abusé du temps. »
Libère Évêque dit :
« Ceux qui ont signé la condamnation n'ont point vu eux-mêmes comme les choses se sont passées, et ne l'ont signée que par l'amour de la gloire du siècle, et par l'appréhension d'être déshonorés. »
L'Empereur a dit :
« Par le désir de quelle gloire, et par l'appréhension de quel déshonneur ? »
Libère a dit :
« Ceux qui n'aiment point la gloire de Dieu, et qui ont préféré vos présents à cette gloire, ont condamné un homme qu'ils n'avaient point vu, ce qui est très contraire aux principes de la justice Chrétienne. »
L'Empereur dit :
« Athanase était présent quand il fut jugé dans le Concile de Tyr, et condamné par le suffrage des Évêques de toute la terre. »
Libère dit :
« Jamais il n'a été jugé en sa présence, et ceux qui l'ont condamné en ce temps-là, l'ont condamné sans raison et après qu'il s'était retiré. »
Eusèbe Eunuque dit :
« Il a été prouvé dans le Concile de Nicée, qu'il était fort éloigné de la vérité de la foi. »
Libère dit :
« De tous ceux qui firent voile vers la Maréote avec Ischyras, il n'y en eut que cinq qui dirent leurs avis, et qui avaient été envoyés pour informer contre l'accusé. De ces cinq il y en a deux qui sont morts, savoir Théognis et Théodore. Les trois autres, Maris, Valens, et Ursace vivent encore. Il y a eu sentence rendue dans le Concile de Sardique, contre ceux qui avaient été envoyés à la Maréote pour y informer. Ils ont depuis présenté leur requête, et ont demandé pardon des actes calomnieux, qu'ils avaient faits après n'avoir entendu qu'une partie. Nous avons leur requête entre les mains. Du côté desquels devons nous nous ranger, et avec lesquels devons-nous communiquer, Empereur, ou avec ceux qui ont condamné Athanase, et qui ont depuis demandé pardon de l'avoir condamné, ou avec ceux qui ont condamné ces derniers ? »
Epictète Évêque dit :
« Libère ne parle pas pour l'intérêt de la foi, ni pour la défense des jugements de l'Église, il ne parle que pour avoir occasion de se vanter devant les Sénateurs de Rome d'avoir vaincu l'Empereur par ses raisons. »
L'Empereur dit à Libère :
« La quantième partie, êtes-vous du monde Chrétien, pour vouloir protéger seul un impie, et pour vouloir troubler la paix de l'Univers ? »
Libère dit :
« Quand je serais seul, la cause de la foi n'en serait pas moins bonne. Il ne se trouva autrefois que trois personnes assez généreuses pour résister au commandement injuste d'un Prince. »
Eusèbe Eunuque dit :
« Vous comparez l'Empereur à ce Nabuchodonosor. »
Libère dit :
« Pardonnez-moi, je n'ai garde de l'y comparer, mais vous condamnez témérairement un accusé sans avoir examiné son affaire. Pour moi je demande que d'abord on signe un formulaire conforme à la foi du Concile de Nicée, et qu'ensuite on rappele tous nos frères des lieux ce où ils ont été exilés, et qu'on les rétablisse sur leurs Sièges. Quand cela aura été fait, si l'on trouve que la doctrine de ceux qui remplissent maintenant l'Église de désordre, et de tumulte, soit conforme à la foi des Apôtres, nous nous rendrons à Alexandrie où sont les accusateurs, et l'accusé, et après avoir pris connaissance de l'affaire nous la jugerons. »
Epictète Évêque dit :
« Il n'y a pas assez de voitures publiques pour tant d'Évêques. »
Libère répondit :
« Les affaires de l'Église se peuvent faire sans les voitures publiques : il n'y a point d'Église qui ne puisse fournir aux frais qui sont nécessaires pour conduire son Évêque jusques à la mer. »
L'Empereur dit :
« Ce qui a été une fois jugé ne peut être révoqué, et l'avis du plus grand nombre d'Évêques doit prévaloir. Vous êtes seul qui demeurez dans l'amitié de cet impie. »
Libère dit :
« Empereur, c'est une chose inouïe qu'un juge accuse un absent d'impiété, comme s'il était son ennemi. »
L'Empereur dit :
« Il a offensé tout le monde en général, mais il m'a offensé plus sensiblement que personne. Il ne s'est pas contenté d'avoir contribué à la mort de Constantin mon frère aîné, il a continuellement aigri Constant d'heureuse mémoire contre moi, et il nous aurait mis mal ensemble, si ma modération et ma douceur n'avaient été au dessus de sa malice et des dangereuses impressions qu'il avait données à mon frère, c'est pourquoi j'aurai une plus grande joie d'avoir éloigné ce scélérat du gouvernement de l'Église, que je n'en ai des victoires les plus importantes, et même de celles que j'ai remportées sur Magnence, et sur Silvain. »
Libère dit :
« Ne prétendez pas, Empereur, venger vos injures par le ministère des Évêques, dont les mains ne doivent être employées qu'à la sanctification des Fidèles. Ordonnez, s'il vous plaît, qu'ils retournent à leurs Églises, et s'ils s'accordent avec celui qui défend maintenant la doctrine, qui a été définie dans le Concile de Nicée, qu'ils rendent la paix au monde Chrétien, et qu'un innocent ne soit point noté. »
L'Empereur dit :
« Il n'y a qu'une question : je souhaite de vous renvoyer à Rome, quand vous serez rentré dans la communion des autres Églises ; consentez à la paix, signez-là, et vous retournerez à Rome. »
Libère dit :
« J'ai déjà dit adieu à tous nos frères qui sont à Rome, et les lois de l'Église doivent être préférées à la demeure de cette ville. »
L'Empereur dit :
« Je vous donne trois jours pour délibérer si vous voulez signer, et retourner à Rome, ou pour choisir un lieu où vous serez exilé. »
Libère dit :
« Ni trois jours, ni trois mois ne me feront pas changer de sentiment : envoyez-moi où il vous plaira. »
L'Empereur l'ayant envoyé quérir deux jours après, et l'ayant trouvé dans la même disposition, le relégua à Bérée ville de Thrace. Quand il fut parti, l'Empereur lui envoya cinq cent pièces d'or pour sa dépense. Mais au lieu de les recevoir, il dit à celui qui les avait apportées :
« Rendez-les à l'Empereur, il en a besoin pour payer les troupes. »
L'Impératrice lui ayant envoyé une pareille somme, il dit :
« Donnez cet argent à l'Empereur, il en a besoin pour payer ses troupes que s'il n'en a pas besoin qu'il le donne à Auxence et à Epictète, qui en ont besoin. »
Eusèbe Eunuque apporta encore à Libère d'autres sommes d'argent ; mais il lui dit :
« Vous avez rendu désertes toutes les Églises du monde, et vous m'apportez l'aumône comme à un criminel, retirez-vous, et faites-vous Chrétien. »
Il fut relégué trois jours après, sans avoir rien reçu de ce qu'on lui avait offert.