S’il est vrai que le style, c’est l’homme — et cela est vrai, tout au moins dans une certaine mesure, dans le domaine qui nous occupe, — la distinction que l’on a faite ou tentée fort souvent entre l’inspiration de la pensée et celle du mot est artificielle et fausse en soi, et l’identification courante de l’inspiration plénière et de l’inspiration verbale est condamnée par là même. Elles partent l’une et l’autre d’une conception mécanique du langage qui n’en ferait que le vêtement, et pour ainsi dire le placage de la pensée, plutôt que son coefficient vivant et organique. Où fixer dès lors la limite, et comment l’inspiration de la pensée n’entraînerait-elle pas celle du verbe ? N’est-il pas à prévoir que, selon que l’inspiration a été plus ou moins intense et pure, l’idée divine passant par l’organe humain qu’elle transformait, purifiait et sanctifiait, se créait une forme qui lui était plus ou moins adéquate, qui était plus ou moins digne d’elle. L’idée divine a dû se servir des langues humaines, comme la seconde personne divine de la nature humaine ; elle y est descendue ; elle s’y est incarnée pour l’élever et l’exalter avec elle ; et comme la révélation accomplie a été la Parole faite chair, l’inspiration suprême a dû produire la pénétration parfaite de la vérité et de sa forme ; de la chose et du signe ; de l’idée et du mot. L’homme saint parlant de choses saintes n’a pu qu’en parler saintement. Le langage de Jésus-Christ n’a pu qu’être le mieux approprié à son objet. Toutes les qualités du style qui tiennent à la morale, la simplicité, la sobriété, le naturel, l’adaptation absolue des moindres détails au but final, l’exacte propriété des termes, ont dû s’y retrouver ; il a dû être, à ces différents égards, sans défaut, comme le fond, sans erreur.
Lui-même a admis l’inspiration verbale et même littérale, non pas sans doute du canon traditionnel de l’A. T., mais de ce qui, dans le Pentateuque spécialement, était expression de pensée divine et d’intention divine, lorsqu’il a déclaré qu’il n’y aurait pas un iota de la Loi qui ne dût trouver en sa personne et en son œuvre son accomplissement (Matthieu 5.18).
Le langage des autres organes de la révélation, tant dans l’Ancien que dans le N. T., a dû être également approprié à son objet dans la mesure de l’intensité de l’idée religieuse qu’ils possédaient en même temps qu’ils en étaient possédés, et exempt, par conséquent, dans cette même mesure aussi, des défauts qui relèvent de la morale, la recherche de l’effet, l’enflure, l’excès de l’effort, ou d’un autre côté, la forme lâche, le défaut de précision, la superfluité, la négligence de l’expression.
Nous ne rangerons pas, à l’instar des anciens dogmaticiens, au nombre des expressions de la pensée humaine repoussées par le caractère des Saintes-Ecritures, les provincialismes, ni même les solécismes et les barbarismes, dont il faudra dire seulement ce qu’on a dit des patois, que ce sont des formes de langage qui sont restées en minoritéf.
f – On ne se doute guère que l’expression : c’est moi, contient deux grosses incorrections qui ont passé du jargon populaire dans la langue régulière, et que celui qui dirait : Ce suis-je aurait raison contre tout le monde.
C’est de cette adaptation constante de la forme au fond dans les produits de l’inspiration religieuse que Paul parlait par expérience en écrivant aux Corinthiens : « accommodant des formes pneumatiques à des pensées pneumatiquesg » (1 Corinthiens 2.13).
g – Je sais qu’on peut traduire le second datif par le masculin : à des hommes spirituels ; mais l’intention du morceau décide en faveur de notre sens.
Mais si l’inspiration religieuse s’étend évidemment jusqu’au choix des mots dans le sens que nous venons d’indiquer, si nous croyons à l’inspiration verbale, nous ne saurions admettre, d’un autre côté, avec les partisans de l’inspiration plénière, qu’il y ait une différence spécifique à établir entre l’inspiration des paroles et celle des écrits, ce qui nous amène au sujet de notre deuxième paragraphe.